POUR UNE ÉDUCATION CHRÉTIENNE (1)

“Pour une éducation chrétienne”, c’est le titre d’une réflexion en trois parties que je vous propose aujourd’hui, amis auditeurs et dont le second volet vous sera présenté la prochaine fois. A plusieurs reprises de par le passé, Foi et Vie Réformées a affirmé la nécessité, pour les Chrétiens engagés, d’envisager la vie toute entière à la lumière de la Bible, Parole vivante inspirée par Dieu. Qu’il s’agisse de l’éthique du travail, de la protection de la vie, de la justice publique, tout dans l’existence humaine, relève de la souveraineté du Dieu Tout Puissant qui a remis la royauté de toutes choses à son Fils éternel, Jésus-Christ. L’éducation de nos enfants ne peut échapper à cette royauté, elle a du reste tout à y gagner. Qu’une telle vue de l’éducation contrevienne au principe sacro-saint de la laïcité tel qu’il est appliqué dans un pays comme la France, entre autres, cela est évident. D’ailleurs, quand on y regarde de près, on s’aperçoit vite que ce principe de laïcité, qui prétend être neûtre, est tellement marqué idéologiquement, et tellement absolutisé par ceux qui s’en font les champions, qu’il peut à bon droit être qualifié de religieux lui aussi. C’est pourquoi l’expression “sacro-saint” que je viens de lui appliquer lui convient parfaitement. On a affaire à une religion officielle, celle de l’humanisme sécularisé, qui croit d’abord en l’homme et en ses vertus: l’homme, et lui seul, est en charge de sa destinée, il est le maître de son existence, même au milieu de ses tâtonnements pour trouver une direction. Voilà en gros la religion de la laïcité, et c’est ce qui forme le fond de l’enseignement dispensé aux enfants. Derrière le paravent de la paix religieuse, sous le prétexte d’éviter des conflits entre groupes confessionnels différents et de permettre à tous de vivre dans la paix sociale et culturelle, on uniformise l’enseignement, devenue “éducation”: on substitue au catéchisme des différentes confessions un nouveau catéchisme, celui élaboré par l’État, qui n’est pas moins chargé de valeurs, de priorités, de jugements moraux. En quoi tout cela est-il neûtre, amis auditeurs, je vous le demande?

Mais sur quelles bases envisager une “éducation chrétienne? Quels sont les principes qui doivent la diriger? Notre émission ne prétend pas définir tous les axes qui permettront à un enseignement chrétien de prendre forme dans les différentes disciplines enseignées à l’école. Il faudrait pour cela écrire une série de livres spécialisés. Je souhaite simplement énoncer quelques principes de base et montrer les conséquences de leur application dans l’orientation et le climat général que devrait revêtir un enseignement chrétien. Reconnaissons toutefois que même parmi les chrétiens il existe des opinions différentes sur ce que devrait être une éducation chrétienne. Les remarques que je vais faire relèvent plus spécifiquement d’une conception chrétienne réformée, mais vous verrez qu’elle a beaucoup de points communs avec celle d’autres groupes chrétiens.

Tout d’abord, les parents chrétiens qui prennent au sérieux l’Alliance de Grâce, ce thème qui parcourt toutes les pages de la Bible, savent et croient fermement que l’éducation de leurs enfants relève en premier lieu de leur responsabilité, pas de celle de l’école, de l’église ou de l’État. Ce sont eux en priorité qui doivent donner une direction à l’éducation de leurs enfants, et la superviser, même s’ils n’enseignent pas eux-mêmes les matières scolaires. Dieu, dans son plan créateur, a accordé des enfants aux parents, pas à l’école ou à l’État. C’est d’abord aux parents qu’il a commandé de transmettre la connaissance de son Nom, de ses oeuvres, du salut qu’il a préparé pour ceux qui croient en Lui. Ce motif est sous-jacent à toute l’Écriture Sainte, mais on le trouve énoncé avec force dans un passage comme le chapitre 6 du livre du Deutéronome, dans l’Ancien Testament: “Écoute, Israël! L’Éternel, notre Dieu, l’Éternel est Un. Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Et ces paroles que je te donne aujourd’hui seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.” Écoutez encore comment le livre des Proverbes parle de la transmission de la sagesse, de la vraie connaissance, au chapitre 2: “Mon fils, si tu reçois mes paroles, et si tu retiens en toi mes commandements, si tu prêtes une oreille attentive à la sagesse, et si tu inclines ton coeur à la raison; oui si tu appelles l’intelligence, et si tu élèves ta voix vers la raison, si tu la cherches comme l’argent, si tu la recherches avec soin comme des trésors, alors tu comprendras la crainte de l’Éternel et tu trouveras la connaissance de Dieu”. Quelle conséquence tirer de ces paroles, amis auditeurs? Les parents chrétiens insistent pour que l’éducation que leurs enfants reçoivent soit conforme à ce qu’ils croient et confessent en tant que parents. Pour eux il ne doit pas exister de conflit entre la tutelle exercée à la maison et celle exercée à l’église et à l’école.

Nous allons maintenant énoncer quatre principes de base qui donnent une orientation fondamentale à l’enseignement chrétien, celui donné par les parents et celui dispensé dans l’école chrétienne. Ces quatre principes sont chacun résumés par une formule simple: l’Écriture seule, par la Grâce seulement, par la foi seulement, à Dieu seul la gloire. Reprenons les un par un:

L’Écriture seule: appliqué à l’éducation scolaire, cela veut dire que les parents chrétiens recherchent une école qui maintienne l’autorité absolue de la Bible sur toute la vie. Nous allons tout à l’heure exposer plus en détail ce que cela implique.

Par la Grâce seulement: Cela signifie que tout ce que nous possédons –notre corps, nos dons, notre esprit, notre force etc.- ne sont que des faveurs divines imméritées, d’autant plus que nous sommes tombés dans le péché et en sommes devenus les esclaves naturels. Nous désirons seulement le mal. Seule la Grâce de Dieu nous conduit à embrasser par la foi le salut que Dieu nous a accordé en Jésus-Christ. Dans ce monde rien ne se passe en dehors de la dispensation de Dieu qui guide tout; cependant nous demeurons responsables de nos actions. Si nous appliquons ceci à l’éducation scolaire: les parents chrétiens recherchent une école qui place l’accent majeur sur la grâce imméritée de Dieu et sur notre responsabilité de vivre au sein de cette grâce. Je reviendrai sur les implications pratiques de ce point de vue.

Par la foi seulement: Les chrétiens croient que le Saint Esprit suscite en eux une foi sincère qui embrasse Jésus-Christ avec tous ses mérites. Il n’y a pas de salut sans la foi. La foi inclut la connaissance, l’accord et la confiance. Elle doit être nourrie et fortifiée par, entre autres, les moyens suivants: la Parole de Dieu et la prière. En conséquence les parents chrétiens cherchent une école qui aidera les enfants durant leurs années de formation à apprendre le vrai contenu de la foi (comme connaissance) et à développer leur confiance en Dieu. Nous reviendrons aussi là-dessus.

A Dieu seul la gloire: Le but de l’existence de l’homme est de glorifier Dieu et de trouver sa joie éternelle en Lui. Que nous mangions ou buvions, quoi que nous fassions, nous devrions tout faire pour la gloire de Dieu. Tout est de lui, par lui et pour lui. Ici aussi, nous développerons plus en détail les implications de ce motif pour l’éducation chrétienne.

Reprenons-donc un par un nos quatre motifs, et d’abord celui de l’Écriture seule. En premier lieu, l’autorité de la Bible ne doit pas être limitée à quelques domaines comme l’instruction religieuse, les études bibliques, les prières d’ouverture et de conclusion de la journée de classe. La vie nouvelle que Dieu nous offre affecte notre vie toute entière. La Parole de Dieu éclaire tous les domaines d’étude. Même les loisirs du Chrétien et la structure ainsi que l’organisation de son école doivent porter la marque de la Parole révélée de Dieu. Nous rejèterons toute doctrine présentant la Bible comme l’expérience subjective ou la réponse religieuse des hommes. La Bible est la volonté révélée de Dieu. Ce n’est ni une fiction ni un simple recueil d’histoires, elle n’est pas non plus sujette aux opinions fausses. A l’inverse cependant, il ne faudra pas traiter la Bible de manière bibliciste, comme si elle fournissait des informations ou des faits sur tous les domaines d’étude. La création, le maintien et le gouvernement du monde entier par Dieu ressemblent à un livre merveilleux, dans lequel toutes les créatures, grandes et petites, sont les lettres qui nous révèlent les choses invisibles concernant Dieu, comme sa puissance, sa sagesse, sa divinité éternelles. Nous devons en quelque sorte lire le livre de la nature. En apprenant à comprendre, du mieux de nos facultés humaines, comment cet univers est conçu, comment ses parties sont reliées les unes aux autres, nous sommes chaque fois amenés à tourner nos regards vers Celui qui est l’auteur de la création et qui en maintient le cours et l’existence à chaque instant. L’éducation chrétienne n’envisage pas le monde comme le produit du chaos, du hasard, ou de simples forces mécaniques impersonnelles. Au contraire elle voit un dessein, un plan grandiose et souvent mystérieux, dont de multiples facettes ne sont pas encore accessibles à l’intelligence humaine. Mais ce plan, elle tâche de le rendre intelligible aux enfants, dans la mesure des connaissances disponibles, en pointant toujours le doigt vers le Créateur. Une école chrétienne ne devrait pas tenter de déduire toutes choses de la Bible d’une manière simpliste, mais plutôt utiliser les perspectives de l’Écriture Sainte là où il n’y a pas de déclaration spécifique de l’Écriture. Nommons deux exemples de telles perspectives: le fait de la réalité brisée du monde en état de péché, ou encore la diversité et l’unité de la création.

Nous avons donc besoin d’une école qui considère la création de Dieu sérieusement, justement sur la base de l’Écriture. C’est pourquoi l’école chrétienne devrait maintenir un niveau élevé. Ce que les enfants y apprennent concerne une réalité plus large que ce qu’on apprend dans une école non-chrétienne: cela ne concerne pas seulement la Nature (comme dans les soi-disant écoles neûtres) ni seulement la Bible (comme dans certaines écoles bibliques), mais les deux, dans leur relation réciproque.

La prochaine fois, amis auditeurs, nous continuerons à rechercher les conséquences pratiques pour une éducation chrétienne des trois autres motifs que j’ai nommés tout à l’heure: par la Grâce seulement, par la foi seulement, et à Dieu seul la gloire.