39. CHUTE, ALIÉNATION ET RESTAURATION
Dans
ses premières pages, dès le troisième chapitre du livre de la Genèse, la
Bible parle de la Chute de l’homme, c’est-à-dire de l’éloignement
radical intervenu entre l’homme et son Créateur, en raison d’un manque de
foi et d’une désobéissance aux conséquences désastreuses.
Comment caractériser les effets de la Chute sur les humains?
On peut dire qu’il s’agit d’une perte du sens de l’identité
humaine. La Genèse nous dit que ce qui constitue l’essence même de tout être
humain, c’est qu’il a été créé à l’image même de Dieu, selon sa
ressemblance. Chaque personne réunit à la fois une unité et une diversité:
unité et diversité de l’âme et du corps, unité et diversité des différentes
fonctions et relations de l’être. Mais
après la Chute, cet événement catastrophique de portée cosmique, la
condition de l’homme est devenue de douter de son identité et de son unité.
Nous cherchons à nous connaître en nous regardant dans un miroir brisé,
qui nous renvoie une image déphasée, déformée, de nous-mêmes.
Tout cela parce que l’homme a rejeté le parfait miroir où il peut se
connaître, celui tendu par son Créateur, et qui passe par une relation vivante
avec celui-ci. Une relation brisée
avec Dieu le Créateur signifie une relation brisée avec nous-mêmes et avec
les autres, une triple aliénation en quelque sorte.
Vous connaissez sans doute l’adage du philosophe grec Socrate:
Connais-toi toi-même. Certes, voilà
un bel idéal vers lequel tendre. Mais
comment l’atteindre? Jean Calvin,
le réformateur du 16e siècle, commence son grand ouvrage, l’Institution de
la Religion Chrétienne, par cette phrase programmatique: Toute la somme presque de notre sagesse, laquelle, à tout compter, mérite
d’être réputée vraie et entière sagesse, est située en deux parties:
c’est qu’en connaissant Dieu, chacun de nous aussi se connaisse.
Mais ne nous leurrons pas. Connaître
Dieu, se connaître soi même et connaître les autres, c’est avant tout aimer
Dieu, s’aimer soi-même et aimer les autres.
Cela va de pair. Et c’est
du reste ce que nous enseigne la Parole divine, le parfait miroir dans lequel
nous pouvons nous contempler pour de bon, sans risquer de trouver une image déformée
de Dieu ou de nous même. Un jour,
un enseignant de la Loi a demandé à Jésus-Christ: maître,
quel est, dans la Loi, le commandement le plus grand?
Et Jésus, reprenant les paroles de l’Ancien Testament,
lui a répondu: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme
et de toute ta pensée. C’est là
le commandement le plus important. Et
il y en a un second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Tout ce qu’enseignent la Loi et les prophètes est contenu dans ces
deux commandements. La
Loi, dans la Bible, n’est pas un élément d’oppression, de limitation, mais
au contraire elle tend vers la liberté en nous enseignant les préceptes
d’amour. Toute l’Ecriture Sainte
tend à ce but, et elle se concentre sur la personne de Jésus-Christ, qui est
venu incarner l’amour parfait du Père céleste pour ses créatures aliénées.
Ecoutons donc ce que dit Jacques à propos de l’Ecriture, dans sa
lettre que l’on trouve vers la fin du Nouveau Testament: Seulement,
ne vous contentez pas de l’écouter, traduisez-là en actes, sans quoi vous
vous tromperiez vous-mêmes. En
effet, si quelqu’un se contente d’écouter la Parole sans y conformer ses
actes, il ressemble à un homme qui, en s’observant dans un miroir, découvre
son vrai visage: après s’être ainsi observé, il s’en va et oublie ce
qu’il est. Voici, au contraire, un
homme qui scrute la loi parfaite qui donne la liberté, il lui demeure fidèlement
attaché, et au lieu de l’oublier après l’avoir entendue, il y conforme ses
actes: cet homme sera heureux dans tout ce qu’il fait.