QU'EST-CE QUE L'IDOLATRIE? (3).

Nous voici parvenus au troisième et dernier volet de notre méditation sur la nature de l'idolâtrie, chers amis qui êtes à l'écoute de "Foi et Vie Réformées". Aujourd'hui, toujours dans la ligne du dimanche trente-quatre du Catéchisme de Heidelberg, nous allons ensemble voir comment l'on peut avoir des idoles "à côté" de Dieu. Dieu et quelque chose ou quelqu'un d'autre: Dieu et mon pouvoir, oui, parfois même dans l'Église. Dieu et ma nation, Dieu et ma politique, Dieu et mon ego. Les idéologies dont nous avons parlé la dernière fois peuvent facilement contaminer le Christianisme, et égarer des Chrétiens convaincus: une interprétation forcée de la Parole de Dieu au service d'une idéologie, peut totalement corrompre le coeur de l'Évangile. Nous voilà soudain aveugles, incapables de comprendre et d'accepter les exigences que la Parole de Dieu met devant nous, et que nous refusons: l'amour du prochain, la justice sociale et tant d'autres exigences que l'on trouve exprimées clairement dans la Bible.

La tradition peut devenir elle aussi une idole pour des croyants: non pas que la tradition soit mauvaise en elle-même. Mais si la tradition tente d'étouffer la Parole Vivante de Dieu qui recrée et renouvelle, alors nous avons en effet affaire à une idole. Une saine tradition chrétienne qui nous rapporte le riche héritage des générations passées et devient ainsi pour nous une source d'inspiration, peut malheureusement dégénérer en un traditionnalisme qui ne tient plus compte de l'Esprit vivant de Dieu. Un penseur luthérien l'a très bien exprimé par la phrase suivante: "La tradition est la foi vivante des morts; le traditionnalisme est la foi morte des vivants".

Pire encore, chers amis, la Bible elle-même peut devenir une idole. Oui, là où la Bible est lue d'une manière mécanique, et détournée de son sens sans que le lecteur y trouve la Parole de Dieu et la comprenne, nous avons bien affaire à une idole. Dans certaines églises très peu affermies dans la connaissance de la volonté de Dieu, on place la Bible sur la tête des fidèles comme signe de bénédiction: peu importe que le message de l'Écriture soit étudié et compris; si le livre en tant qu'objet a été placé sur la tête de ladite personne, alors, croit-on, cette bénédiction ne peut manquer d'être reçue. Comme si le livre possédait en lui-même une force magique. Dans un tel cas, le Saint Esprit n'a plus besoin de rendre les lecteurs, ou plutôt les utilisateurs de ce livre, réceptifs à l'Évangile.

Pourtant, certaines églises où la connaissance est bien plus développée, peuvent tomber dans l'orgueil, et être fières de leur connaissance, sans pour autant déployer les fruits que Dieu attend d'elles. Elles aussi peuvent tomber dans une forme d'idolâtrie. Dans le passage de la première lettre aux Corinthiens que nous avons lu les deux fois précédentes, Paul avertit ses lecteurs: "Nous savons que tous nous avons la connaissance. Certes, mais la connaissance rend orgueilleux. L'amour, lui, fait grandir dans la foi. Celui qui s'imagine avoir de la connaissance ne connaît pas encore comme on doit connaître. Mais celui qui aime Dieu, celui-là est connu de Dieu". Or, aimer Dieu, chers amis, c'est obéir à ses commandements. Ma connaissance de la Bible peut très bien devenir une idole à mes yeux. La question que je dois me poser est la suivante: La Bible est-elle pour moi une Parole vivante qui exige l'obéissance à Dieu, ou bien suis-je en train d'en faire un veau d'or immobile et silencieux autour duquel je m'agite frénétiquement? Si cette Parole demeure une lettre morte dans mon coeur, si je refuse d'accorder aux autres l'amour qui seul édifie la foi, alors oui, la Bible est devenue pour moi une idole. Je ne suis alors pas meilleur que ceux qui l'utilisent comme un objet magique. Or qu'arrive-t-il aux églises qui sont tombées dans ce piège? En dépit de toute leur connaissance, elles ne s'intéressent plus à propager l'Évangile, elles considèrent le travail missionnaire comme une charge pesante, voir honteuse. Ce n'est guère étonnant car seule une Parole vivante et spirituelle peut être communiquée. Un veau d'or immobile, même s'il brille à nos yeux, ne peut guère être communiqué au dehors. Tout ce qu'on peut faire autour de lui, c'est danser et sauter sans but ni direction. Peut-être du reste bien des églises sont-elles devenues des idoles pour elles-mêmes. Car en effet, chers amis, à côté de Dieu, l'Église peut devenir une idole pour les Chrétiens. Lorsque des règles humaines et leur application stricte commencent à remplacer la vision du Royaume de Dieu dans l'Église, alors l'Église est bel et bien devenue une idole. Il est remarquable de constater que durant son ministère terrestre, Jésus-Christ n'a pas blâmé les païens pour leur idolâtrie, mais bien plutôt les chefs religieux de son peuple qui avaient inventé des centaines de règles et qui, sous prétexte de religion et d'obéissance à Dieu, imposaient l'observance de ces règles aux autres. Comme si l'obéissance à ces règles humaines pouvait être agréable à Dieu. Pendant ce temps, ces mêmes chefs religieux refusaient de reconnaître dans cet homme qui s'adressait aux collecteurs d'impots haïs et aux prostituées méprisées, le Messie promis par Dieu, le libérateur d'Israël. Pour eux, Jésus était quelqu'un qui polluait leur soi-disant religion pure. L'un d'entre eux, répondant au nom de Saul de Tarse, allait férocement persécuter les premiers Chrétiens. Et pourtant, plusieurs années plus tard, après une dramatique conversion, c'est ce même homme, renommé Paul, qui pouvait écrire aux Chrétiens de Corinthe: "Pour nous, il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes."

Mais nous en arrivons à la dernière question que nous nous étions posée lors de notre première émission sur l'idolâtrie: Qui est donc le seul vrai Dieu? Paul vient de nous le dire: C'est le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes. Il est le Père de Jésus-Christ, qu'il a donné aux croyants comme seul Seigneur. Il se révèle dans sa Parole qui est digne de confiance. Par son Esprit, qui apporte la lumière, Il nous libère de la puissance oppressive des idoles que nous imaginons dans notre folie. Voilà pourquoi c'est Lui seul qu'il faut adorer, car les croyants savent que tout ce qui dégage une odeur d'idolâtrie est le fruit du mensonge et de la tromperie, un facteur de mort et d'anéantissement. Avec le prophète Ésaïe, dans l'Ancien Testament (Ésaïe 40), ils peuvent s'exclamer: "A qui voulez-vous comparer Dieu? Et quelle représentation dresserez-vous de lui? C'est un artisan qui fond la statue, et c'est un orfèvre qui la couvre d'or et y soude des chaînettes d'argent. Celui qui est trop pauvre pour cette offrande choisit un bois qui résiste à la vermoulure; il se procure un artisan capable, pour dresser une statue qui ne vacille pas. Ne le reconnaissez-vous pas? Ne l'entendez-vous pas? Ne vous l'a-t-on pas annoncé dès le commencement? N'avez-vous pas compris ce que sont les fondements de la terre? C'est lui qui habite au-dessus du cercle de la terre, dont les habitants sont comme des sauterelles; il étend les cieux comme une étoffe légère, il le déploie comme sa tente, pour en faire sa demeure. C'est lui qui réduit les princes à rien et qui ramène au néant les juges de la terre; ils ne sont même pas plantés, pas même semés, leur tronc n'a pas même de racine en terre; qu'il souffle sur eux, et ils se dessèchent, un tourbillon les emporte comme le chaume. A qui me comparerez-vous, pour que je lui ressemble? Dit le Saint. Levez les yeux en-haut et regardez! Qui a créé ces astres? C'est lui qui fait marcher leur armée en bon ordre, qui les convoque tous, les nommant par leur nom. Et grâce à sa puissance et à sa sùre force, pas un ne fait défaut."

C'est avec une jubilation pareille à celle du prophète que les chrétiens peuvent confesser le seul vrai Dieu, car il est le Dieu vivant, et non une pièce de bois ou de métal, ou une simple fantaisie de l'esprit humain. Il est le Dieu fidèle qui n'abandonne jamais l'oeuvre qu'il a entreprise. Les chrétiens demeurent vigilants face aux idoles afin d'honorer le nom de Dieu, mais aussi par reconnaissance de ce qu'Il les a libérés de l'esclavage de l'idolâtrie. Voilà pourquoi il leur faut s'assurer qu'ils vivent chaque jour pour lui. Voilà aussi pourquoi, conduits par le Saint Esprit, ils confessent que toutes choses viennent de lui. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend s'assurer le contrôle de leur volonté et veut les forcer à vivre pour lui. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend être la source de leur existence. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend déterminer le but final de leur existence. C'est armés de cette vigilance que les croyants paraîtront au jour du Jugement final devant Jésus-Christ: non pas grimés de cosmétiques fondant à la première chaleur, non pas couverts de quelques feuilles de vigne pour cacher leur nudité devant Dieu, mais revêtus de la connaissance vivante du seul vrai Dieu: car pour eux il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes.