LE SABBAT DU SEIGNEUR (1)

Le sabbat : voilà le thème de notre programme d’aujourd’hui et les deux fois prochaines, chers amis qui êtes à l’écoute. Formulons ce thème de manière plus précise : « Notre repos de sabbat ne se trouve que dans la Grâce divine ». Voyez-vous, sabbat et repos sont deux idées qui vont de pair. Dans la Bible, le jour du sabbat est un jour de repos. Mais le repos n’est possible que si la paix nous est donnée. Peut-être savez-vous que le mot hébreu « Shalom » signifie « paix ». Mais il n’indique pas une paix qui n’est que l’équivalent d’un cessez-le-feu. Au contraire, le mot Shalom se réfère à la plus haute forme de paix qui puisse exister entre nous et Dieu : une paix caractérisée par la réconciliation. Jésus a en effet déclaré à ses disciples, dans l’Évangile selon Jean (chapitre 14) : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble pas et ne s’alarme pas. » Une telle paix apporte avec elle le repos. Repos de savoir qu’au milieu de toutes les tempêtes, le Dieu de Grâce demeure toujours en contrôle de notre vie. Repos de pouvoir vivre dans la certitude que Dieu nous a pardonnés.

C’est précisément là qu’intervient la signification du sabbat : le sabbat est avant tout l’expression du repos que nous trouvons dans la Grâce de Dieu. Mais notez-bien qu’un tel repos ne nous est pas automatiquement offert : il est en fait le fruit d’une grande et totale délivrance. Dans l’Ancien Testament, le sabbat est lié à un acte de rédemption majeur, à savoir la délivrance d’Israël de l’esclavage auquel il était soumis en Égypte. Lisons comment le quatrième commandement est formulé au chapitre cinq du livre du Deutéronome : « Observe le jour du sabbat pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a commandé. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu ; tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu : c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a commandé de célébrer le jour du sabbat ». De son côté, l’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, fait référence à cette même délivrance, au chapitre trois, verset 16 : il évoque ceux qui étaient sortis d’Égypte sous la conduite de Moïse après avoir entendu Dieu, mais qui l’ont néanmoins provoqué. Ceux-là ont perdu le droit d’entrer dans le repos de Dieu, dit-il. Il montre par là que sans la foi en les actes rédempteurs de Dieu, tout est vain. Un peu plus loin, au chapitre quatre, il écrit que Dieu avait en vue un autre repos que celui donné au peuple d’Israël lorsqu’il les délivra de l’esclavage égyptien : « En effet, écrit-il, si Josué leur avait donné le repos, Dieu ne parlerait pas après cela d’un autre jour. Il reste donc un repos de sabbat pour le peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose aussi de ses oeuvres, comme Dieu se repose des siennes ». Peut-être ceux de nos auditeurs qui nous ont suivi depuis le tout début de nos émissions se souviendront-ils que ce texte a fait l’objet de la première méditation que Foi et Vie Réformées vous a présentée. Pour le Chrétien, la délivrance finale prend place avec Jésus-Christ, au jour de sa résurrection, lorsqu’il manifeste qu’il a vaincu Satan et la mort. C’est alors que nous pouvons jouir du repos qu’il a gagné pour notre compte. Lisons ensemble comment l’évangéliste Luc, au chapitre 24, relate l’apparition de Jésus à ses disciples au soir de sa résurrection : « Tandis qu’ils parlaient de la sorte, lui-même, c’est-à-dire Jésus, se présenta au milieu d’eux et leur dit : Que la paix soit avec vous ». Shalom… que la paix divine soit avec vous.

Le sabbat, amis auditeurs, est donc la victoire du repos rédempteur. C’est pourquoi il ne faut pas commettre l’erreur que font beaucoup de gens, consciemment ou inconsciemment : le sabbat et tout ce qui l’accompagne, comme le culte du dimanche, n’est pas une prescription inventée par l’Église, comme si celle-ci nous commandait: «Vous, peuple de Dieu, vous devez vous rassembler une fois par semaine pour adorer le nom du Seigneur ». Redisons-le, le sabbat n’est pas le fruit d’une décision de l’Église, ou une prescription inventée par l’Église. En fait, c’est exactement le contraire qui est vrai : l’Église est le fruit du sabbat. L’Église est la communauté du peuple de Dieu délivrée par lui, et qui se rassemble pour adorer et invoquer son nom justement parce qu’il existe un sabbat, un repos que Dieu a acquis pour cette communauté par ses grands actes rédempteurs. Notre repos de sabbat n’est fondé que dans la Grâce divine. Si ce principe est bien compris, alors on verra beaucoup moins se manifester les effets d’une fausse conception de l’Église dans laquelle celle-ci, devenue presque une idole, ressemble davantage à une organisation, une administration, parfois même une bureaucratie, qu’une communauté rachetée à qui un repos divin a été accordé.

Cependant, ce signe de l’acte rédempteur de Dieu en notre faveur, ne signifie pas qu’il n’y ait dans le sabbat aucun commandement pour nous. Dieu ordonne que nous nous reposions. Examinons ensemble de quel repos il s’agit. Le réformateur français Jean Calvin écrit ce qui suit dans le catéchisme qu’il a rédigé à l’intention des habitants de la ville de Genève : le sabbat nous a été donné par Dieu pour indiquer un repos spirituel. Ce repos spirituel est le fait de nous abstenir de nos propres oeuvres pour laisser Dieu accomplir les siennes en nous. Lisons ensemble les questions et réponses du catéchisme de Genève qui suivent cette définition : Comment pouvons nous nous rendre ainsi disponibles ? Si nous crucifions notre chair. C’est-à-dire renoncer à notre propre moi, pour nous laisser conduire par l’Esprit de Dieu. Suffit-il d’un jour par semaine pour pratiquer ce renoncement ? Non, ce doit être une attitude permanente : on commence un jour, et l’effort se poursuit tout au long de notre vie. Et pourtant, n’est-ce pas la durée limitée d’une journée qui, ici, nous en donne l’image ? Il n’est pas nécessaire que l’image signifiante corresponde parfaitement à la réalité signifiée. Il suffit qu’elle suggère la comparaison. Pourquoi Dieu a-t-il choisi le septième jour plutôt qu’un autre ? Dans l’Écriture Sainte, ce chiffre est le symbole de la perfection. Notre repos spirituel, commencé en cette vie, n’atteindra sa perfection qu’au jour où nous quitterons ce monde. Le chiffre sept en souligne le caractère éternel.

De son côté, le Catéchisme de Heidelberg, qui nous vient aussi du seizième siècle, parle de manière plus brève du quatrième commandement, mais adopte une approche semblable, lorsqu’il dit : « Dieu veut aussi que tous les jours de ma vie, cessant mes œuvres mauvaises, je le laisse œuvrer en moi par son Esprit, goùtant ainsi dès cette vie le repos éternel. » En d’autres termes, chers amis, il nous faut travailler à nous reposer ! Cela n’est pas une contradiction. Cela nous montre plutôt que le repos dont il est question n’a rien à voir avec les vacances que notre société moderne a instituées. Le vrai repos du sabbat n’est pas un temps de rupture d’activités durant lequel nous oublions notre occupation professionnelle ou nos soucis quotidiens, peut-être en essayant d’y échapper. Ce n’est pas un temps d’oisiveté, de far niente, comme disent les Italiens. Ce n’est pas non plus en premier lieu un temps de récréation ou de loisirs. Car on ne prend jamais de vacances par rapport au Dieu qui travaille à nous maintenir en vie jour après jour, seconde après seconde, et sous le regard duquel nous vivons constamment. Le mandat que vous avez reçu est donc de laisser Dieu accomplir son œuvre en vous, par son Esprit Saint. Il peut le faire et Il le fera car il a déjà accompli la grande œuvre de libération en Jésus-Christ ! La meilleure manière de comprendre ce que signifiait le repos du sabbat dans l’Ancien Testament, consiste à lire les prescriptions en vigueur pour l’année sabbatique et l’année de jubilé, au livre du Lévitique, chapitre 25 : les esclaves étaient libérés, les terres arables n’étaient pas labourées. La terre se reposait de la malédiction prononcée sur elle par Dieu après la désobéissance du premier homme et de la première femme. Non seulement les humains jouissaient du repos pendant ces années sabbatiques ou de jubilé (c’est-à-dire, respectivement tous les sept ans et tous les cinquante ans), mais la terre et les animaux aussi en profitaient.

La prochaine fois, nous continuerons notre méditation sur le sabbat du Seigneur en commençant par parler du caractère éternel de ce Sabbat, tel que nous en parle le texte de la lettre aux Hébreux que nous avons cité tout à l’heure. Nous verrons aussi quel est le rapport qui existe entre le repos de Dieu et notre propre repos.