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CHRISTIANISME ET LAICITÉ (2)
Que
la laïcité soit une notion clé dans notre société pluraliste, et qu’on ne
puisse forcer les uns ou les autres à croire de telle ou telle manière, cela
ne fait aucun doute. Que la paix civile doive être maintenue par l’Etat dans
une situation de pluralisme religieux, cela va également de soi. Mais si un
quelconque groupe veut empêcher les citoyens chrétiens d’un pays
d’exprimer publiquement quelles convictions profondes guident leurs choix de
vie et de société, alors ce groupe est lui-même dangereusement intégriste et
fanatique. Il cherche tout
simplement à étouffer leur liberté sous prétexte de cohésion sociale.
En fin de compte, on en arrive à conférer à César, c’est-à-dire à
l’Etat, la prérogative et le droit de décréter ce que tous doivent penser,
ce qui est politiquement correct ou non. La crainte de possibles effets
secondaires incontrôlables du pluralisme qu’on a tout d’abord prétendu défendre,
aboutit paradoxalement à nier toute possibilité de divergence d’opinion.
Poursuivre sur cette voie, c’est nous approcher du régime nord-coréen à
grands pas… Plus totalitaire que ça tu meurs !
Cette notion fausse de la liberté repose bien sûr sur l’idée
sous-jacente tout aussi fausse que les religions, en tous cas les systèmes de
croyance qualifiés comme telles, ne sont pas neutres, tandis que les courants
de pensée contemporains seraient, quant à eux,
totalement neutres et dénués de tout fondement religieux.
Ce qui est une absurdité. Car chaque personne vit avec un système de
convictions et de croyances données, qu’elles soient cohérentes, avouées,
dangereuses ou non. La prétendue
neutralité en la matière n’existe tout simplement pas.
Qu’on soit matérialiste invétéré, droit-de-l’hommiste convaincu,
hédoniste jouisseur ou écologiste passionné, on raisonne et on agit toujours
avec des motifs qui sont à la base de l’ordre de la croyance : croyance
en ce qui doit gouverner notre vie, voire celle des autres.
Ce qu’on défend passionnément ce sont toujours nos priorités, nos hiérarchies
de valeurs, notre vision du monde. Cela
est bien humain, me direz-vous. Oui,
mais humain parce que justement religieux : car l’être humain est dans
son essence une créature religieuse, il a été créé comme tel.
Il l’est et il le restera jusqu’à la fin des temps, recherchant un
sens global au pourquoi de sa vie, tâchant de relier les éléments de son
existence par des liens cohérents et satisfaisants aussi bien pour son cœur
que pour son esprit. Alors est-ce à l’Etat et à ses serviteurs de nous
fournir les réponses adéquates, par exemple au travers de l’Education
Nationale? Que César
s’occupe donc de collecter les impôts avec un minimum de justice sociale et
surtout de ne pas en gaspiller les recettes tous azimuts par des politiques
insensées, ce qu’il semble d’ailleurs bien incapable de faire. Et que la
tolérance tant prônée par les uns et les autres soit aussi appliquée aux chrétiens
qui souhaitent participer aux débats publics et y apporter une contribution
positive.