86.  CHRISTIANISME ET LAICITÉ (2)

 

Que la laïcité soit une notion clé dans notre société pluraliste, et qu’on ne puisse forcer les uns ou les autres à croire de telle ou telle manière, cela ne fait aucun doute. Que la paix civile doive être maintenue par l’Etat dans une situation de pluralisme religieux, cela va également de soi. Mais si un quelconque groupe veut empêcher les citoyens chrétiens d’un pays d’exprimer publiquement quelles convictions profondes guident leurs choix de vie et de société, alors ce groupe est lui-même dangereusement intégriste et fanatique.  Il cherche tout simplement à étouffer leur liberté sous prétexte de cohésion sociale.  En fin de compte, on en arrive à conférer à César, c’est-à-dire à l’Etat, la prérogative et le droit de décréter ce que tous doivent penser, ce qui est politiquement correct ou non. La crainte de possibles effets secondaires incontrôlables du pluralisme qu’on a tout d’abord prétendu défendre, aboutit paradoxalement à nier toute possibilité de divergence d’opinion. Poursuivre sur cette voie, c’est nous approcher du régime nord-coréen à grands pas… Plus totalitaire que ça tu meurs !  Cette notion fausse de la liberté repose bien sûr sur l’idée sous-jacente tout aussi fausse que les religions, en tous cas les systèmes de croyance qualifiés comme telles, ne sont pas neutres, tandis que les courants de pensée contemporains seraient, quant à eux,  totalement neutres et dénués de tout fondement religieux.  Ce qui est une absurdité. Car chaque personne vit avec un système de convictions et de croyances données, qu’elles soient cohérentes, avouées, dangereuses ou non.  La prétendue neutralité en la matière n’existe tout simplement pas.  Qu’on soit matérialiste invétéré, droit-de-l’hommiste convaincu, hédoniste jouisseur ou écologiste passionné, on raisonne et on agit toujours avec des motifs qui sont à la base de l’ordre de la croyance : croyance en ce qui doit gouverner notre vie, voire celle des autres.  Ce qu’on défend passionnément ce sont toujours nos priorités, nos hiérarchies de valeurs, notre vision du monde.  Cela est bien humain, me direz-vous.  Oui, mais humain parce que justement religieux : car l’être humain est dans son essence une créature religieuse, il a été créé comme tel.  Il l’est et il le restera jusqu’à la fin des temps, recherchant un sens global au pourquoi de sa vie, tâchant de relier les éléments de son existence par des liens cohérents et satisfaisants aussi bien pour son cœur que pour son esprit. Alors est-ce à l’Etat et à ses serviteurs de nous fournir les réponses adéquates, par exemple au travers de l’Education Nationale?   Que César s’occupe donc de collecter les impôts avec un minimum de justice sociale et surtout de ne pas en gaspiller les recettes tous azimuts par des politiques insensées, ce qu’il semble d’ailleurs bien incapable de faire. Et que la tolérance tant prônée par les uns et les autres soit aussi appliquée aux chrétiens qui souhaitent participer aux débats publics et y apporter une contribution positive.