50. LES
CHRÉTIENS ET L’ETAT, HIER ET AUJOURD’HUI
Quoi
de plus naturel que d’affirmer que notre époque ressemble bien peu à celle
de l’empire romain, autour du bassin méditerranéen, il y a environ deux
mille ans. Tant d’eau a coulé
sous les ponts, tant de choses ont changé, tant de bouleversements sont
intervenus au cours de l’histoire des hommes, dans leurs relations sociales,
économiques, dans l’histoire des idées etc.
On ne peut se pencher sur cette époque ancienne qu’à la manière dont
on visite un musée intéressant mais qui n’a que peu de rapports avec notre
situation présente. Dans ces
conditions, quelle valeur pourrait avoir le message de l’Evangile, justement
proclamé au sein de ce même bassin méditerranéen par des prêcheurs itinérants
il y a deux mille ans?
Et bien, prenons à rebours ces affirmations
apparemment irréfutables. Le
monde méditerranéen d’alors, sous la férule de Rome, était un monde très
globalisé, dont la langue dominante, en tous cas dans la partie est de
l’empire, n’était pas l’anglais, l’arabe ou le chinois, mais le grec.
Le pouvoir occidental de Rome était en lutte avec plusieurs puissances
du Moyen Orient, comme les Parthes, ou les Perses.
L’Etatisme romain oppressait les régions de l’empire et les
accablait d’impôts. Et puis,
l’Etat romain se faisait non seulement respecter par la supériorité de ses
forces armées, mais il se faisait aussi adorer en la personne de l’empereur
comme pourvoyant aux besoins matériels des populations qu’il contrôlait.
L’Etat providence ne date pas de notre époque, loin s‘en faut!
Le pluralisme religieux, la variété des croyances, caractérisait ce
monde globalisé. L’Etat romain garantissait la liberté de tous les cultes,
à condition que le culte de l’empereur, qui a pris des proportions de plus en
plus étendues au cours des âges, soit maintenu par tous. Il fallait en quelque
sorte vénérer L’Etat en la personne de l’empereur, considéré comme un
demi-dieu. Le ciment de
l’existence des peuples, le cadre de leurs activités c’était donc le
gouvernement de Rome considéré comme universel. Et c’est là que le
christianisme a apporté un ferment de contestation beaucoup plus profond
qu’un mouvement d’opposition ou une rébellion voire une révolution
violente. Car il annonçait qu’au
delà des autorités humaines, il existe une autorité suprême, celle de Jésus-Christ,
le crucifié-ressuscité, qui exige une allégeance unique.
Lui seul porte le titre de roi des rois, et les normes de droit et de
justice qui doivent prévaloir entre les humains dans toutes les situations
qu’on peut rencontrer, doivent dériver de celles qu’il a enseignées et
pratiquées, et dont Dieu, son Père céleste, est la source.
Pas étonnant que les autorités romaines aient commencé à apercevoir
le danger que représentait cette foi pour la perpétuation de leur système
religieux et politique. Même si les
chrétiens ne prenaient pas les armes pour opérer un renversement de régime, même
s’ils restaient des sujets loyaux de l’empire, leur coeur, leurs pensées,
allaient vers un autre Seigneur que l’empereur de Rome.
D’où les violentes persécutions contre eux qui ont commencé à voir
le jour au sein de l’empire. Quel
est le rapport, aujourd’hui, entre les chrétiens et l’Etat moderne?
Dans quelle mesure celui-ci ne se déclare-t-il pas
la norme ultime de ce qui est bien ou mal, de ce qui est juste ou
injuste? Et, posons la question:
jusqu’à quand tolèrera-t-il en son sein l’existence d’une minorité qui
ose affirmer, avec Jésus-Christ, que tout pouvoir dans le ciel et sur la terre
lui a été donné, raison pour laquelle il peut commander à ses disciples de répandre
son enseignement dans toutes les nations afin qu’elles lui obéissent?