QUELLE RELIGION POUR LE 21ème SIÈCLE?

Amis auditeurs, peut-être avez-vous déjà entendu ces paroles célèbres prononcées il y a quelque quarante ans, par l’écrivain et penseur français André Malraux: “Le vingt-et-unième siècle sera religieux ou ne sera pas”. Paroles que certains considèrent comme prophétiques. Qu’a-t-il voulu dire par là? Sans doute qu’après le vingtième siècle, considéré comme irréligieux, globalement indifférent, voire opposé au sentiment religieux, les hommes et femmes vivant au vingt-et-unième siècle, quant à eux, retourneraient inévitablement à des formes d’expression religieuse très marquées: cela serait même la caractéristique principale du siècle prochain.

Pourtant, on peut à bon droit se demander si une telle phrase rend justice au vingtième siècle: car on a pu voir tout autant d’expression religieuse en notre siècle qu’au cours des époques précédentes: seulement, elles ont pris des formes et des expressions différentes de celles traditionnellement reconnues comme telles. Ainsi, le culte de la personnalité dans les régimes politiques dictatoriaux, revêt un caractère religieux tout à fait marqué, avec cérémonies, chants et hymnes, déclarations de loyauté inaltérable. Le régime nazi en Allemagne dans les années trente et quarante, ou les différents régimes communistes, ont connu leurs célébrations, leurs liturgies voire leurs hystéries qui faisaient avant tout appel à une forme de sentiment religieux. Aujourd’hui, le sport médiatisé est une des formes les plus claires de communion religieuse: autour d’un ballon rond se développe un sentiment d’exaltation peu commun, marqué par toutes sortes de rites, de sentiments fraternels, de moments de dévotion intense. On entend même souvent dire qu’une équipe sportive a été “crucifiée” par une autre; en politique on parle du “catéchisme” d’un parti donné. On pourrait aussi parler en long et en large du culte obsessionnel du sexe, manifesté dans tant de productions cinématographiques ou autres. La question que nous devons nous poser est donc: “quelle sera la religion du vingt-et-unième siècle?”, car l’homme ne saurait vivre sans exprimer ce qui constitue son fonds le plus profond: créé à l’image de Dieu, comme l’enseigne le livre de la Genèse au début de la Bible, il est constamment à la recherche d’un absolu, d’une relation avec son Créateur, mais il détourne le plus souvent cette quête vers d’autres objets ou personnes que son Créateur, que ce soit une personne humaine, une activité quelconque, une appartenance idéologique ou ethnique, un bien matériel donné. Il nous faut aussi reconnaître que le marché religieux, en cette fin de vingtième siècle, est particulièrement ouvert: avec la circulation des idées, les moyens contemporains de communication, les média, chacun peut choisir à sa guise la religion à laquelle il souhaite s’adonner: le bouddhisme ou les religions orientales, l’animisme traditionnel, les enseignements du sufisme musulman, le New Age, etc. Au milieu de tout cela, que représente le Christianisme? Ceux qui confessent Jésus-Christ peuvent-ils encore se prévaloir de l’exclusivité de leur foi? Pourquoi, à “Foi et Vie Réformées” tenons-nous à la confession de Jésus-Christ comme Dieu Lui-Même, envoyé par le Père céleste comme seul médiateur entre Dieu et les hommes? Lisons ensemble, si vous le voulez bien, un passage de l’Evangile selon Matthieu, qui nous éclairera singulièrement à ce sujet. Au chapitre 16, versets 13 à 19, nous lisons:

“Jésus se rendit dans la région de Césarée de Philippe. Il interrogea ses disciples: Que disent les gens au sujet du Fils de l’homme? Qui est-il d’après eux? Ils répondirent: Pour les uns, c’est Jean Baptiste; pour d’autres: Elie; pour d’autres encore Jérémie ou un autre prophète. – Et vous, leur demanda-t-il, qui dites vous que je suis? Simon Pierre lui répondit: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui dit alors: Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas de toi-même que tu as trouvé cela. C’est mon Père céleste qui te l’a révélé. Et moi, je te déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre j’édifierai mon Eglise, contre laquelle la mort elle-même ne pourra rien. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux: tout ce que tu interdiras sur la terre aura été interdit aux yeux de Dieu et tout ce que tu permettras sur la terre aura été permis aux yeux de Dieu.”

Pour bien comprendre la portée de la question de Jésus, et la réponse de Pierre, il nous faut savoir, amis auditeurs, que l’endroit même ou Jésus a posé cette fameuse question était le lieu de nombreux cultes et religions. Déjà sept cents ans avant la venue de Jésus-Christ, le prophète Esaïe avait parlé de cette région en ces termes (chapitre 9): “Le peuple qui vivait dans les ténèbres verra briller une grande lumière: la lumière resplendira sur ceux qui habitaient le pays dominé par d’épaisses ténèbres.” De fait, la région de Césarée de Philippe était marqué par le culte du Dieu syrien Baal, sous diverses formes. Mais pour tout Israélite croyant, cette région était aussi le lieu où le fleuve Jourdain prend sa source. Et cette rivière rappelait à tout croyant israélite la religion d’Israel. Il y avait aussi, dans une montagne des environs, une grotte qui était supposée être le lieu de la naissance de la divinité Pan, le dieu de la nature. Césarée était tellement identifiée au dieu Pan, qu’elle portait le nom de Panéas. Aujourd’hui, située en Syrie, elle s’appelle Baniyas. Mais entre temps, le roi Hérode avait fait bâtir un magnifique temple de marbre en l’honneur de César Auguste, l’empereur romain. Rappelez-vous que les empereurs romains allaient bientôt exiger qu’on les vénère comme des demi-dieux, et ce pour consolider leur autorité politique. Désormais donc, la ville s’appellerait Césarée. Et plus tard, le troisième fils d’Hérode, Philippe, allait ajouter son nom à la ville, dès lors connue sous le nom de Césarée de Philippe.

Pourquoi toutes ces précisions historiques? Simplement pour souligner que c’est dans ce contexte hautement païen, dans cette région pleine de cultes et de religions diverses que Jésus attendait de ses disciples la réponse exacte à la question de son identité: à savoir qu’il est le Christ, le Fils du Dieu Vivant. Poser cette question à quelques kilomètres du palais édifié à la gloire de César, représentait un défi de taille. Et celui qui attendait de ses disciples une telle confession n’était après tout qu’un obscur enseignant religieux, un jeune rabbi suivi de 12 jeunes disciples. Sa renommée començait à s’étendre, mais seulement localement. Et il n’existait aucun consensus au sujet de sa personne. Au mieux, on le considérait comme un prophète, ou comme la réincarnation d’un des anciens prophètes d’Israël. Alors, Jésus a-t-il essayé de se rassurer sur sa mission, en posant cette question? A-t-il voulu remonter sa cote de popularité, en testant ses disciples? Ou bien attendait-il une réponse qui puisse lui indiquer quelle était sa véritable identité, au milieu de tant de religions en compétition? Pas du tout. Jésus savait parfaitement qui il était, et n’allait pas l’apprendre de la bouche de ses propres disciples. Mais, en posant cette question, il avait un plan, celui de l’édification de son Eglise, Or, pour que ce plan se réalise, il fallait que la confession de son identité comme le Christ, le Messie promis et attendu, le Fils même du Dieu Vivant, soit fermement établie, comme la fondation même de l’Eglise.

Comment Pierre a-t-il pu trouver la réponse vraie à la question posée, alors que tant de fausses réponses étaient données autour de lui, dans cette région de Césarée de Philippe? On ne voyait en effet en Jésus qu’un prophète, parmi bien d’autres. Aujourd’hui de même, bien des gens qui se disent religieux ne voient en Jésus qu’un prophète, à l’égal d’autres prophètes ou soi-disant tels; un homme particulièrement vertueux qui a cherché Dieu intensément, et rien de plus. L’apôtre Paul, quant à lui, écrit dans une de ses lettres que nul ne peut dire “Jésus est Seigneur” si ce n’est inspiré par l’Esprit de Dieu. Et c’est bien ce que Jésus répondit à Pierre, après que celui-ci l’ait identifié comme le Christ, le Fils du Dieu Vivant: “Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car ce n’est pas de toi-même que tu as trouvé cela. C’est mon père céleste qui te l’as révélé.”

Il en va de même pour tout croyant qui, deux mille ans après Pierre, confesse Jésus comme le Christ, le Fils du Dieu Vivant. Nul ne pourrait le faire, si l’Esprit de Dieu ne l’illuminait, ne le forçait hors de l’obscurité des religions et cultes de tout poil. Mais il importe de bien comprendre que le climat religieux qui nous entoure aujourd’hui, et qui tâche d’obscurcir la divinité parfaite et suffisante de l’homme Jésus, n’est pas nouveau. Comme vous avez pu le constater, le pluralisme religieux était aussi prononcé au temps de Jésus-Christ qu’il l’est aujourd’hui. Les religions orientales, les cultes de toutes sortes fleurissaient au sein de l’empire romain. Et pourtant, c’est dans ce contexte que Jésus a réclamé pour lui, et pour lui seul, l’autorité suprême. Aussi, les chrétiens ne devraient pas se laisser destabiliser dans leur confession de la messianité et la divinité de Jésus-Christ, comme si notre époque avait ouvert des perspectives religieuses que le passé ne connaissait pas, comme s’il fallait désormais relativiser notre foi en le seul Médiateur et Sauveur. L’apôtre Paul écrit, au chapitre 4 de sa lettre aux Ephésiens: “En parvenant tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu (…) nous ne serons plus de petits enfants ballottés comme des barques par les vagues et emportés çà et là par le vent de toutes sortes d’enseignements, à la merci d’hommes habiles à entraîner les autres dans l’erreur.”

Puissiez-vous de même, amis auditeurs, parvenir tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, et jouir ainsi de la plénitude qui nous vient du Christ.