99.  PARLER DU PÉCHÉ

Au début de l’ère chrétienne, si l’on en croit les témoignages des auteurs païens de l’époque, les chrétiens étaient accusés, entre autres choses, d’être des misanthropes, haïssant le genre humain.  Cela semble plutôt étrange au vu des deux grands commandements enseignés par Jésus-Christ à ses disciples, et qu’il a directement repris de l’Ancien Testament : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée ; et tu aimeras ton prochain comme toi-même.  Alors pourquoi cette accusation de haine du genre humain?  Sans doute en partie parce qu’ils refusaient de participer à certains rituels communautaires, aux célébrations des confréries professionnelles où l’on sacrifiait des bêtes aux idoles locales; peut-être aussi parce qu’ils n’étaient pas adeptes de la prostitution sacrée qui voulait qu’on stimule la fertilité en visitant les prostituées officiant dans les temples païens (dans certaines villes de l’Antiquité, ce service de prostitution sacrée était même requis de toutes les jeunes filles de manière saisonnière). Et ceux qui continuaient à la pratiquer se voyaient dûment réprimandés par leurs dirigeants spirituels, comme on le lit dans la première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe. Ah quels gens ennuyeux, se disaient sans doute les contemporains.  Et puis ils ne vont pas se délecter aux spectacles du cirque romain. Ils avaient d’autant moins de raisons d’aller s’y délecter que c’étaient souvent les leurs qui étaient offerts en pâture aux bêtes du cirque…  Mais je crois qu’il y a quelque chose d’autre qui compte peut-être davantage pour qu’on les ait qualifiés d’ennemis du genre humain: le fait que les chrétiens affirmaient que l’homme n’est pas né bon par nature, mais qu’au contraire, dès sa conception et sa naissance il est pécheur, c’est-à-dire en rupture profonde avec son Créateur, privé de sa présence.  Et que cette présence dans sa vie n’est restaurée que par un don de la Grâce divine.  Mais voilà, si l’homme a été créé parfait à l’origine, s’il porte d’ailleurs toujours en lui l’image de son Créateur, il cherche par ses propres moyens à se refaire une virginité morale. Or il en est tout-à-fait incapable.  Ses actions les plus grandioses, ses vues les plus élevées, ne rétabliront jamais cette communion perdue avec Dieu, car seul Dieu est en mesure de la rétablir.  Est-ce qu’il est aujourd’hui plus populaire auprès de nos contemporains de souscrire à cette affirmation ? Voici d’ailleurs une autre parole de Jésus-Christ qui a dû paraître inacceptable à beaucoup il y a deux mille ans, comme elle est sans aucun doute inacceptable à tant de nos contemporains. Je vous invite pourtant à la méditer sérieusement: Je suis le chemin, la vérité et la vie: nul ne vient au Père que par moi.