LES AUTORITES HUMAINES (1)
Amis auditeurs, ce n’est pas la première fois que “Foi et Vie Réformées”
consacre une émission à la question de l’autorité publique et du rôle qui
lui est dévolu par Dieu. Cette
question brûlante mérite qu’on y réfléchisse sérieusement, car elle
affecte la vie de tous. Une juste compréhension de ce rôle tel qu’il est défini
dans la Parole de Dieu peut apporter des bénédictions innombrables à des
nations entières, tandis qu’une distorsion de ce rôle amène bien des épreuves
sur ces mêmes nations. Un texte clé
dans la Bible nous parle du rôle de l’autorité publique et de la manière
dont tout sujet est tenu de la respecter. Ce
texte se trouve au chapitre treize de la lettre de Paul aux Chrétiens de Rome.
Je vous le lis donc: “Que tout homme se soumette aux autorités supérieures,
car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent
ont été mises en place par Dieu. C’est
pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité lutte contre une disposition établie
par Dieu, et ceux qui sont engagés dans une telle lutte recevront le châtiment
qu’ils se seront attiré. Car ce
sont les malfaiteurs, et non ceux qui pratiquent le bien, qui ont à redouter
les magistrats. Tu ne veux pas avoir
peur de l’autorité? Fais le bien,
et l’autorité t’approuvera. Car
l’autorité est au service de Dieu pour ton bien.
Mais si tu fais le mal, redoute-là.
Car ce n’est pas pour rien qu’elle peut punir de mort.
Elle est, en effet, au service de Dieu pour manifester sa colère et
punir celui qui fait le mal. C’est
pourquoi il est nécessaire de se soumettre à l’autorité, non seulement par
peur de la punition, mais surtout par motif de conscience.
C’est pour les mêmes raisons que vous devez payer vos impôts.
Car ceux qui les perçoivent sont aussi au service de Dieu, dans
l’exercice de leurs fonctions. Rendez
donc à chacun ce qui lui est dû: les impôts et les taxes à qui vous les
devez, le respect et l’honneur à qui ils reviennent.”
Si nous devons résumer ce texte, amis auditeurs, nous pouvons dégager
trois motifs principaux, qui doivent chacun être expliqués en détail.
Le premier motif, c’est que l’autorité ou le pouvoir public, sous
quelque forme que ce soit, n’est pas un pur arrangement humain, une simple
invention des hommes qui n’a rien à voir avec Dieu, mais au contraire
l’expression d’une institution établie par Dieu. Le second motif, qui découle
du premier, est que les autorités publiques ont pour mission divine d’assurer
le bien public. Elles sont un service aux hommes à cet effet, service qui a des
comptes à rendre à Dieu. Le troisième motif, qui découle des deux précédents,
est que chacun est appelé à se soumettre à ces autorités, car ne pas le
faire c’est résister Dieu lui-même, puisque c’est rejeter l’ordre
qu’il a établi.
Bien sûr, quelques questions
cruciales surgissent immédiatement: les autorités qui font notoirement le mal,
en oppressant leurs sujets parfois de manière horrible, ont-elles aussi été
établies par Dieu? Est-on appelé
à leur obéir? Jusqu’où doit
aller cette obéissance? Et que dire
des autorités qui ont été mises en place après le renversement, parfois
violent, d’un régime précédent par le biais d’un coup d’État ou
d’une révolution? Sont-elles légitimes?
Questions délicates en effet, mais auxquelles on peut apporter un début
de réponse. Tâchons aujourd’hui
d’examiner ensemble les deux premiers motifs que je viens de mentionner,
c’est-à-dire l’Etat comme institution établie par Dieu, et son rôle au
service du bien. La prochaine fois,
nous parlerons de la question de l’obéissance due aux autorités publiques.
Ce qui est clair dès le départ, c’est que l’Etat est considéré par
la Bible comme une institution fondamentale pour la société humaine, destinée
à assurer la paix civile et la justice. Dans
un monde marqué par le péché, par la désobéissance à l’ordre parfait créé
par Dieu au tout début, l’Etat a pour tâche de préserver l’ordre et la
justice entre les hommes. Mais pour
assurer cette tâche correctement, l’Etat doit comprendre ce qu’est le bien
à la lumière de la Révélation divine. Certes,
lorsque Paul écrivait sa lettre aux Chrétiens de Rome, l’Etat romain était
tout sauf chrétien. En leur disant:
“Fais le bien, et l’autorité t’approuvera;car l’autorité est au
service de Dieu pour ton bien”, Paul savait très bien que le régime
politique en question ne reconnaissait pas le Dieu révélé comme la source de
toute norme. Ce régime, Paul le
considère néanmoins comme légitime car dans son
essence même, il a pour mandat d’assurer l’ordre et la justice. Et
l’Etat romain le faisait à sa manière, aussi imparfaite fût-elle. Tout Etat
qui ne prend pas au sérieux ce mandat mine sa propre existence: s’il provoque
lui-même le désordre, il en sera à plus ou moins brève échéance la
victime. S’il dénie à ses sujets
la justice, il provoque par la même un désordre qui aura à plus ou moins long
terme les mêmes effets. Le règne
de la peur ne peut indéfiniment remplacer l’ordre et la justice.
Cependant, pour saisir ce que sont l’ordre et la justice, et donc
assurer le bien de tous, l’Etat doit
se tourner vers les normes révélées par Dieu dans sa Parole: normes
concernant la protection de la vie et des biens privés ou publics, notion de
l’équité; toutes choses qui doivent être exprimées au moyen du droit et
d’une législation appropriée. Cette
législation doit prendre en compte les situations qui changent, tout en gardant
les yeux fixés sur les principes de base de l’équité et de la justice.
La conséquence logique de ce qu’écrivait Paul aux Chrétiens de Rome,
c’est que l’Etat est appelé à se réformer de manière toujours plus
conforme aux normes divines afin d’assurer le bien de ses sujets. Le premier
élément d’une telle réforme de l’Etat, c’est bien sûr la
reconnaissance par ce dernier qu’il est au service de Dieu pour le bien de ses
sujets. Il n’est pas à son propre
service, il ne tire pas sa légitimité première de lui-même, de son pouvoir
ou de sa force, ni même en premier lieu de ses sujets, mais de Dieu qui l’a
institué. Le second élément de
cette réforme c’est, répétons-le, la juste compréhension de ce que sont
l’ordre et la justice pour le bien de tous.
Non pas le bien d’un petit groupe, d’une clique, des membres du parti
politique au pouvoir, d’une famille ou d’un groupe ethnique, mais de tous
sans exception, à commencer par les plus petits et les plus démunis.
Dans la Bible, la veuve et l’orphelin représentent par excellence ces
petits et ces démunis qui doivent pouvoir compter sur la protection et la
justice de l’Etat. Tout Etat qui
recherche ce bien et cette justice publics s’honore donc en remplissant son
mandat. De même, la prérogative de
punir ceux qui font le mal fait partie des attributs de l’Etat; or, selon les
mots même de Paul, cela peut aller jusqu’à punir avec le glaive ou l’épée,
c’est-à-dire en appliquant la peine de mort dans les cas jugés extrêmes.
Un Etat qui n’accomplit pas ce devoir particulier ne remplit pas son
mandat. Il favorise ainsi le désordre
et à plus ou moins longue échéance, il se condamne à en subir les conséquences.
Bien entendu, la répression du mal doit se faire selon les normes de la
justice et de l’équité. Il ne s’agit pas de réprimer ceux qui sont jugés
dangereux pour le maintien d’un groupe au pouvoir, ou ceux qui protestent
contre les abus de pouvoir de l’Etat, ou encore ceux dont l’Etat cherche à
s’emparer des biens. Car cela ce n’est que du désordre et de l’injustice
perpétrés par l’Etat. Il
s’agit de punir ceux qui détruisent
la propriété des autres, menacent la vie des gens paisibles, ceux qui représentent
un danger public. Inutile de dire
que dans la pratique, biens des Etats confondent volontairement les vrais
criminels avec ceux qui militent pour une vraie justice.
Je vous propose d’écouter quelques extraits des psaumes de l’Ancien
Testament, dans la Bible, qui ont trait à ces aspects que je viens de
mentionner. Vous verrrez que, même
écrits il y a de nombreux siècles, ils demeurent d’une actualité brûlante.
Tout d’abord un passage du psaume 72, qui est une prière pour le roi,
donc pour celui qui exerce l’autorité sur un peuple, au nom de Dieu: “O
Dieu, accorde au roi de juger comme toi et donne au fils du roi ton esprit de
justice! Qu’il rende la justice à
l’égard de ton peuple selon ce qui est juste, à l’égard des pauvres selon
ce qui est droit; la paix descende des montagnes et la justice des collines pour
tout le peuple! Qu’il sauve les
enfants des pauvres et qu’il écrase l’oppresseur!
Alors ils te vénèreront tant que durera le soleil, tant que la lune
apparaîtra, à travers tous les âges. Le
roi sera comme une pluie qui descend sur un pré fauché, et comme des ondées désaltérant
la terre. Que tous les justes soit
prospères tant que son règne durera, que ce soit sa prospérité tant que la
lune brillera!” Comme vous le
voyez, cette prière pour le roi énonce les bénédictions que reçoivent ceux
qui font le bien, lorsque ce roi gouverne et rend la justice selon les normes établies
par Dieu. Le psaume cinquante huit,
en revanche, condamne sans ambiguité les mauvais dirigeants, ceux qui
pervertissent la justice pour des motifs malhonnêtes.
L’auteur de ce psaume appelle même des malédictions terribles sur
cette classe d’hommes corrompus. Concluons
cette émission par la lecture de ce psaume: “Vraiment, est-ce en vous
taisant que vous rendez la justice? Jugez-vous
les hommes en toute droiture? Non,
vous commettez sciemment l’injustice! Vous
propagez sur la terre la violence de vos mains.
Dès le ventre de leur mère, les méchants s’égarent, depuis leur
naissance ils profèrent des mensonges. Ils
sont venimeux comme des serpents, ils se bouchent les oreilles comme la vipère
sourde qui ne veut pas écouter la voix des charmeurs et de l’enchanteur
expert dans son art. O Dieu,
brise-leur les dents dans la bouche: Eternel, arrache les crocs de ces lions!
Que ces gens-là disparaissent comme les eaux qui s’écoulent!
Rends leurs flèches sans effet quand ils tirent de leur arc.
Qu’ils périssent en bavant comme la limace!
Comme les enfants morts-nés, qu’ils ne voient pas le soleil!
Et avant que leurs épines ne deviennent des buissons, pendant qu’ils
sont encore verts qu’un tourbillon les emporte!
Pour le juste, quelle joie de voir les méchants punis.
Dans leur sang, il se lavera les pieds.
Et les hommes pourront dire: Oui, ceux qui sont justes trouvent une récompense.
Il y a un Dieu qui exerce la justice sur la terre.”