VIVRE UNE SPIRITUALITÉ TRINITAIRE (3)
Quels sont les fruits d’une spiritualité
trinitaire pour la vie de l’Église, amis auditeurs?
Voilà la question à laquelle je vais tâcher de répondre au cours de
cette émission de “Foi et Vie Réformées” qui fait suite à deux précédentes
émissions sur le thème du Dieu Trinitaire.
Nous avons vu ensemble, à la lumière de l’enseignement de la Bible,
que Dieu est Un en Trois personnes distinguées l’une de l’autre mais qui
agissent en toutes choses dans un parfait accord divin.
L’Article 8 de la Confession de foi appelée Belgica, exprime ce qui
suit à ce sujet: “Cependant
une telle distinction n’implique pas que Dieu soit divisé en trois, étant
donné que l’Écriture nous enseigne que le Père, le Fils et Saint Esprit ont
chacun sa propre subsistance distinguée par ses propriétés, de sorte
toutefois que ces trois personnes ne sont qu’un seul Dieu.”
L’Église, qui est la nouvelle création de Dieu, reflète désormais
ses propriétés ici sur terre. Tout
d’abord l’unité. L’apôtre
Paul écrit dans sa lettre aux Éphésiens: “Il y a un seul corps et un
seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance”.
Un seul corps, dont l’unité ne se trouve qu’en Jésus-Christ, le
Fils éternel du Père, qui en est la tête.
Mais, tout comme il n’y a pas qu’une seule personne dans la Trinité,
mais trois, de même il y a dans l’Église une diversité de dons et de
services qui doit être mise au service de la croissance de ce corps unique.
Si l’Église essaie de marcher de l’avant avec un seul ministère,
une seule forme de service, jamais elle ne reflètera l’être du Dieu trois
fois Un, et ne pourra croître. Si
l’un des ministères ou des services que Jésus-Christ a institués pour son
Église tente de dominer les autres, au lieu de remplir sa vocation en harmonie
et coordination avec les autres ministères - comme le font les trois personnes
de la Trinité - alors l’Église ne reflète pas l’image du Dieu Trois fois
Un, mais celle d’un faux dieu. L’unité
est alors placée au-dessus de la diversité.
Mais, parlant de Jésus-Christ dans le même passage que nous venons de
lire, Paul ajoute: “C’est de lui que le corps tout entier tire sa
croissance pour s’affermir dans l’amour, sa cohésion et sa forte unité lui
venant de toutes les articulations dont il est pourvu, pour assurer l’activité
attribuée à chacune de ses parties.” Au
cas où chaque ministère chercherait son indépendance vis-à-vis des autres
ministères, l’Église ne reflèterait pas non plus l’être du Dieu Trois
fois Un. C’est la diversité qui
se trouverait placée au-dessus de l’unité.
Dans l’Église, on agirait comme si Dieu était divisé: le ministère
des diacres servant le dieu des diacres, le ministère des anciens servant le
dieu des anciens! En pratique, l’Église
vivrait comme les païens qui ont toute une panoplie de dieux, ou plutôt
d’idoles, chacune servant un but spécifique: chaque idole protège celui ou
L’unité et la diversité ne sont totalement réconciliées
qu’au sein du Dieu Trinitaire. Ce
n’est que dans cette réconciliation que l’amour véritable est possible.
L’amour véritable trouve sa source dans le Dieu Trinitaire car les
trois personnes de la Trinité s’aiment de manière parfaite.
Dans l’Évangile de Jean, au chapitre 17, Jésus prie pour ses
disciples de la manière suivante: “Ce n’est pas pour eux seulement que
je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que
tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi
soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé.”
Et un peu plus loin: “Je leur ai fait connaître ton nom, et je
le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux,
et que moi, je sois en eux.” Remarquez
bien, amis auditeurs, que cet amour parfait au sein de la Trinité repose sur la
distinction de rôle de chacune des trois personnes.
“Car, déclare l’article 8 de la Confession Belgica, le Père
n’a pas revêtu une chair humaine ni le Saint Esprit, mais seulement le Fils;
le Père n’a jamais été sans son Fils ni sans son Saint Esprit parce que
tous trois sont d’éternité égale en une même essence.
Il n’y a ni premier, ni dernier, car tous trois sont un en vérité et
en puissance, en bonté et en miséricorde.”
Cette égalité n’exclut pas que, par exemple, le Fils se soit complètement
soumis à la volonté de son Père, même au moment le plus douloureux de son
existence terrestre, à Géthsémané juste avant son arrestation, sa
condamnation à mort et sa crucifixion: “Père, a-t-il prié, si tu
le veux, éloigne de moi cette coupe. Toutefois
que ce ne soit pas ma volonté, mais ta volonté qui soit faite.”
De cela nous apprenons aussi que tous n’ont pas reçu la même
vocation quant au type de service à rendre dans l’Église de Jésus-Christ;
égalité devant le chef de l’Église, Jésus-Christ, ne signifie pas que
chacun puisse agir comme s’il ou elle avait le droit de remplir la fonction ou
le rôle d’un autre. Tous ne sont
pas pasteurs, tous ne sont pas diacres, tous ne sont pas évangélistes.
Sans soumission volontaire (comme Jésus en a donné l’exemple à ses
disciples), il ne peut y avoir d’amour véritable.
En même temps, tous peuvent se prévaloir d’une égalité devant le trône
de la Grâce divine. Aussitôt que
la vraie connaissance du Dieu Trinitaire s’efface ou est méconnue, les hommes
ne peuvent que tomber dans leurs
tentatives désespérées d’oppression et de dictature (en plaçant l’unité
bien au dessus de la diversité) ou dans le chaos et l’anarchie (en plaçant
la diversité bien au-dessus de l’unité).
Cela dit, l’enseignement sur la Trinité et l’obéissance
ou la désobéissance au Dieu Trinitaire ont des implications beaucoup plus
larges que sur la vie de l’Église. Car
le Dieu Trinitaire a imprimé sa marque sur toutes les facettes de la réalité
et de la vie humaine. A chaque pas
que nous faisons dans la vie, nous rencontrons
à la fois l’unité et la diversité: l’univers - le cosmos - est un, mais
il comprend à tous les échelons la diversité; toutes les
unités plus petites que nous rencontrons sont elles aussi composées
d’une grande diversité d’éléments (pensons seulement aux espèces
animales, composées de plusieurs branches).
Ce que nous avons dit sur les rôles et fonctions différentes au sein de
l’Église, et la soumission réciproque qui est de mise, vaut aussi pour la
société en général. En même
temps l’égalité de tous devant la
loi doit être respectée, sans préjudice ou favoritisme, sans pressions
indues. Ceci est d’ailleurs un
principe clairement énoncé dans la Loi de Dieu, dans l’Ancien Testament.
Or, si nous regardons comment fonctionnent les sociétés humaines, nous
ne voyons à tous les niveaux que distorsions, oppression et violence, justement
à cause du refus de se soumettre au Dieu Trinitaire: au nom de l’unité un
parti politique s’empare de tout l’appareil de l’État et empêche toute
autre opinion que la sienne d’être exprimée;
sous prétexte de diversité le chaos et la division règnent au sein
d’un même cabinet ministériel parce que chaque département veut appliquer
sa politique sans tenir compte des intérêts des autres départements.
De sanglants conflits ethniques surgissent parce qu’on nie la diversité
que Dieu a créée au sein de l’humanité et qu’on dénie le droit de vivre
à ceux qui font partie d’un autre groupe ou clan que le sien.
Et pourtant le Dieu unique n’a créé qu’une seule espèce humaine,
avec toute sa diversité. L’oppression
culturelle sévit parce que les dons que Dieu a accordés à certaines
de ses créatures sont jugés inférieurs à d’autres: on veut forcer
chacun à prendre part aux mêmes activités culturelles.
La confusion sexuelle sévit lorsque les sexes masculin et féminin –
une distinction que le Dieu Trinitaire a établie dans sa Création – sont méconnus
dans leur complémentarité. On
pourrait ainsi continuer cette liste de distorsions et d’oppressions pendant
longtemps… Au cours de
l’histoire humaine, le pendule oscille constamment d’un extrême à
l’autre, causant bien des souffrances.
La vocation de l’Église au sein du Royaume de Dieu est de développer une spiritualité trinitaire, c’est-à-dire une spiritualité qui reflète l’être du Dieu Trinitaire. L’Église est appelée à vivre une telle spiritualité en paroles et en actes, c’est-à-dire dans son témoignage et dans sa marche, par exemple lorsque les dons de chaque membre où les services institués dans l’Église sont pris en compte et s’exercent pour la croissance et le bien-être de tous. L’exercice d’une telle spiritualité trinitaire dans l’Église est alors projeté dans la société, en vue de guérir les relations brisées et, par le bon exemple, de réformer les modèles politiques et sociaux qui soit oppressent, soit provoquent le chaos. Car quand on oppresse, on favorise en fin de compte l’éruption du chaos, et quand on laisse s’établir le chaos, on amène en fin de compte l’oppression. Voilà le témoignage que Dieu attend de sa nouvelle Création sur terre, l’Église de son Fils Jésus-Christ: le témoignage rendu au Royaume parfait du Dieu Trinitaire.