L’EXIL ET LE ROYAUME (2)

Nous continuons aujourd’hui notre méditation sur le chapitre trois de la Genèse, plus particulièrement sur les versets 21 à 24, que je vous propose de relire ensemble: “L’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, dont il les revêtit. L’Éternel Dieu dit: Maintenant que l’homme est devenu comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du mal, évitons qu’il tende la main pour prendre aussi de l’arbre de vie, en manger et vivre éternellement. L’Éternel Dieu le renvoya du jardin d’Éden, pour qu’il cultive le sol d’où il avait été tiré. Après avoir chassé l’homme, il mit à demeure à l’est du jardin d’Éden, les chérubins et la flamme de l’épée qui tournoie pour garder le chemin de l’arbre de vie.”

Nous avons vu ensemble que la Bible décrit la condition fondamentale de l’homme, immédiatement après la Chute, en termes d’exil. L’homme, cet exilé du jardin d’Éden, aspire à recouvrer la patrie originelle. Mais voilà que dans son aveuglement, il produit à répétition des caricatures d’Éden, des déformations grotesques du jardin parfait où il habitait originellement. Notre siècle a vu les soi-disant paradis des Édens fabriqués de main d’homme: les paradis de pays libérés d’éléments soi-disant “impurs”, ceux-ci envoyés dans des camps de concentration pour être éliminés; nous avons vu l’univers carcéral du monde communiste, qui ne pouvait tolérer aucune déviation à sa doctrine. Car cette doctrine était censée apporter le bonheur parfait aux masses. Au nom d’un monde nouveau et d’une humanité régénérée, les Khmers Rouges ont massacré deux millions de Cambodgiens dans leur propre pays, il y a vingt ans de cela. Ailleurs, nous sommes les témoins d’une ruée vers la prospérité matérielle, quelles qu’en soient les conséquences pour nous-mêmes et notre environnement –lequel demeure toujours la Création de Dieu-. Dans leurs efforts pour atteindre le paradis, des hommes et des femmes se détruisent en s’adonnant à la pornographie ou en consommant des drogues. Ne parle-t-on pas des “paradis artificiels” en français?

Mais il n’est guère besoin de visiter notre siècle pour trouver de telles tentatives pour retrouver la patrie parfaite. Le chapitre onze du Livre de la Genèse nous dit comment les hommes ont essayé de se bâtir une ville, avec une tour qui atteindrait les cieux. Ils voulaient “se faire un nom, afin de ne pas être disséminés à la surface de toute la terre”, comme le rapporte le verset 4 du chapitre 11 de la Genèse. Sans aucun doute, ils cherchaient à éviter de se sentir des exilés sur terre. Mais que signifie “une tour dont le sommet touche au ciel” si ce n’est, une fois de plus, essayer d’être comme Dieu? Le livre de la Genèse nous rapporte que “l’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes.” Ils voulaient atteindre le ciel, mais, ironiquement, voici que Dieu dut “descendre” du ciel pour voir cette tour que les hommes voulaient si imposante… Ce n’est pas que la race humaine n’ait pas la capacité de travailler, de produire ou d’ériger des constructions massives. Au contraire, elle possède cette faculté de construire, d’ériger, et elle a été appelée à exercer cette faculté. Le verset 23 du troisième chapitre de la Genèse nous apprend que l’Éternel Dieu bannit l’homme du jardin d’Éden afin qu’il cultive le sol d’où il avait été tiré. Nous avons donc retenu cette capacité de travailler et de produire, et le Seigneur Dieu est Celui qui ordonne à l’homme d’agir ainsi. Le verset que nous venons de lire rappelle la similarité qui existe entre le sol d’où l’homme a été tiré, et le sol qu’il est appelé à cultiver. Il n’est pas étonnant que nous soyons rempli du sentiment d’avoir été faits pour être adaptés à ce sol: c’est notre planète, notre demeure, le sol même dont nous provenons. Mais lorsque notre travail sur ce sol répète la folle tentative de la tour de Babel, nous sommes voués à nous sentir de plus en plus exilés, au moment même où nous pensons avoir reconstruit le jardin d’Éden… Et après chaque échec pour construire une nouvelle Babel, les hommes s’attachent à un nouveau projet pour “atteindre les cieux”. Peut-être ces tentatives sont ce que nous appelons “l’histoire”. Amis auditeurs, ne cherchez pas ailleurs la motivation derrière nos efforts modernes pour rendre notre vie plus facile par toutes sortes de gadgets technologiques; rechercher le paradis, rechercher à atteindre les cieux, voilà la motivation qui sous-tend la plupart de ces tentatives, et non pas la recherche du Royaume de Dieu et de sa justice, comme l’a enseigné Jésus-Christ (Matthieu 6:33). Telle est donc notre condition sur cette terre: non seulement chassés d’Éden, mais aussi désillusionnés par tous les paradis artificiels inventés par les hommes, et aliénés d’un monde qui ne porte plus les marques de notre véritable patrie.

Et maintenant, il nous faut reconnaître que nous sommes des étrangers dans ce monde si nous voulons saisir les promesses de Dieu pour une véritable restauration. Avant vous et moi, des légions de croyants ont reconnu qu’ils étaient étrangers à ce monde possédé par un esprit de rébellion et d’autonomie, ce même esprit qui mena Adam et Eve à pécher contre Dieu. La première lettre de Pierre est adressée “aux élus qui sont étrangers dans la dispersion: au Pont, en Galatie, en Cappadoce, en Asie et en Bythinie.” Ces élus de Dieu avaient été dispersés partout, géographiquement parlant. Ils étaient des exilés dans le sens le plus direct du terme. Mais plus encore, l’apôtre leur enseignait qu’ils devraient être étrangers dans ce monde de péché et de rébellion contre Dieu. De là son exhortation au chapitre 2 verset 11: “Bien-aimés, je vous exhorte, en tant qu’étrangers et voyageurs, à vous abstenir des désirs charnels qui font la guerre à l’âme.” La lettre aux Hébreux (chapitre 11, versets 13 à 16) exprime la même idée. Après avoir donné de nombreux exemples de véritables croyants, l’auteur écrit: “C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises, mais il les ont vues et saluées de loin, en confessant qu’ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre. Ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu’ils cherchent une patrie. Et s’ils avaient eu la nostalgie de celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu l’occasion d’y retourner. Mais en réalité ils aspirent à une patrie meilleure, c’est-à-dire céleste. C’est pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu; car il leur a préparé une cité.” Nous aussi, amis auditeurs, nous devrions aspirer à une patrie meilleure, une patrie céleste. Même si nous avons été tirés de ce sol, et appelés à le cultiver, si nous commençons à nous sentir trop à l’aise ici-bas, il est bien possible que nous ne soyons pas vraiment intéressés par les promesses de Dieu. Celles-ci comprennent bien plus qu’une amélioration temporaire de notre situation présente. Elles comprennent une restauration totale de notre identité initiale, au moyen d’une rédemption. Une rédemption qui recouvrira l’intégralité de la Création. C’est là que réside notre vraie citoyenneté, dans cette nouvelle Création. Notre demeure y est préparée. Christ est venu révéler les promesses de Dieu à cet égard. C’est pourquoi, bien que nous soyons toujours des exilés du jardin d’Éden et des étrangers dans ce monde présent, nous savons déjà que nous avons une citoyenneté parfaite dans la Nouvelle Jérusalem. Nous ne le savons pas vaguement seulement. Bien plutôt, nous sommes habités par la conviction ferme et inébranlable que l’Esprit de Dieu Lui-Même a mise dans nos coeurs. En Jésus-Christ, la nature du Royaume de Dieu nous a été pleinement révélée. Lorsque nous nous mettons à rechercher ce Royaume et sa justice, nous manifestons déjà publiquement que nous sommes des citoyens de ce Royaume. Et l’une des choses que les citoyens du Royaume de Dieu possèdent, c’est la vie éternelle. Oui, la vie éternelle, ici et maintenant! C’est pourquoi, travailler et cultiver aujourd’hui le sol dont nous avons été tirés, peut prendre une dimension toute nouvelle: la vision du Royaume de Dieu devient plus forte que les épines et les chardons que ce sol produit encore. Notre travail au service du Roi de ce Royaume dont nous sommes les citoyens, n’est pas une tentative futile d’atteindre les cieux par nous-mêmes, de singer Dieu en faisant en fin de compte une caricature de nous-mêmes. Bien plutôt, ce travail devient plein de sens, selon le mandat donné par Dieu aux hommes. Or, Dieu prend au sérieux le travail de ses élus. Dans sa Grâce divine, il les récompensera aussi pour un tel travail. Lorsque Dieu bannit Adam et Eve du jardin d’Éden, Il plaça à l’est du jardin des chérubins et la flamme de l’épée qui tournoie, pour garder le chemin de l’arbre de vie. Dieu est le seul qui puisse enlever ces obstacles sur la voie de l’arbre de vie. Lorsque Jésus-Christ reviendra, les élus de Dieu pourront jouir de tous les privilèges de leur vraie citoyenneté. Ils ne seront plus refoulés loin de l’arbre de vie. Écoutons ensemble les paroles de l’apôtre Jean dans le livre de l’Apocalypse, racontant la vision qu’il eut de notre vraie patrie (chapitre 22, versets 1 à 5): “Ensuite l’ange me montra le fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, se trouve l’arbre de vie, qui produit douze récoltes et donne son fruit chaque mois. Les feuilles de l’arbre servent à la guérison des nations. Il n’y aura plus d’anathème. Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville. Ses serviteurs le serviront et verront sa face, et son nom sera sur tous les fronts. La nuit ne sera plus, et ils n’auront besoin ni de la lumière d’une lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. Et ils règneront aux siècles des siècles.”