57.  LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ (3)

 

La fraternité entre les hommes, est l’idéal à atteindre qu’exprime le troisième volet de la devise de la république française: liberté, égalité, fraternité.  Tout comme les deux précédents, il trouve sa source dans l’enseignement chrétien, même s’il s’appuie sur des idées assez différentes, et finalement contradictoires.  Vous connaissez sûrement l’Ode à la Joie du poète allemand Schiller, mis en musique par Beethoven dans le dernier mouvement de sa neuvième symphonie: Tous les hommes deviendront frères chantent les solistes et le choeur.  Où en sommes-nous aujourd’hui dans la réalisation universelle de ce bel idéal?  Les peuples ne sont-ils plus en compétition les uns avec les autres?  La lutte économique et la survie des plus forts aux dépens des plus faibles a-t-elle laissé la place à l’harmonie généralisée dans les relations humaines?  Il y a en fait une grosse contradiction dans l’idéologie dominante qui gouverne les pensées et les coeurs des hommes de notre époque: on ne peut pas déclarer à la fois que la loi de base qui régit les relations humaines et animales c’est la survie du plus fort au dépend du plus faible, avec pour conséquence évidente l’élimination de ceux qui ne savent ou ne peuvent pas s’adapter, et que d’autre part l’idéal à atteindre c’est la fraternité humaine généralisée.  Il faut être totalement schizophrène pour soutenir que ces deux principes peuvent exister ensemble.  C’est bien pourtant ce qu’on voudrait nous faire croire.  Pour la foi chrétienne, la fraternité entre les hommes est avant tout le fait d’une réconciliation avec Dieu opérée par Jésus-Christ, qui est devenu le modèle d’une humanité nouvelle. Sur ce fondement, le Christ déclare à ses disciples au moment du repas pascal célébré en commun peu avant son arrestation, son procès et sa crucifixion:  Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Reconnaître en l’autre son semblable n’est possible que si on reconnaît d’abord qu’il est créé à l’image de Dieu lui aussi, tout comme soi-même, et que cette image est sacrée.  Je vous parlais dans ma précédente rubrique de l’égalité des hommes devant Dieu, en particulier devant la justice publique.  Aucun favoritisme n’est toléré devant le siège judiciaire, aucune corruption n’est permise.  Mais sur quelle base?  Uniquement sur celle du Dieu éternel et Tout Puissant qui jugera lui-même tous les hommes.  Cette égalité devant la justice doit permettre de protéger les plus démunis, les plus faibles, contre l’abus et l’exploitation des plus puissants, sans toutefois que cette protection devienne partiale et injuste à son tour.  Un très beau texte du livre du Deutéronome, dans l’Ancien Testament, à la fin du dixième chapitre nous dit ceci: L’Eternel votre Dieu est le Dieu suprême et le Seigneur des seigneurs, le grand Dieu, puissant et redoutable, qui ne fait pas de favoritisme et ne se laisse pas corrompre par des présents.  Il rend justice à l’orphelin et à la veuve et témoigne son amour à l’étranger en lui assurant le pain et le vêtement.  Vous aussi vous aimerez l’étranger parmi vous, car vous avez été étrangers en Egypte. L’amour du prochain, c’est donc avant tout l’exercice d’une justice impartiale à son égard, la reconnaissance de son droit à exister en paix, même et surtout s’il est plus fragile que les autres.  C’est cela que l’Evangile proclame, et c’est bien le contraire de l’idéologie naturaliste qui non seulement admet la survie exclusive du plus fort, mais de plus l’encourage de manière éhontée.