LA GENESE ET LES MYTHES EGYPTIENS

 

Qu’est-ce qui différencie le livre de la Genèse, dans la Bible, des mythes païens relatant les origines du monde?  Je vous pose la question parce qu’il n’est pas rare d’entendre dire qu’au fond, la Genèse n’est qu’une adaptation, ou une variation, de ces mythes.  Et bien, comparons un peu le début de la Genèse avec les récits égyptiens des origines.  Dans l’Egypte antique, le spectacle des origines c’était la crue du Nil, qui se reproduisait tous les ans peu après la réapparition dans le ciel - juste avant le lever du soleil - de l’étoile Sirius, après soixante-dix jours d’absence, comme l’explique Nadine Guilhou, une égyptologue française.  Un texte des Pyramides décrit ce spectacle: “avant que n’existe le ciel, avant que la terre n’existe, avant que les dieux n’aient été mis au monde, avant que n’existe la mort...”  Seul, nous dit Guilhou, existait alors l’infini de l’eau et l’infini des ténèbres.  Et elle ajoute: “C’est là qu’allait se manifester le démiurge”, c’est-à-dire la divinité qui organise la matière et lui donne des formes différenciées. Voilà le point de départ des cosmogonies égyptiennes c’est-à-dire des mythes qui tâchent de rendre compte des origines de l’univers.  Dans la cosmogonie d’Heliopolis, sans doute la mieux connue, au commencement était le Noun, l’océan primordial, le champ de tous les possibles.  Je cite encore Nadine Guilhou: “C’est un infini des eaux et un infini des ténèbres, domaine de l’obscurité totale.  C’est là que va se manifester la vie.  En son sein s’éveille Atoum, le créateur.  Son nom signifie, en égyptien, la Totalité, Celui qui est complet.  Tout au plus peut-on l’imaginer sous la forme d’un serpent que les hommes ne peuvent pas connaître, que les dieux ne peuvent pas voir, tel qu’il reviendra à la fin des temps, prêt à renaître pour un nouveau cycle de création.  A partir du moment où il se manifeste hors du Noun, le créateur devra revêtir une apparence.  C’est souvent celle d’un oiseau, évoquant l’apparition de l’espace.  Mais cet oiseau doit disposer d’un endroit où se poser, un rocher pointu émergeant des eaux: c’est la condition indispensable à l’apparition du démiurge.  A Heliopolis il y avait une pierre sacrée en forme d’obélisque trapu qui remplissait ce rôle.

 

Je pourrais continuer à vous raconter ces récits fascinants des cosmogonies égyptiennes. Mais lisons plutôt le tout début de la Genèse, pour voir comment elle s’en sépare radicalement: Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux.  Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.  Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.  Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un jour.  Ce que nous lisons dans la Genèse, est en fait l’inverse des cosmogonies égyptiennes, il en prend même directement le contrepied: au commencement il n’y a pas de la matière au sein de laquelle émergera un créateur qui se posera sous forme d’oiseau sur un tertre, il y a le Dieu éternel qui est lui-même le créateur de toutes choses.  Certes, l’eau et les ténèbres sont bien mentionnés, mais ils viennent après les cieux et la terre; et ceux-ci sont la création du Dieu qui leur pré-existe.  Dans la Bible, Dieu sauve car il est le Créateur éternel et tout puissant.  Avec le psaume 128, nous pouvons alors nous écrier, pleins de reconnaissance:  Notre secours est dans le nom de l’Eternel, qui a fait les cieux et la terre!