LES DIX COMMANDEMENTS (13)
Amis auditeurs, nous
voici parvenus au dixième commandement, le dernier du Décalogue, que nous
lisons dans l’Ancien Testament à deux reprises: d’abord au chapitre vingt
du livre de l’Exode, ensuite au chapitre cinq du livre du Deutéronome.
Ce dixième commandement
est formulé ainsi: “Tu ne convoiteras pas la maison de ton
prochain; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni
sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni rien qui appartienne à ton
prochain.”
Le dernier commandement
du Décalogue souligne un aspect de la Loi que nous avons relevé à plusieurs
reprises: la Loi s’adresse à l’homme intérieur, à ses pensées les plus
profondes, celles qu’à part lui-même, seul Dieu connaît et juge.
Ce sont ces pensées qui peuvent mener l’homme à violer des
commandements comme: “Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne déroberas pas,
tu ne commettras pas d’adultère”. Le
Seigneur Jésus-Christ l’a rappelé à ses interlocuteurs préoccupés par la
pureté extérieure effectuée par des rites consacrés, lorsqu’il leur a dit:
“C’est du coeur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères,
prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes.”
A cet égard, le Catéchisme de Genève, dans son explication du dixième
commandement, est très explicite. Lisons
ensemble le passage concerné: “Toute la Loi est d’ordre spirituel: nous
l’avons rappelé à chaque commandement. Ils
ont tous pour but non seulement de régler notre comportement extérieur, mais
d’agir sur les dispositions de notre coeur.
Que nous dit donc de plus ce commandement?
Dans
les neuf autres, le Seigneur voulait gouverner nos intentions et nos sentiments.
Ici, il impose sa Loi à des pensées non encore formulées, mais qui
portent déjà en elles les germes de la convoitise.
Veux-tu dire que les moindres tentations qui s’insinueraient dans le coeur
des fidèles, ou leur viendraient occasionnellement à l’esprit, seraient
coupables, même s’ils ne leur cédaient en rien, mais au contraire leur résistaient?
Un
fait est certain: toute pensée mauvaise, même lorsqu’on se garde d’y céder,
vient de la corruption de notre nature. En
tous cas, je dis que ce commandement condamne les désirs malsains qui flattent
et séduisent le coeur, sans pour autant conduire à des intentions précises et
délibérées.
Ainsi,
Dieu condamne les mauvaises pensées auxquelles les hommes se laissent si
complaisamment aller. – Mais son exigence va plus loin encore: la pureté de
nos coeurs doit être telle que nul désir coupable – porte ouverte au péché
– n’y ait le moindre accès.”
Mais lisons également
ensemble ce que dit le Catéchisme de Heidelberg au sujet du dixième
commandement: “Que nous ordonne le dixième commandement?
De n’avoir jamais, dans notre coeur, la moindre envie ou pensée
contraire à la Loi de Dieu, mais de détester en tout temps le péché et de
prendre plaisir à toute justice.” En
parlant de la sorte, le Catéchisme insiste sur la totalité de la Loi, que la
convoitise transgresse par excellence. Car
la convoitise, quel que soit son objet, est la source de toute idolâtrie.
En ce sens, le dixième commandement fait écho au premier, qui, vous
vous en souvenez, défend d’avoir un quelconque autre Dieu que l’Éternel,
le Dieu qui se révèle dans sa Loi. La
convoitise nous ramène aussi au tout début de l’histoire de l’humanité,
avec la tentation du serpent. Cette
tentation consistait à convoiter le statut divin: “Dieu sait que le jour où
vous mangerez du fruit de l’arbre, vous serez comme des dieux”, a susurré
le serpent à Eve. Et, nous
rapporte le chapitre trois du livre de la Genèse, “la femme vit que
l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du
discernement. Elle prit de son fruit
et en mangea; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en
mangea.” Tentation
et convoitise vont en effet de pair: elles sont l’oeuvre du Tentateur, qui
s’oppose systématiquement à Dieu, mais que Dieu a déjà vaincu pour nous
dans la personne de son Fils Jésus-Christ.
Ce rapport entre tentation et convoitise est mis en évidence au début
de la lettre de Jacques, dans le Nouveau Testament, lorsque Jacques écrit
(1:13-15): “Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui
me tente. Car Dieu ne peut être
tenté par le mal et ne tente lui-même personne.
Mais chacun est tenté, parce que sa propre convoitise l’attire et le séduit.
Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché; et le péché,
parvenu à son terme, engendre la mort.”
Une
question se pose: les autorités publiques peuvent-elles punir des intentions
qui n’ont pas débouché sur des actes concrets, comme le meurtre?
Peut-on faire des procès d’intention?
Dans certains cas, le désir ou l’intention devient si manifeste,
qu’il leur est licite de le faire, comme par exemple dans le cas d’appels à
la haine où à la spoliation d’une partie de la population.
Dans le même ordre d’idée, les tentatives d’insurrection violentes
peuvent être réprimées lorsqu’elles menacent la société toute entière.
La question qui se pose, bien sûr est de savoir qui punit l’État
lorsque celui-ci convoite le bien de ses sujets, ou encore les territoires de
pays voisins. Le récit biblique du
roi Achab convoitant la vigne de son sujet, Naboth, est exemplaire à cet égard.
Naboth refuse de vendre au roi l’héritage de ses ancêtres. La reine Jézabel,
pour satisfaire la convoitise de son époux royal, fait écrire des lettres au
nom d’Achab, les fait sceller du sceau royal et les fait porter aux
responsables de la ville où habite Naboth.
Dans ces lettres, elle leur ordonne de convoquer le conseil de la ville,
de faire placer Naboth au premier rang de l’assemblée et de faire venir des
faux témoins. Ceux-ci accuseront
faussement Naboth d’avoir maudit Dieu et le roi, crime passible de mort
d’après la Loi de Dieu, et Naboth sera immédiatement condamné et lapidé.
Ce plan criminel est exécuté à la lettre, et, une fois Naboth mort,
Achab peut se rendre dans la ville de Jizréel et prendre possession de la vigne
de Naboth qu’il convoitait avec tant d’ardeur.
Dans cet épisode, non seulement le dixième commandement a été
transgressé, mais aussi le sixième (tu ne commettras pas de meurtre),
le huitième (tu ne déroberas pas) et le
neuvième (Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton
prochain). Sans parler du troisième
(tu ne prendras pas le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain) car les
faux témoins dans ce procès inique et arrangé de toutes pièces, ont prêté
serment au nom de Dieu.
Le
dixième commandement interdit-il tout désir dans le coeur de l’homme?
Pas du tout. La Bible ne
recommande pas l’absence de désir ou d’émotions, mais condamne les désirs
qui nuisent aux autres ou à soi-même. Il
est tout à fait légitime de désirer de bonnes choses, comme une nourriture
saine, un époux ou une épouse, une éducation supérieure, un toit pour sa
famille, une carrière où l’on puisse exercer les talents accordés par Dieu
pour le service des autres, un voyage d’agrément etc.
Cependant, le coeur de l’homme étant devenu corrompu après la Chute,
ces désirs légitimes sont facilement transformés en idolâtrie, et c’est précisément
ce qu’interdit le dixième commandement. Jésus-Christ
nous éclaire merveilleusement là-dessus, lorsqu’il enseigne: “Cherchez
d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront
données en plus.” Tous nos désirs
doivent être soumis au motif du Royaume de Dieu et sa justice.
Cela veut dire que la Loi de Dieu doit
régner dans nos coeurs et purifier nos désirs.
Ceci implique que nos désirs doivent bien souvent être soit réprimés,
s’ils ne sont pas conformes à cette Loi, soit réformés pour que le motif du
Royaume et de sa justice devienne vraiment notre priorité et guide notre coeur,
nos yeux et nos sens.
Mais,
que dire de la publicité commerciale qui a envahi notre vie et nous incite à désirer
posséder toutes sortes d’objets de consommation?
Certes, elle est parfois très subtile, et joue avec beaucoup de force de
persuasion sur les fibres sensibles des consommateurs.
La publicité dont les médias modernes nous entourent est-elle légitime?
Faut-il rejeter en bloc cette manière de présenter les produits
commerciaux aux acheteurs potentiels? Il
serait exagéré de soutenir cette position.
Il est légitime qu’un produit de qualité soit présenté sous un jour
avantageux aux consommateurs, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une
publicité mensongère qui trompe le public sur la qualité du produit.
L’existence de la publicité souligne aussi la responsabilité de
chacun de ne pas se laisser emporter par une convoitise idolâtre. Il serait très
naïf de croire qu’en supprimant la publicité, on supprime en même temps la
convoitise. Celle-ci n’a pas
attendu l’émergence des techniques publicitaires modernes pour se manifester
dans le coeur de l’homme. Cependant,
il est tout aussi clair que de nombreux messages publicitaires rejettent plus ou
moins ouvertement les normes présentées dans la Loi de Dieu. Le produit présenté
dans la publicité est justement dépeint comme quelque chose qui doit être
convoité de manière idolâtre. Le
corps de la femme est souvent employé comme technique pour souligner cette
convoitise. Ici, il est évident que
le septième commandement (Tu ne commettras pas d’adultère”) est
aussi transgressé.
Vous
le voyez, amis auditeurs, la portée du dixième commandement est très étendue,
et couvre en fait tous nos désirs intérieurs. Comme je l’ai mentionné au début
de cette émission, ce commandement fait écho au tout premier, qui défend
d’avoir d’autre dieu que le seul vrai Dieu, celui qui se révèle dans sa
Loi et en Jésus-Christ. La
prochaine fois, nous méditerons ensemble sur le contenu général de la Loi et
sur la relation entre la Loi et l’Évangile.