INTENDANTS DES BIENS DE DIEU (2)

Amis auditeurs, nous avons la dernière fois entamé une réflexion sur la responsabilité économique et financière, en particulier à l’échelon public. Comment “Foi et Vie Réformées” peut-il s’intéresser à de tels sujets, demanderont certains. Notre rôle n’est-il pas seulement de parler du salut de l’âme à nos auditeurs et de leur apporter les “consolations de la religion”, comme on disait autrefois? Et bien non, pas du tout. Jésus-Christ, le roi universel que nous proclamons, déclarait à ses disciples, peu avant d’être élevé auprès de son Père céleste: “J’ai reçu les pleins pouvoirs dans le ciel et sur la terre. Allez donc dans le monde entier, faites des disciples parmi tous les peuples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit et apprenez-leur à obéir à tout ce que je vous ai prescrit. Et voici: je suis moi-même avec vous chaque jour, jusqu’à la fin du monde.” “Les pleins pouvoirs dans le ciel et sur la terre”: cela concerne donc chaque aspect de l’existence humaine, illuminée par la Parole de Dieu, sous la royauté de Jésus-Christ. L’apôtre Paul se fait l’écho de cette déclaration du Christ lorsqu’il écrit dans sa deuxième lettre aux Chrétiens de Corinthe: “Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas simplement humaines; elles tiennent leur puissance de Dieu qui les rend capables de renverser des forteresses. Oui, nous renversons les faux raisonnements ainsi que tout ce qui se dresse prétentieusement contre la connaissance de Dieu, et nous faisons prisonnière toute pensée pour l’amener à obéir au Christ.” Certes, me direz-vous, il y a bien des dangers à vouloir parler de tout selon une perspective chrétienne: ne risque-t-on pas de se ridiculiser en parlant à tort et à travers de ce que l’on ne connaît pas, ou au plus très superficiellement? “Foi et Vie Réformées” ne souhaite pas tomber dans un tel ridicule. Ce que je vous propose, c’est d’examiner les principes inchangeables que l’Écriture Sainte nous enseigne, et de tracer quelques avenues de réflexion afin que ceux dont c’est le métier de s’occuper de tel ou tel aspect de la vie, puissent le faire à la lumière de ces principes de base, afin aussi qu’ils poussent cette réflexion bien plus avant, et, si c’est nécessaire, la corrigent grâce à leurs connaissances, leur intuition et leurs dons propres.

La parabole de l’argent à faire fructifier, que Jésus-Christ a prononcée et que l’on trouve au chapitre 25 de l’Évangile selon Matthieu, nous a servi de point de départ la dernière fois. Elle enseigne que les talents, les ressources qui nous sont confiées par Dieu, lui appartiennent en dernier lieu, et que nous aurons à lui rendre des comptes sur la manière dont nous aurons utilisé et fait fructifier ces ressources. Nous avons parlé du principe de responsabilité financière, à l’échelon de l’État, mais aussi du principe de l’intégrité, qui en découle naturellement, et qui est lié au huitième commandement: “Tu ne déroberas pas”. L’État collecte des impôts pour toutes sortes de raisons et c’est son devoir de le faire. Malheureusement les impôts peuvent être collectés de manière abusive, et aussi dépensés de manière irresponsable ou malhonnête. Là où les deux principes que je viens d’énoncer sont respectés par l’État, on peut être assuré d’une plus grande confiance de la part de ceux qui sont gouvernés, et, partant, d’une meilleure collaboration avec les autorités publiques. En tant que contribuable on peut ne pas toujours être d’accord avec la manière dont l’argent provenant de la collecte des impôts est utilisé, mais si l’on est assuré que les sommes en question sont allées là où elles étaient destinées par l’autorité publique, alors on sait au moins à quoi s’en tenir. Cependant, dans une perspective chrétienne le principe de la responsabilité financière est loin d’être limité à des comptes rendus à ceux qui sont gouvernés. Dans sa lettre aux Chrétiens de Rome, l’apôtre Paul énonce quelques vérités fondamentales en ce qui concerne notre rapport avec les autorités publiques. Il déclare entre autres ce qui suit à son lecteur, au chapitre treize de cette lettre: “ Tu ne veux pas avoir peur de l’autorité? Fais le bien, et l’autorité t’approuvera. Car l’autorité est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, redoute-là. Car ce n’est pas pour rien qu’elle peut punir de mort. Elle est, en effet, au service de Dieu pour manifester sa colère et punir celui qui fait le mal. C’est pourquoi il est nécessaire de se soumettre à l’autorité, non seulement par peur de la punition, mais surtout par motif de conscience. C’est pour les mêmes raisons que vous devez payer vos impôts. Car ceux qui les perçoivent sont eux aussi au service de Dieu, dans l’exercice de leurs fonctions. Rendez donc à chacun ce qui lui est dû: les impôts et les taxes à qui vous les devez, le respect et l’honneur à qui ils reviennent.”

L’un des principes énoncés dans ce passage, c’est que les autorités sont au service de Dieu, dans l’exercice de leurs fonctions. Notez bien, amis auditeurs, que Paul ne dit pas qu’elles sont d’abord au service des hommes, puis au service de Dieu. Elles sont au service de Dieu. Mais, a-t-il dit plus haut, “au service de Dieu pour ton bien”. Appliqué a la question des impôts, cela veut dire que c’est dans la recherche de ce qui est bien aux yeux de Dieu que les impôts devraient être collectés et répartis pour le bien des administrés. Mais, me direz-vous, comment déterminer ce qui est bien aux yeux de Dieu dans les questions pratiques souvent extrêmement complexes de la vie d’un pays? Faut-il consulter des oracles, des prophètes, afin d’obtenir des réponses faciles et immédiates, afin de boucler sans faute le budget annuel de la nation? Ce n’est naturellement pas ce que je veux dire ici. Ce qui est bien aux yeux de Dieu peut être approché et connu lorsqu’on examine une situation donnée en prenant en compte la totalité de la Révélation divine. On doit pouvoir être guidé par une connaissance vivante de la Parole de Dieu qui forme le jugement. Des gouvernants qui se sont laissés former par l’Écriture Sainte sauront distinguer entre ce qui est profitable, souhaitable ou impérieux au service de Dieu pour le bien des hommes. Cela ne veut pas dire que la répartition d’un budget se fera toujours sans aucune erreur, ou imperfection. Qui saurait se targuer d’une politique économique sans aucune erreur? Mais prenons quelques exemples concrets pour illustrer notre propos: est-ce être au service de Dieu pour le bien des administrés que d’endetter l’État avec l’achat d’armes destinées à opérer des conquêtes territoriales sur un État voisin souverain? Est-ce être au service de Dieu pour le bien des administrés que d’accepter des dividendes de grandes compagnies étrangères en échange du pillage des ressources naturelles du pays par ces mêmes compagnies? Est-ce être au service de Dieu pour le bien des administrés que de s’engager dans une politique de construction d’édifices gouvernementaux magnifiques, alors que la pauvreté sévit avec rigueur parmi la population des administrés? Je vous laisse le soin de répondre par vous-mêmes à ces questions. Rappelons simplement que Dieu demandera des comptes à chacun pour les ressources qu’il lui aura confiées. La responsabilité financière et économique d’un État existe tout d’abord vis-à-vis de celui à qui tout appartient, le Créateur de toutes choses, le Dieu vivant qui ne sommeille ni ne dort.

Mais comment définir le rôle d’un gouvernement et de son administration dans la vie économique d’un pays? Deux pôles opposés se présentent souvent: soit d’un côté un laissez-faire quasi total, soit, de l’autre, un dirigisme exacerbé. Dans le premier cas, on voit parfois des compagnies privées ou des individus puissants verser de larges prébendes à l’État en échange d’une main-mise sur toutes les ressources d’un pays. C’est sans doute dans ce cas qu’on parle de “républiques bananières”. L’État, ainsi soudoyé, ne protège pas ses administrés contre la rapacité de personnes ou de groupes privés. Dans l’autre cas, celui du dirigisme total, l’État lui-même est le rapace: il s’attribue toutes les prérogatives de la vie économique, il la monopolise en quelque sorte en tâchant de la contrôler par tous les moyens. Dans les deux cas, les ressources que Dieu accorde à chacun, sont confisquées. Or, le principe biblique maintes fois réaffirmé avec beaucoup de force, en particulier dans l’Ancien Testament, c’est que l’État doit assurer l’exercice de la justice publique, afin que tous puissent faire fructifier les ressources que Dieu leur a confiées. La confiscation des ressources des uns et des autres, soit par des individus soit par l’État lui-même, est une abomination aux yeux de la Bible. De nombreux récits dans les livres historiques de l’Ancien Testament, et aussi de nombreux oracles prophétiques s’élèvent avec force contre de telles pratiques abusives.

Au contraire, la tâche de l’État et de son administration sera davantage d’aider à organiser correctement les ressources d’un pays: le tout au service de Dieu et pour le bien des administrés. En les coordonnant et en joignant dans un rapport productif toutes les sources d’énergie, individuelles et autres, l’État contribuera au développement économique. Pour cela, une communication adéquate avec tous les acteurs de la vie économique est importante. Le principe d’intégrité doit aussi être appliqué par l’État dans la communication des informations économiques: ce n’est pas en occultant des chiffres ou des réalités financières que cette communication jouera son rôle. Au contraire, la confiance des administrés en l’État comme coordinateur s’en trouvera affectée. L’État a certainement aussi un rôle à jouer comme coordinateur dans le développement de l’infrastructure du pays. Une infrastructure bien gérée est sans aucun doute un catalysateur pour la croissance économique, pour la création d’emplois et l’accélération de la fourniture des services. Par exemple, l’infrastructure routière permet à chacun d’atteindre son lieu de travail chaque matin, soutenant ainsi la productivité des entreprises. Sur d’autres plans, l’infrastructure permet aux administrés de boire de l’eau potable chez eux, le cas échéant d’avoir accès au chauffage dans leur maison etc. Une infrastructrure bien gérée permet même de faire baisser les coûts de production, et de cette manière, les biens qui sont produits par un pays peuvent être compétitifs sur le marché international, à une époque de globalisation économique intense.

Un dernier point enfin: l’État remplit une fonction essentielle sur le plan économique en luttant contre la criminalité sous toutes ses formes. C’est du reste sa toute première tâche, à savoir assurer la protection de ses ressortissants, non seulement contre une agression extérieure, mais aussi contre toutes les agressions provenant de l’intérieur. Rappelez-vous des paroles de l’apôtre Paul que nous avons lues tout à l’heure. Un pays ravagé par la délinquance sous toutes ses formes souffrira économiquement, car non seulement cette délinquance ralentira la bonne marche des activités de production et de vente des biens, mais elle dissuadera aussi les investisseurs d’apporter leur capital et d’aider ainsi à la croissance.

Amis auditeurs, nous concluons ici cette réflexion sur la question de l’intendance des biens que Dieu nous confie. Réflexion certes bien incomplète et sans doute imparfaite, mais qui a eu pour but de sensibiliser les auditeurs de “Foi et Vie Réformées” à la question de la responsabilité financière et économique, en particulier de l’État, puisque ce domaine de l’existence humaine se trouve lui aussi placé sous la royauté de Jésus-Christ, et devrait donc être marqué par la justice et la lumière qui sont les attributs du Fils de Dieu.