VOS QUESTIONS, NOS REPONSES (15)

Amis auditeurs, certains de vous me posent la question suivante: Est-il bibliquement permis à un chrétien d'aller en guerre, de prendre les armes pour tuer des personnes créées a l'image de Dieu (quoiqu’ils soient ennemis) ceci  pour defendre son pays ou sa religion? Voilà une question difficile à laquelle tous les chrétiens ne donneront pas nécessairement la même réponse.  Il faut tout d’abord souligner clairement, comme je le fais régulièrement au cours de toutes les émisions de Foi et Vie Réformées, que le monde dans lequel nous vivons est un monde brisé, en proie au péché et ce depuis la rupture originelle entre l’homme et Dieu.  Cette rupture a amené toutes sortes de maux, de disfonctionnements, de relations brisées.  La guerre entre les hommes n’en est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.  Il est vain et irréaliste de réfléchir sur les problèmes de l’humanité comme si cet état de Chute n’existait pas.  Aucune oeuvre humaine, aussi remarquable soit elle, ne peut prétendre à la perfection, ou à éliminer totalement les conséquences de la Chute.  Seul le sacrifice parfait offert sur la Croix de Golgotha par Jésus-Christ a accompli la justice divine requise par Dieu pour l’humanité.  Or cette oeuvre n’a été possible que parce que Jésus-Christ est à la fois parfaitement Dieu et parfaitement homme, ce à quoi aucun autre humain ne pourrait prétendre.  Pour revenir sur la question posée, la guerre entre les humains fait partie de cette réalité brisée après la Chute originelle.  Il ne s’agit pas de la justifier, ou de l’accepter comme une fatalité inévitable, voire comme un moyen de conquête et de domination acceptable.  Il s’agit plutôt de reconnaître que dans un monde où les guerres surviennent et surviendront, il convient de gérer ces situations extrêmement pénibles à la lumière d’une éthique chrétienne responsable devant Dieu et devant sa Parole.  Jésus-Christ, parlant à ses disciples des signes qui marqueront la fin des temps, leur a clairement dit (Matthieu 24:6-8): “Vous allez entendre parler de guerres et de bruits de guerres; gardez-vous de vous alarmer car cela doit arriver.  Mais ce ne sera pas encore la fin.  Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y a aura, par endroits, des famines et des tremblements de terre.”  Amis auditeurs, être utopiste et penser que par des moyens purement humains on peut supprimer toutes les guerres reviendrait à faire preuve d’une grande naïveté.  Comme si les hommes pouvaient vivre en paix les uns avec les autres par eux-mêmes, sans une conversion et une transformation radicale que seul le Saint Esprit de Dieu peut opérer en eux… Considérons simplement l’histoire de la Société des Nations fondée après la Première Guerre Mondiale dans ce but utopique; on parlait de cette atroce boucherie comme de la “der des der”, ou, si vous voulez, la dernière des dernières guerres.  Il aura fallu à peine vingt ans pour qu’éclate la Seconde Guerre mondiale, qui a causé la mort de vingt à vingt cinq millions d’êtres humains rien qu’en Union Soviétique.  Quant aux Nations Unies, organisation internationale créée pour remplacer l’inefficace Société des Nations au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, de quoi peuvent-elles se targuer sur ce plan?  Le concert universel des nations a-t-il été capable par lui-même de stopper les conflits qui ont éclaté un peu partout, en Corée, au Vietnam, en Afrique centrale et australe, entre les nations du Proche et du Moyen Orient, entre l’Angleterre et l’Argentine, dans le Caucase ou dans les Balkans?  Les Nations dites “Unies” peuvent-elles travailler dans les coeurs humains pour leur apprendre le respect mutuel?  Au mieux certaines pressions peuvent être exercées, une influence modératrice peut se faire sentir ici ou là, et encore, lorsque tout cela n’est pas manipulé par toutes sortes de manoeuvres diplomatiques souterraines menées pour profiter à certaines nations, le tout avec une apparence de légitimité internationale.  Mais de paix universelle, il en est de moins en moins question: une menace disparaît et une autre survient. Un conflit s’éteint, et un autre s’allume.  Qu’y a-t-il de neuf sous le soleil, comme disait l’Ecclésiaste il y a quelque deux mille cinq cents ans, lui qui de son temps observait aussi les aléas de la politique internationale…

 

Alors dans cet état de choses, quelle est la responsabilité du chrétien face à la guerre?  Est-ce l’objection de conscience, comme ont soutenu dès le début de l’ère chrétienne beaucoup de croyants, s’attirant la méfiance voire l’hostilité ouverte des autorités de l’empire romain?  Ou bien y a-t-il des guerres justes, auxquelles il est permis de participer pour éviter une destruction totale amenée par un ennemi impitoyable?  L’exemple traditionnel avancé pour soutenir ce point de vue est celui du régime nazi en Allemagne durant le vingtième siècle, et de la nécessaire opposition qu’ont manifestée des nations telles que l’Angleterre et les Etats-Unis.  D’après le chapitre 13 de la lettre de Paul aux Romains, les autorités publiques ont reçu de Dieu l’épée, ou, si vous préférez, toute arme appropriée, pour  punir ceux qui font le mal et montrer la vengeance de Dieu à celui qui pratique le mal.  Pour la protection des sujets de l’Etat ce mandat doit aussi être exercé à l’égard d’envahisseurs étrangers ou d’éléments internes cherchant à provoquer la destruction et l’écroulement de l’Etat.  Je n’entre pas ici dans tous les cas particuliers qui peuvent se poser et doivent être évalués chacun selon son mérite, mais j’énonce simplement le principe général.  Si le gouvernement d’un Etat n’est pas en mesure de défendre ses ressortissants contre une menace extérieure, il n’exerce tout simplement pas son mandat.  Si un pays a signé un traité de coopération militaire et de défense réciproque contre un ennemi commun, il a contracté des obligations qu’il est tenu de remplir.  Il faut néanmoins se poser quelques questions cruciales pour évaluer si une guerre peut être justifiée ou non.  Ces questions, et la réponse qu’on y donnera, établiront des critères qu’il est nécessaire de prendre en compte: le gouvernement du  pays en question est-il légitime ou non?  La cause qu’il prétend défendre est-elle légitime ou non?  Le but qu’il cherche à atteindre est-il légitime ou non?  En particulier, la guerre envisagée est-elle entreprise pour assurer après coup une paix durable, ou pour mener à une escalade d’autres conflits?  Les coûts et bénéfices envisagés dans une telle action ont-ils été mesurés et pris en compte?  Les moyens envisagés pour la défense sont-ils proportionnés à l’offense ou bien sont-ils disproportionnés, entraînant non pas une guerre défensive, mais en fin de compte une conquête militaire impérialiste?  Etablit-on une distinction entre civils et militaires dans les actions militaires entreprises, ou vise-t-on la destruction de l’ensemble de la population pour mettre son ennemi à genoux?  Cherche-t-on ou non à s’emparer des richesses économiques du pays avec lequel on entre en guerre pour en financer le coût par un pillage systématique? Toutes ces questions et sans doute plusieurs autres du même type, fournissent un point d’appui pour répondre à la question de mes auditeurs.  Ce qui est néanmoins clair d’emblée, c’est que l’entrée en guerre ou la prise des armes n’est pas une action individuelle, pas non plus d’une faction quelconque, mais d’un Etat légitimement établi, un Etat de droit et non de fait.  La question qu’il faut ensuite se poser concerne la participation des personnes individuelles à une telle guerre:  si le gouvernement d’un Etat le commande, faut-il prendre les armes?  Peut-on être en désaccord avec les motifs invoqués par ce gouvernement, en étant convaincu que la guerre entreprise est illégitime?  Peut-on alors décider de refuser de prendre les armes à l’appel du gouvernement, afin d’être en paix dans sa conscience vis-à-vis de Dieu?  Peut-on même être être opposé à toute forme de prise d’armes par motif de conscience chrétienne?  En ce qui me concerne, je suis convaincu que la réponse à ce problème de conscience consiste en partie en une armée de métier: sauf cas exceptionnel, quand l’ennemi menace de détruire intégralement les personnes et les biens sans faire de distinction entre civils et militaires, sans montrer aucun respect pour les conventions de guerre acceptées internationalement, les gouvernements ne devraient pas imposer aux civils de prendre les armes, mais devraient former et entretenir une armée de métier efficace, obéissante et disciplinée.  Le problème de conscience pour les soldats d’une telle armée ne consiste alors plus dans le refus d’une prise des armes, car le métier de soldat implique nécessairement de prendre les armes dans certains cas.  Le problème de conscience se trouve limité à la légitimité de la guerre entreprise.  En d’autres termes, l’armée de métier, ses généraux, sont-ils d’accord avec l’entrée en guerre?  Bien sûr, une armée au service de l’Etat est une armée qui obéit aux autorités publiques légitimes.  Si elle ne le fait pas, elle accomplit un coup d’Etat, se plaçant elle-même en situation illégitime, et créant un précédent suceptible d’être répété à son égard.  C’est un cercle vicieux dont on voit les effets destructeurs dans bien des pays.  Cela ne veut cependant pas dire que l’armée n’ait pas son mot à dire dans la décision de déclarer la guerre ou non.  Mais elle doit alors le faire dans le cadre de sa propre légitimité, de ses prérogatives reconnues, et non en cherchant à renverser les autorités publiques établies. 

Voilà, amis auditeurs, quelques éléments de réponse à la question qui m’était posée.  Sans prétendre avoir dit le dernier mot, ces réflexions voudraient vous encourager à poursuivre par vous-même une réflexion sur ce sujet d’actualité, en prenant comme point de départ la Révélation divine qui s’adresse aux hommes dans leur condition de pécheurs et non en leur proposant une utopie quelconque: les croyants doivent refléter et vivre au quotidien le Royaume de Dieu, tout en sachant qu’ils n’ont pas le pouvoir d’établir ici et maintenant ce Royaume dans sa forme finale.