LES DIX COMMANDEMENTS (8)

               

Chers auditeurs de Foi et Vie Réformées, nous poursuivons aujourd’hui notre série sur le Décalogue, c’est-à-dire les dix commandements donnés par l’Éternel Dieu à son peuple par l’intermédiaire de Moïse.  Ces dix commandements constituent toujours, pour les Chrétiens, une norme selon laquelle ils sont appelés à vivre.  Norme parfaite qui définit aussi bien les devoirs des humains envers Dieu, et leurs devoirs envers leur prochain.

Nous avons déjà consacré une émission entière au sixième commandement “Tu ne commettras pas de meurtre”, à la lumière de l’enseignement du Catéchisme de Heidelberg, ce précieux manuel d’instruction chrétienne qui nous vient du seizième siècle.  Le catéchisme continue sur sa lancée avec la question suivante: “Ce commandement défend-il seulement de tuer?  En nous défendant le meurtre, Dieu veut nous enseigner aussi qu’il a en horreur tout ce qui en est la racine comme l’envie, la haine, la colère et le désir de vengeance. Pour lui, tout cela est un meurtre intérieur.”  La dernière fois, nous avons insisté sur cet aspect de la Loi de Dieu, qui ne s’arrête pas aux actes extérieurs, mais juge aussi des pensées et mouvements intérieurs, qui donnent naissance aux actes: envie, haine, colère, désir de vengeance. Lequel d’entre nous, amis auditeurs,  n’a jamais été la proie de ces sentiments destructeurs qui rongent notre être intérieur?  Et que dire de ces mouvements, lorsqu’ils possèdent non pas une personne seulement, mais un peuple ou une nation toute entière?  Que de meurtres collectifs n’ont-ils pas été commis au nom de la haine raciale, ou d’un esprit collectif revanchard…  Le vingtième siècle, dont nous sortons à peine, a vu l’accomplissement de génocides par des peuples ou des gouvernements possédés par un esprit criminel sans précédent; c’est ainsi que l’empire ottoman a froidement tâché d’éliminer systématiquement les Arméniens chrétiens sur leurs terres ancestrales.  Plus près de nous, le Rwanda a connu une hystérie meurtrière fondée sur une haine ethnique ancestrale.  Haine raciale, jalousie sociale, militarisme agressif, voilà les ingrédients du meurtre qui commencent dans les coeurs et les esprits, pour manifester ensuite leurs fruits dans la plus grande violence.

Mais que penser de la guerre et du devoir des combattants, à la lumière du sixième commandement?  Les Chrétiens doivent-ils être objecteurs de conscience?  Y a –t-il des guerres justes, et si oui, d’après quels critères?  C’est une question qui a été posée très tôt durant l’histoire de l’Église. De nombreux chrétiens refusaient d’embrasser une carrière militaire au nom du sixième commandement.  Notons cependant qu’une telle prise de position était inconnue dans l’Ancien Testament, période au cours de laquelle les dix commandements ont été donnés au peuple d’Israël par Dieu.  Les dangers extérieurs imposaient une organisation de défense, donc des hommes capables de prendre les armes.  Lorsque des soldats sont venus demander au précurseur de Jésus-Christ, le prophète Jean-Baptiste, ce qu’ils devaient faire, il leur a répondu: “Ne faites violence à personne, et ne dénoncez personne à tort, mais contentez-vous de votre solde.”  En d’autres termes, Jean-Baptiste n’a pas recommandé aux soldats de renoncer à leur état de militaires, mais de n’abuser en aucun cas du pouvoir des armes, en pillant ou dépouillant les populations.  Voilà une leçon de grande actualité, amis auditeurs.  Ce ne sont pas seulement les individus, qui peuvent se livrer au pillage ou rançonner les populations civiles sans défense; parfois ce sont des armées entières qui, obéissant aux ordres des chefs politiques, pillent les ressources naturelles d’un pays.  Combien de guerres n’ont-elles pas été déclarées uniquement dans le but de piller la richesse des nations voisines?  Au dix-septième siècle, l’Europe a connu une guerre de trente ans, concentrée sur le sol allemand et caractérisée par toutes sortes de vols, de viols et de pillages, qui étaient surtout le fait de mercenaires, c’est-à-dire de soldats se vendant à l’armée qui payait le mieux leurs services.  Au milieu de ce terrible chaos, le roi de Suède Gustave-Adolphe, qui était un Chrétien convaincu, a mené une foudroyante campagne militaire grâce à une armée extrêmement disciplinée, où toute forme d’exaction était interdite et sévèrement réprimée.

Mais qu’est-ce qu’une guerre juste?  Peut-il exister des guerres justes où tuer son prochain n’est pas un meurtre?  Question bien difficile, mais qu’on ne peut éviter de poser.  La situation communautaire d’un pays impose une défense armée contre un danger extérieur menaçant l’existence ou la cohésion de la communauté nationale.  Cette défense doit être préparée à l’avance, et prête à intervenir le cas échéant.  C’est le devoir de tout État qui se respecte que d’assurer la protection physique de ses ressortissants.  C’est principalement à cet effet qu’il a été institué par Dieu. Mais quand lui est-il légitime de déclarer la guerre, et d’engager ses troupes dans un combat qui provoquera inévitablement des morts des deux côtés?  Sans doute lorsque le degré de menace directe a atteint un point de non retour et que toute solution diplomatique, toute médiation par un tiers-parti a échoué.  Cela dit, nous savons bien que de nombreuses guerres offensives sont déclarées par des États sous prétexte de protection des intérêts nationaux, ou sous prétexte de menace extérieure, alors qu’en fait l’intérêt national en question consiste à vouloir spolier un autre pays, et que la menace extérieure est un faux prétexte pour justifier une telle agression.  Une autre guerre est alors mise en branle pour justifier cette agression: la guerre de l’information, ou plutôt de la désinformation, afin de faire passer pour légitime les opérations militaires engagées.  Si nous voulons appliquer la Loi de Dieu à un tel cas, nous devrons non seulement prendre en compte le sixième commandement, mais aussi le huitième (“Tu ne déroberas pas”), le neuvième (“Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain”) et le dixième (“Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain”).  Comme pour le sixième commandement, ces autres commandements ont une portée non seulement individuelle, mais aussi collective, communautaire.  Cet exemple nous montre clairement  que la Loi de Dieu doit être comprise, méditée et appliquée dans son ensemble.  Les dix commandements ne sont pas séparés les uns des autres, mais s’adressent à la totalité de la vie humaine.  C’est ce que souligne Jacques, au chapitre deuxième de sa lettre: “Celui qui désobéit à un seul commandement de la Loi, même s’il obéit à tous les autres, se rend coupable à l’égard de toute la Loi.  Car celui qui a dit: Tu ne commettras pas d’adultère, a dit aussi: Tu ne commettras pas de meurtre.  Si donc, tout en évitant l’adultère, tu commets un meurtre, tu désobéis bel et bien à la Loi.”

Je n’ai pas l’intention ici d’entrer dans une discussion approfondie de tous les aspects liés à la légitimité ou non de la guerre, mais je souhaite simplement vous montrer que le sixième commandement à aussi des applications dans ce domaine, et doit être compris en fonction du reste de la Loi de Dieu.  Il revient à chacun d’entre vous, amis auditeurs, de se poser les questions liées à l’application de ce commandement, et de chercher à y répondre en sondant la Bible, qui est la Parole de Dieu. 

Deux autres questions très actuelles directement liées au sixième commandement, concernent d’une part l’avortement, d’autre part l’euthanasie.  Je ne toucherai qu’à la première de ces questions.  Dans les pays occidentaux, mais pas seulement, l’avortement est pratiqué à grande échelle.  D’après certaines statistiques, quatre mille avortements par jour ont lieu rien qu’aux États-Unis, ce qui porte le nombre d’enfants à naître ainsi supprimés à environ un million et demi par an.  Qu’est-ce qui peut justifier un tel anéantissement de masse?  Une peur de la surpopulation?  Des raisons de santé impérieuses?  Certainement pas.  A quelques exceptions près, qui sont des cas à part, l’écrasante majorité des avortements commis est dû à l’absence d’une famille stable, avec les conséquences humaines que cela suppose; au refus des hommes d’assumer la responsabilité de leurs actes, et à l’idéologie selon laquelle la femme est maîtresse de son corps et peut en faire ce qu’elle veut. Pour cette idéologie, l’embryon n’est qu’une simple excroissance organique du corps de la femme, et n’a aucun statut d’être humain créé à l’image de Dieu dès sa conception.  En fin de compte, seule la décision de la mère de garder l’enfant à naître, assure à celui-ci le statut d’être humain digne d’être protégé comme n’importe quel autre être humain.  Si,  que ce soit dans une situation de détresse personnelle et sociale ou non, elle décide d’avorter, très souvent poussée en cela par sa famille voire par le personnel médical, elle se voit attribuer le pouvoir exorbitant de faire appliquer la peine de mort à un être totalement sans défense.  La seule faute commise par cet être est d’avoir été appelé à la vie par l’acte même de ceux qui veulent le supprimer. On en vient pratiquement à invoquer un acte de légitime défense de la mère vis-à-vis du dangereux fétus qui menace son épanouissement et sa liberté personnelle. Le fait que l’avortement pour raison de convenance personnelle soit légal dans nos sociétés dites civilisées, ne le justifiera cependant jamais au vu du sixième commandement.  Sous couvert  de toutes sortes d’arguments, on aura toujours affaire, dans de tels cas, à un acte de tyrannie sanguinaire, tout comme un despote décide de jouer arbitrairement avec la vie de ses sujets, livrant certains aux bêtes sauvages pour être mis en pièces par celles-ci, et épargnant d’autres vies.

Terminons ce message sur le sixième commandement en lisant ensemble la dernière question et réponse du Catéchisme de Heidelberg: “Le meurtre seul  est-il interdit?  Non, car en condamnant l’envie, la haine et la colère, Dieu veut que nous aimions notre prochain comme nous-mêmes, et lui témoignions patience, paix, douceur, miséricorde et bienveillance, que nous lui évitions, autant que cela dépend de nous, tout dommage, et que nous fassions du bien même à nos ennemis.”