JUSTIFIER
LA VIOLENCE ? (2)
Justifier
la violence ? Tel est le titre, posé sous forme de question, du
second message que « Foi et Vie Réformées » vous propose
aujourd’hui, amis. Nous
examinons ensemble la position de la foi chrétienne vis-à-vis de
l’exercice de la violence politique. Comme nous le faisons dans chacune
de nos émissions, nous pratiquons cet examen à la lumière de la Bible,
la seule source d’autorité divine que nous reconnaissions.
Nous avons vu la dernière fois qu’il est
clair, à la lumière de l’Évangile, que
la violence politique, qu’elle soit teintée de
motifs religieux ou non, n’est nulle part à l’ordre du jour
dans l’Évangile. A cet égard,
l’exemple de Jésus-Christ parle plus que n’importe quel texte.
Nous avons commencé à parler de l’Ancien Testament, en considérant
notamment les passages qui parlent de conquête et de destruction des
villes païennes par le peuple de l’Ancienne Alliance:
événements historiques ayant pris place une fois, et n’étant
en aucun cas destinés à être répétés.
La Bible ne fait pas mystère de ce que le jugement de Dieu se
manifeste sur les nations impies. Cet
aspect ne doit jamais être gommé de notre compréhension de la révélation
biblique. Autrement, on se
condamne à faire une caricature du Dieu vivant, qui serait réduit à un
fantoche incapable de punir le mal. Même
le Nouveau Testament, par exemple dans la lettre aux Hébreux, parle de « l’attente
terrifiante du jugement et l’ardeur
du feu prêt à dévorer les rebelles ». Dès le début du livre
de la Genèse, au moment du déluge, l’expression du jugement de Dieu,
qui prend une forme radicale, est explicite.
Mais notez bien, amis auditeurs, que ce jugement n’est pas
arbitraire : il est motivé
par la violence et la corruption de la race humaine.
Lisons ensemble un passage tiré du chapitre sixième de la Genèse :
« La terre était
corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence.
Dieu vit que la terre était corrompue ; car toute chair avait
une conduite corrompue sur la terre. Alors
Dieu dit à Noé : J’ai
décidé de mettre fin à tous les êtres vivants ; car la terre est
pleine de violence à cause d’eux ;
je vais donc les détruire avec la terre ».
Par la voix des prophètes, Dieu accuse les hommes pour leur
violence. Par exemple, le
prophète Ézéchiel proclame, au chapitre sept :
« Préparez les chaînes,
car le pays est rempli de jugements criminels, la ville est pleine de
violence ». Plus
loin, au chapitre quarante cinq, il annonce :
« Ainsi parle le
Seigneur, l’Éternel : C’en
est assez, princes d’Israël !
Faites cesser la violence et le pillage, pratiquez la droiture et
la justice, délivrez mon peuple de vos expropriations ».
Le prophète Michée, quant à lui, s’en prend à ceux qui
abusent de leur pouvoir pour spolier les plus faibles :
« Malheur à ceux qui méditent
l’injustice et qui trament le
mal sur leur couche ! Au
point du jour ils l’exécutent, quand ils ont le pouvoir en main.
Ils convoitent des champs et ils s’en emparent, des maisons et
ils les enlèvent ; ils oppriment le citoyen et sa maison,
l’homme et son héritage. C’est
pourquoi ainsi parle l’Éternel : voici que je médite un malheur
contre ce clan ; vous n’ en préserverez pas votre cou, et
vous ne marcherez pas la tête levée, car c’est le temps du malheur. »
La Bible est réaliste
en ce qui concerne l’abus de pouvoir et l’oppression des
faibles par les forts. Le
livre de l’Ecclésiaste, au chapitre 5, l’exprime de façon presque désabusée :
« Si tu vois dans une province qu’on opprime le pauvre et qu’on viole
le droit et la justice, ne t’étonne pas de la chose : car un grand
protège un autre grand, et il en est encore de plus grands au-dessus
d’eux. » Mais le
mot d’ordre divin, par rapport à la violence, reste le sixième
commandement : « Tu
ne tueras pas ». Mot
d’ordre qui du reste n’est pas seulement applicable à l’Ancien
Testament, mais également au Nouveau. Nous avons aussi vu que la violence
(politique ou autre), fomentée par une nature humaine viciée, appelle
une rétribution divine, dont témoignent
aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament.
Ceci m’amène à bien
préciser que contrairement à l’idée moderne selon laquelle la nature
humaine est bonne en elle-même, ou tout au moins perfectible grâce à
l’éducation, au progrès, à la connaissance du passé ou aux échanges
internationaux enrichissants, la foi chrétienne n’attend rien moins
qu’une régénération du coeur de l’homme par l’Esprit de Dieu pour
que ce coeur porte des fruits agréables à Dieu. Aucun optimisme béat
sur l’homme n’est de mise en ce qui concerne la nature humaine après
la Chute. Or, seule l’oeuvre
de Jésus-Christ accomplie sur terre est le moteur d’une telle
transformation, dont le but final est l’honneur et la gloire de Dieu, et
rien d’autre. Tirons la conséquence
de cet axiome : pour la
foi chrétienne, la non-violence ne constitue pas en soi l’idéal ultime
de l’action humaine. Si l’Évangile
rejette la violence, politique ou autre, ce n’est pas pour faire de la
non-violence une idole, un idéal religieux définitif.
Encore une fois, la gloire et l’honneur de Dieu demeurent le but
final de toute action humaine.
Voilà pourquoi, même dans le Nouveau
Testament, on ne trouve pas de traces d’une idéologie de la
non-violence, qu’on pourrait assimiler par exemple à des courants
modernes, tels que le mouvement suscité en Inde par le Mahatma Gandhi.
Dans la mesure où des lois justes et appliquées avec justice reflètent
dans un cadre donné la loi divine, l’autorité publique peut et
doit exercer une forme de violence à l’encontre des perpétrateurs de
méfaits détruisant d’autres personnes ou d’autres groupes.
N’en déplaise à beaucoup, le Nouveau Testament confirme que la
peine de mort demeure la prérogative de l’État vis-à-vis des
criminels. Paul, au chapitre
treize de sa lettre aux Chrétiens de Rome, déclare
sans ambage que « celui qui s’oppose à l’autorité publique résiste à
l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur
eux-mêmes. Les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien,
mais quand on fait le mal. Veux-tu
ne pas craindre l’autorité ?
Fais le bien et tu auras son approbation, car elle est au service
de Dieu pour ton bien. Mais si
tu fais le mal, sois dans la crainte ; car ce n’est
pas en vain qu’elle porte l’épée, étant
au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui
pratique le mal. » Ce
que dit Paul ici n’est pas en contradiction avec tout ce que le Nouveau
Testament enseigne sur l’amour du prochain, puisqu’immédiatement après,
le même Paul écrit que tous les commandements de la loi se résument
dans cette parole : « Tu
aimeras ton prochain comme toi-même.
L’amour ne fait pas de
mal au prochain ; l’amour
est donc l’accomplissement de
la loi. » La loi de
Dieu, à laquelle tous sont appelés à se soumettre, n’exclut pas
qu’il y ait désobéissance, et qu’une telle désobéissance puisse et
doive être punie par ceux à qui Dieu a confié la charge d’exécuter
ses jugements sur terre. Mais
Paul place clairement une telle autorité, celle des pouvoirs publics,
dans la perspective de la soumission à Dieu:
« L’autorité est au
service de Dieu pour ton bien ».
Le pouvoir de l’épée, de la force publique, n’est pas au
service des intérêts d’un particulier, d’une oligarchie ou d’une
ethnie, mais au service de Dieu, qu’il doit lui aussi honorer.
C’est dans ce cadre là seulement que l’État a le devoir
d’utiliser l’épée, ou tout autre arme, car, comme nous l’avons vu
la dernière fois avec les paroles de Jésus-Christ, tout pouvoir confié
par Dieu à des hommes doit être avant tout un service rendu, qui lui
aussi glorifie le Seigneur.
Ne nous étonnons donc pas si, dans le Nouveau
Testament, nous ne trouvons nulle trace d’une abolition de la profession
des armes : celles-ci
sont rendues nécessaires par une situation de péché dans laquelle les
actes criminels doivent être réprimés sévèrement, pour autant
qu’une justice impartiale soit rendue.
N’oublions donc pas que l’autorité publique a, tout autant que
les particuliers, le devoir impératif de réformer ses pratiques à la
lumière de l’Évangile, en comprenant quelle est la nature du service
que Dieu exige d’elle. Dans le Nouveau Testament, le passage le plus éloquent
indiquant cette direction est certainement celui de Luc chapitre trois,
qui raconte comment des soldats sont venus trouver Jean-Baptiste, celui
qui annonçait de près la venue du Messie, Jésus-Christ.
« Des soldats aussi lui
demandèrent : Et nous,
que ferons-nous ? Il leur
dit : Ne faites violence
à personne, et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de
votre solde ». Tirant
la conclusion de ce que je viens d’énoncer, il nous faut reconnaître,
que dans une situation de péché, d’oppression et de menaces, certaines
guerres peuvent être justifiées. Si
l’autorité publique est là pour la protection des citoyens ou des
sujets, elle faillit à son devoir lorsqu’elle laisse une violence
externe détruire ceux
qu’elle est censée protéger. Bien
évidemment, il nous faut aussitôt mettre des bornes à une telle
permission, qui peut très facilement se changer en licence de déclarer
la guerre pour des motifs impurs de convoitise ou de soif du pouvoir.
Quelles sont les véritables causes et motifs de l’entrée en
guerre d’un pays ? Nous
ne savons que trop que tout n’est jamais ni tout blanc ni tout noir, et
que dans notre monde, la corruption de diplomaties tortueuses fabrique
aussi bien des prétextes tronqués que des alibis vicieux. Cela ne
dispense pourtant pas les Chrétiens de réfléchir sérieusement à ces
questions si vitales pour la marche de la société.
Une autre borne consiste à déterminer quels sont les moyens
licites qui peuvent être employés dans une guerre qu’on peut
justifier. A notre époque, où
les guerres dites « sales » se multiplient, et où le
terrorisme met en jeu la vie des civils n’importe où et à n’importe
quel moment, il est évident qu’aucune réponse facile ne peut être
fournie. Que faire si
l’ennemi utilise justement des armes qui nous paraissent illicites?
Voilà bien des questions en suspens, mais
elles nous ramènent pourtant toutes à un point
encore plus fondamental: l’arme la plus puissante du Chrétien
c’est sa foi et son allégeance inébranlable à Jésus-Christ.
C’est avec cette arme-là que nous devons approcher ceux-là mêmes
qui menacent d’exercer la violence à notre égard. Le Seigneur ne nous
a-t-il pas enseignés: « Mes
chers amis, je vous le dis : ne
craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui n’ont
pas le pouvoir de faire davantage. Savez-vous
qui vous devez craindre ? Je
vais vous le dire : c’est
celui qui, après la mort, a le pouvoir de vous jeter en enfer.
Oui, je vous l’assure,
c’est lui que vous devez craindre. »