CHANGER NOTRE IMAGE
DE DIEU?
On
entend de plus en plus souvent dire, même dans des cercles qui se prétendent
chrétiens, qu’il faut changer l’image que nous nous faisons de Dieu. La
représentation traditionnelle dont nous avons hérité, fondée sur le message
biblique, n’est plus du tout adaptée à notre culture contemporaine.
Comme une représentation fonctionnelle de Dieu doit être en phase avec
notre niveau de développement technologique
- autrement elle pert son autorité morale, nous dit-on - il est grand
temps de dépasser les conceptions traditionnelles de Dieu qui le situent en
dehors de l’univers mais lui assignent en même temps un rôle primordial dans
la Création et la marche de cet univers. Il
nous faut désormais imaginer un dieu qui soit partie prenante de l’univers,
et qui évolue et agisse à l’intérieur de celui-ci.
Un Dieu transcendant, c’est-à-dire radicalement distingué de
l’univers, ne saurait avoir une quelconque influence sur le cosmos, il lui est
tout-à-fait étranger. A cette
affirmation entendue de plus en plus couramment, on pourrait commencer par répondre
simplement: qu’est-ce qui différencie cette nouvelle conception de Dieu, des
divinités païennes gréco-romaines (ou autres)? Car celles-ci naissaient,
grandissaient et évoluaient justement
au sein du cosmos, qu’elles influençaient de l’intérieur, parfois même en
s’accouplant avec des humains... Avec
ces discours qui prennent le revers de l’enseignement de la Bible, on dirait
vraiment qu’on a affaire à un retour à peine déguisé aux mythes gréco-romains,
ceux-là mêmes que le Christianisme avait relégué au niveau de mythes,
justement. Certes ces mythes sont très instructifs et souvent profonds, ils
apportent un éclairage sur la manière dont les humains comprennent les
dilemmes de leur existence, mais ils n’en sont pas moins des mythes, des
constructions humaines. Le caractère
du Dieu dont parle la Bible est bien différent. Il n’est écrit nulle part
qu’il reste indifférent au sort du monde qu’Il a créé, bien au contraire:
il s’adresse constamment à ses créatures en rupture de ban, il les appelle
à retourner vers lui, il s’incarne même en la personne de Jésus-Christ à
un moment précis de l’histoire humaine, non pas pour perdre sa divinité,
mais pour venir s’identifier à la condition humaine égarée afin de la
racheter et la réconcilier parfaitement avec lui.
Plusieurs siècles avant cette incarnation, le livre du prophète Esaïe,
dans l’Ancien Testament, s’adresse au peuple d’Israël en donnant la
parole au Dieu éternel en ces termes: C’est vous qui êtes mes témoins, Oracle de l’Eternel, vous, et mon
serviteur que j’ai choisi, afin que vous le reconnaissiez, que vous me croyiez
et compreniez que c’est moi: avant moi il n’a pas été formé de Dieu, et
après moi il n’y en aura pas. C’est
moi, moi qui suis l’Eternel et hors de moi il n’y a pas de sauveur.
C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est pas parmi vous
un dieu étranger; vous êtes donc mes témoins - Oracle de l’Eternel - :
c’est moi qui suis Dieu. Je le
suis dès avant que le jour fût, et personne ne délivre de ma main;
J’agirai: qui s’y opposera? Un
peu plus loin, au chapitre 44, ceux qui se forgent des dieux à leur image et
leur ressemblance sont ridiculisés par le prophète: Ceux qui façonnent des statues ne sont tous que néant, et leurs plus
belles oeuvres ne servent à rien; ils sont leurs témoins, elles n’ont ni la
vue, ni la connaissance. Aussi
seront-ils honteux. Qui est-ce qui
façonne ou fond une statue, pour n’en retirer aucune utilité?
Voici que tous ses compagnons seront honteux.
On pourrait en dire autant aujourd’hui de tous ceux qui cherchent à se
forger une image de Dieu qui leur convienne, selon les besoins du moment, forcés
qu’ils seront un jour ou l’autre d’abandonner leur image présente de dieu
pour en fondre une nouvelle, soi-disant plus adaptée à leurs nouveaux besoins.
Le Dieu de la Bible, lui,
est éternel, il est à la fois en dehors de l’univers et totalement impliqué
dans sa marche, c’est du reste pourquoi on peut invoquer son nom et lui faire
totalement confiance.
Qu’est-ce
qui différencie le livre de la Genèse, dans la Bible, des mythes païens
relatant les origines du monde? Je
vous pose la question parce qu’il n’est pas rare d’entendre dire qu’au
fond, la Genèse n’est qu’une adaptation, ou une variation, de ces mythes.
Et bien, comparons un peu le début de la Genèse avec les récits égyptiens
des origines. Dans l’Egypte
antique, le spectacle des origines c’était la crue du Nil, qui se
reproduisait tous les ans peu après la réapparition dans le ciel - juste avant
le lever du soleil - de l’étoile Sirius, après soixante-dix jours
d’absence, comme l’explique Nadine Guilhou, une égyptologue française.
Un texte des Pyramides décrit ce spectacle: “avant que n’existe le
ciel, avant que la terre n’existe, avant que les dieux n’aient été mis au
monde, avant que n’existe la mort...” Seul,
nous dit Guilhou, existait alors l’infini de l’eau et l’infini des ténèbres.
Et elle ajoute: “C’est là qu’allait se manifester le démiurge”,
c’est-à-dire la divinité qui organise la matière et lui donne des formes
différenciées. Voilà le point de départ des cosmogonies égyptiennes
c’est-à-dire des mythes qui tâchent de rendre compte des origines de
l’univers. Dans la cosmogonie
d’Heliopolis, sans doute la mieux connue, au commencement était le Noun,
l’océan primordial, le champ de tous les possibles.
Je cite encore Nadine Guilhou: “C’est un infini des eaux et un infini
des ténèbres, domaine de l’obscurité totale.
C’est là que va se manifester la vie.
En son sein s’éveille Atoum, le créateur.
Son nom signifie, en égyptien, la Totalité, Celui qui est complet.
Tout au plus peut-on l’imaginer sous la forme d’un serpent que les
hommes ne peuvent pas connaître, que les dieux ne peuvent pas voir, tel qu’il
reviendra à la fin des temps, prêt à renaître pour un nouveau cycle de création.
A partir du moment où il se manifeste hors du Noun, le créateur devra
revêtir une apparence. C’est
souvent celle d’un oiseau, évoquant l’apparition de l’espace.
Mais cet oiseau doit disposer d’un endroit où se poser, un rocher
pointu émergeant des eaux: c’est la condition indispensable à l’apparition
du démiurge. A Heliopolis il y
avait une pierre sacrée en forme d’obélisque trapu qui remplissait ce rôle.
Je
pourrais continuer à vous raconter ces récits fascinants des cosmogonies égyptiennes.
Mais lisons plutôt le tout début de la Genèse, pour voir comment elle s’en
sépare radicalement: Au commencement,
Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide; il y avait des
ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait
au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la
lumière soit! Et la lumière fut. Dieu
vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.
Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un jour.
Ce que nous lisons dans la Genèse, est en fait l’inverse des
cosmogonies égyptiennes, il en prend même directement le contrepied: au
commencement il n’y a pas de la matière au sein de laquelle émergera un créateur
qui se posera sous forme d’oiseau sur un tertre, il y a le Dieu éternel qui
est lui-même le créateur de toutes choses.
Certes, l’eau et les ténèbres sont bien mentionnés, mais ils
viennent après les cieux et la terre; et ceux-ci sont la création du Dieu qui
leur pré-existe. Dans la Bible,
Dieu sauve car il est le Créateur éternel et tout puissant.
Avec le psaume 121, nous pouvons alors nous écrier, pleins de
reconnaissance: Notre
secours est dans le nom de l’Eternel, qui a fait les cieux et la terre!
Une
chose qui frappe le lecteur des premières pages de la Genèse, c’est la
mention plusieurs fois répétée que Dieu vit que ce qu’il avait créé était
bon, voire très bon. Difficile
d’imaginer un tel état de perfection, n’est-ce pas, surtout au vu de la
condition actuelle du monde? Il
faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour se représenter une telle
perfection, d’ailleurs en sommes-nous même capables? Est-il possible que tout
n’ait alors été qu’harmonie, équilibre parfait, sans aucune disruption?
En fait ce n’est peut-être pas le sens de l’expression: Dieu
vit que cela était bon, car la manière dont moi, avec mes capacités et
mon intelligence bien limitées, et même obscurcies, j’envisage ce qui est
bon et parfait, est sans doute bien différente de
la manière dont Dieu le Créateur l’envisage, quant à lui.
Mais plus important que cela, il faut surtout souligner le fait que le
monde, à l’origine, n’était pas mauvais en soi, et encore moins le produit
d’une activité mauvaise. Bien sûr,
me direz-vous. Pas si évident,
pourtant: car au cours des siècles, bien des hommes ont jugé que la formation
du monde était justement le fruit d’une activité mauvaise.
Tenez, les Gnostiques par exemple, ce mouvement religieux si puissant au
cours des quatre ou cinq premiers siècles de notre ère, en marge du
Christianisme: pour eux, le monde est la production d’un sous-dieu déchu, le
démiurge, qui à créé une entité néfaste, la matière, dont il faut se libérer
pour retrouver la condition spirituelle pure de l’Etre suprême.
Lui, en revanche, n’est pas contaminé par la matière, il est
au-dessus de tout, désintéressé de ce pauvre monde si mauvais; et de fait, il
est totalement inconnaissable. Donc,
pas d’activité sexuelle ou de procréation, car, soutenaient certains
gnostiques, cela n’aboutit qu’à susciter davantage de matière vivante,
donc d’entité négative. Mais,
sans même aller jusqu’aux Gnostiques, posons-nous la question suivante: si le
monde, à l’origine, n’était pas bon et parfait, pourquoi serait-il destiné
à le devenir? Pourquoi les hommes
devraient-ils lutter pour qu’il le devienne?
On ne voit pas très bien au nom de quoi il faudrait se battre contre les
injustices, la maladie etc. Le mal
inhérent à tout, c’est simplement la nature des choses, il faut l’accepter
et faire avec, point barre. Et bien
voyez-vous une vision du monde chrétienne qui prend la Genèse au sérieux ne
peut accepter une telle position. Au
contraire, elle lui lance un défi. Si
elle reconnaît la présence du mal à tous les niveaux de l’existence, elle
ne lui attribue pas un caractère absolu. Au
commencement, il n’en était pas ainsi, et le Créateur lui-même n’accepte
pas la perversion ou la destruction de son oeuvre.
En venant vivre dans sa Création en la personne de son Fils éternel, Jésus-Christ,
il a commencé le renouvellement de toutes choses.
Et Il appelle ses enfants à travailler à ce renouvellement dans toutes
les sphères de l’activité humaine, en prenant Christ comme seul point de référence
et d’appui. Oui, le Christ qui a subi dans sa personne toute l’étendue du
mal et de l’injustice, mais qui est sorti victorieux de la mort et du pouvoir
des ténèbres au matin de Pâques. Sa
résurrection est le recommencement de toutes choses, le début d’une nouvelle
Création destinée à être manifestée dans toute sa splendeur à la fin des
temps. Mais dès aujourd’hui, vous
et moi pouvons participer de sa vie nouvelle, par la foi et sous la direction de
l’Esprit de Dieu. Voilà enfin une
vraie vocation, n’est-ce pas? L’image
que nous nous faisons de Dieu est déterminante pour l’image que nous avons de
nous-même. Or si nous acceptons de
voir Dieu à travers Jésus-Christ, qui en est l’image parfaite, nous aurons
de nous-mêmes une image renouvelée, tendue vers l’éternité, vers ce qui
est beau, ce qui est pur, ce qui est agréable à Dieu en toutes choses.
Avoir
la vocation... Voilà une belle
expression, qui indique que la personne à qui elle s’applique a trouvé un
sens à sa vie. Cette personne sait
ce qu’elle veut faire de son
existence, elle a appris ou apprend à utiliser les dons qu’elle a reçus en
vue d’un but qui sous-tend toute son énergie.
La Bible enseigne que chaque être humain a reçu une vocation, un appel
particulier qui a autant de valeur que la vocation adressée à une autre
personne. Dieu accorde des dons et
des talents à tous sans exception, et aucun don ou talent n’a une moindre
valeur qu’un autre. La parabole
des talents racontée par Jésus à ses auditeurs insiste sur le fait que les
talents accordés par Dieu doivent fructifier grâce au travail et à l’énergie
appliqués par ceux qui les ont reçus. En
fait à l’époque un talent constituait une grosse somme d’argent. Dans la
sphère du Royaume de Dieu, celle où son autorité est reconnue, il n’y a pas
de place pour la paresse, la nonchalance ou la négligence.
Un jour Dieu demandera à chacun des comptes de ce qu’il ou elle aura
fait des talents qu’Il lui aura accordés.
Un talent est avant tout quelque chose qui doit être mis au service de
Dieu et de son prochain. Et le faire
c’est exprimer l’amour qui est dû à Dieu et à son prochain.
Ce qui signifie bien sûr que toute activité humaine n’entre pas dans
le cadre du Royaume de Dieu: un trafiquant de drogue peut-être très malin, très
habile à faire passer des quantités de cocaïne d’un pays à l’autre, en
utilisant (parfois à leur insu) des voyageurs naïfs, cela ne comptera jamais
comme une activité au service de Dieu et de son prochain. A dire vrai, si
l’on regarde autour de soi, on n’en finira pas d’énumérer le nombre de
talents dévoyés qui auraient pu être utilisés dans le cadre du Royaume de
Dieu, en accord avec ses principes et pour le bien de la communauté dans son
ensemble. Les amateurs de sarcasmes
en tout genre (on n’en manque guère) se moqueront facilement de ce que je
dis, en évoquant les talents de telle ou telle prostituée, de tel ou tel
personne spécialisée en détournements de fonds et que sais-je encore.
Mais leur talent pour le sarcasme mal placé se retournera un jour contre
eux. Ils devraient plutôt lire le
livre des Proverbes, dans la Bible, où l’on trouve l’avertissement suivant:
Jusqu’à quand, stupides, vous
complairez-vous à des sottises? Et
vous, moqueurs, jusqu’à quand prendrez-vous plaisir à vous moquer?
Et vous, insensés, jusqu’à quand détesterez-vous la connaissance?
Or
la vraie connaissance consiste à savoir et accepter que la vocation reçue de
Dieu, c’est avant tout un appel à croire en sa parole, en ses promesses, en
son Evangile de salut. Comprendre la
vocation particulière que Dieu adresse à chacun de nous, avec la mise en
oeuvre, le déploiement, des talents qu’il accorde à chacun, cela passe
d’abord par l’acceptation de cette vocation primordiale, de cet appel à
suivre Jésus-Christ, à vivre greffé spirituellement en lui, par l’action de
l’Esprit Saint. Au premier siècle de notre ère, l’apôtre Paul écrivait
justement aux chrétiens de la ville de Thessalonique à propos de l’appel, de
la vocation que Dieu leur avait adressée. Ses
paroles retentissent avec la même intensité 20 siècles plus tard, pour tous
ceux qui se savent appelés par Dieu. Ecoutons-les
donc: C’est pourquoi nous prions continuellement notre Dieu pour vous:
qu’il vous trouve digne de l’appel qu’il vous a adressé et que, par sa
puissance, il fasse aboutir tous vos désirs de faire le bien et rendre parfaite
l’oeuvre que votre foi vous fait entreprendre.
Ainsi, le Seigneur Jésus-Christ sera honoré en vous et vous serez honorés
en lui; ce sera là un effet de la grâce de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ.