51. ETRE DANS LE MONDE SANS ETRE DU MONDE

 

Etre dans le monde sans être du monde: voilà un paradoxe qu’enseigne la Bible, et qui devrait être éclairci car c’est d’une importance capitale pour la vie chrétienne.  L’Evangile selon Jean en particulier utilise très souvent ce mot “le monde” (dans le grec du Nouveau Testament c’est le mot “cosmos”) avec des variations de sens.  Prenons par exemple la prière que Jésus adresse à son Père pour ses disciples au chapitre 17 de cet évangile, au moment du repas de Pâques qu’il tient avec eux, peu avant son arrestation et sa Passion:  Je leur ai donné ta Parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils ne lui appartiennent pas, comme moi-même je ne lui appartiens pas.  Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les préserver du diable.  Ils n’appartiennent pas au monde, comme moi-même je ne lui appartiens pas.  Consacre-les par la vérité.  Ta Parole et la vérité.  Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les y envoie.  Et je me consacre moi-même à toi pour eux, pour qu’ils soient, à leur tour, consacrés à toi par la vérité.  Dans ces paroles de Jésus-Christ, le monde c’est d’abord la création de Dieu, l’univers et plus spécifiquement la demeure des humains.  C’est dans ce monde-là qu’il a été envoyé par son Père, pour le sauver de l’aliénation dans laquelle il se trouve.  C’est dans ce même monde qu’il envoie ses disciples pour prêcher l’Evangile du salut.  Mais ce monde s’est soumis au règne de l’adversaire, du diable, d’un esprit de rébellion contre Dieu, et ne l’accepte par conséquent pas.  Ce monde hait Christ et ses disciples parce qu’ils ne se soumettent pas à ses vues déformées, à ses diktats, à l’esprit de mensonge qui l’anime.  Les chrétiens font partie du monde où ils ont été placés par Dieu, ils y ont une mission spécifique à tous les échelons de la vie, sur tous les terrains de l’existence, leur Seigneur les y envoie.  Ils ne sont pas dans le monde pour s’en retirer, pour l’abandonner à ses tendances destructrices, mais pour le réformer, pour être, selon la parole bien connue de Jésus dans le Sermon sur la Montagne, le sel de la terre, qui lui donne saveur et le préserve de la désintégration. Mais s’ils adoptent le goût et la saveur du monde aliéné de Dieu, alors, selon cette même parole de l’Evangile, ce sel ne vaut plus rien: il n’est bon qu’à être jeté dehors et piétiné.  Dans ce même sermon sur la Montagne, Jésus poursuit: Vous êtes la lumière du monde.  Une ville au sommet d’une colline n’échappe pas aux regards.  Il en est de même d’une lampe: si on l’allume, ce n’est pas pour la mettre sous une mesure à grains: au contraire, on la fixe sur un pied de lampe pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.  C’est ainsi que votre lumière doit briller devant tous les hommes, pour qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils en attribuent la gloire à votre Père céleste.