Amis
auditeurs, parler des martyrs de la foi chrétienne, c’est parler de
l’Eglise sous la Croix, c’est-à-dire de l’Eglise qui suit Jésus-Christ
sur le chemin de sa crucifixion. Aujourd’hui
il existe de par le monde bien des chrétiens persécutés pour leur foi,
surtout en Asie, en Afrique, au Moyen et au Proche Orient
La presse internationale n’en parle pas beaucoup, car ce n’est
politiquement pas correct. On préfère passer sous silence ce qui se passe pour
ne pas se faire mal voir des uns ou des autres.
C’est une forme de mensonge, mais qu’importe!
Le Dieu Tout Puissant, lui, connaît
toutes les épreuves qui affectent et affligent ses enfants fidèles.
Il est leur consolateur, leur sauveur, leur espérance.
Il est aussi le juge des persécuteurs, qui n’échapperont pas à sa
vengeance au jour venu, à moins qu’ils ne se repentent et changent leurs
voies.
Lors
de précédentes émissions, nous avons évoqué la persécution des protestants
en France après la Révocation de
l’Edit de Nantes. Le martyre du
jeune prédicant Fulcran Rey a arrêté notre attention.
Combien l’exemple de son courage, de sa foi inébranlable parle encore
avec force aujourd’hui, témoignant de ce que l’Eglise sous la Croix est
vraiment le corps de Jésus-Christ; corps martyrisé, certes, mais corps destiné
à la résurrection et à l’incorruptibilité.
Cette foi vibrante, qui n’a pas peur de la mort, qui est prête à tout
abandonner ici-bas pour aller rejoindre le Seigneur Jésus-Christ, qui refuse
toute compromission et résiste à la tentation
du reniement, cette foi témoigne de ce que Jésus-Christ est déjà
pleinement ressuscité dans la vie du croyant, qu’il anime par son Saint
Esprit.
Mais,
si vous le voulez bien, reprenons l’histoire de ces protestants du dix-huitième
siècle en France. Un des pasteurs
du Désert, Pierre Peyrot, écrivait un de ses tout premiers sermons, rédigé
en 1733, sur le Psaume 4, verset 8: “Tu as mis plus de joie dans mon coeur
qu’ils n’en ont, lorsque leur blé et leur meilleur vin abondent.”
Voici comment Peyrot aborde le sujet dans son sermon:
“Quand les fidèles seraient encore plus souvent persécutés par
les méchants qu’ils ne le sont, cela ne renverserait pas nos preuves, car
nous n’avons pas dit que les méchants soient toujours soumis aux bons, mais
nous avons dit que, quoique les gens de bien soient quelquefois affligés, ils
sont encore plus heureux que les méchants au milieu de leurs victoires et de
leurs triomphes. Caïn persécute
Abel, il est vrai; mais en est-il pour cela plus heureux?
Au contraire, il dit lui-même que sa peine est plus grande qu’il ne
peut la porter. David, affligé,
persécuté, déclare formellement qu’il est plus heureux dans son affliction
que ceux qui le persécutent ne le sont dans leur plus grande prospérité.
‘Tu as mis, dit-il dans ce texte, plus de joie dans mon coeur, au temps
de mon affliction, que les méchants en ont au temps que leur blé et leur
meilleur vin ont été abondants.’ Saint
Etienne lapidé est plus heureux dans cet état que ceux qui le lapident.
Il possède une si grande paix, il ressent une si grande joie au milieu
de son martyre, qu’elle lui fait devenir le visage aussi resplendissant que
celui d’un ange. Saint Paul est
plus heureux dans les chaînes que le cruel Néron sur le trône.
Si, d’un côté, Dieu permet que son apôtre soit affligé, de
l’autre côté, il lui donne la force de le supporter.
Aussi l’apôtre dit qu’il se glorifiera dans les infirmités, afin
que la puissance du Christ habite en lui. ‘Je
prends plaisir, dit-il, dans les infirmités, dans les injures, dans les nécessités,
dans les persécutions et dans les angoisses pour Christ, car lorsque je suis
faible, c’est alors que je suis fort.’ Pierre
Peyrot se souvient de son maître vénéré, Pierre Durand, qui avait été exécuté
l’année précédente à Montpellier. Les
paroissiens du martyr n’avaient pas oublié sa ferme attitude devant ses juges
et sa sérénité en face de la mort. Aussi
Peyrot continue en ces termes: “Dieu n’en use pas seulement ainsi avec
saint Paul; mais il en use de la même manière envers tous ceux qu’il appelle
à souffrir pour son nom. Il leur
accorde à tous son Saint Esprit, qui leur donne la force de supporter
patiemment les maux auxquels ils sont exposés, qui fait que lorsqu’ils
paraissent faibles, c’est alors qu’ils sont forts.
C’est ainsi que Dieu en a usé, il n’y a que très peu de temps, en
la personne de notre très cher et bien aimé frère M. Durand.
Si ce digne ministre de Jésus-Christ avait été abandonné à lui-même;
si son divin maître ne l’avait pas soutenu, consolé, comment aurait-il pu résister
à tant d’attaques? Comment
aurait-il pu souffrir avec tant de patience de si rudes épreuves?
Il ne l’aurait pu, s’il n’avait été secouru par son divin maître.”
Mais,
amis auditeurs, transportons-nous maintenant à vingt ans plus tard, à l’année
1752: c’est l’année de la grande persécution, durant laquelle intendants
et commandants de troupes rivalisent de zèle pour disperser les assemblées et
surprendre les prédicants. Les réformés
sont obligés de faire rebaptiser leurs enfants par l’Eglise officielle,
celle-là même qui les persécute, sous peine de voir les soldats renouveler
chez eux les excès des dragonnades. La
fameuse tour de Constance, prison qui aura vu enfermées en son sein des femmes
protestantes pendant trente-huit ans, regorge de prisonniers, de même que les
galères du roi, tandis qu’un grand nombre de protestants traversent la frontière,
comme au lendemain de la Révocation. Ils
vont grossir les rangs des pays dits du Refuge, comme la Suisse, les Pays-Bas ou
l’Allemagne. En France, la potence
est dressée en permanence. Le 27
mars, le proposant François Bénézet scelle joyeusement, à Montpellier, le témoignage
qu’il rend à l’Evangile. Trois
mois après, c’est le tour de Roque, simple cultivateur, qui, surpris dans une
assemblée et condamné pour ce crime à la potence, meurt à Nîmes avec le même
héroïsme en adressant cette courte réponse à deux jésuites qui veulent le
convertir à la dernière minute: “Hé!
Comment pourrais-je croire votre religion bonne, pendant que je vous vois
tous les jours tremper vos mains dans le sang des chrétiens?”
Mais l’Eglise sous la Croix ne perd pas courage; elle se recueille,
elle prie, et bien loin de céder à l’orage, bien loin de se laisser effrayer
par ce redoublement de violence, elle se groupe avec plus d’amour autour de
ses conducteurs spirituels qui ouvrent leurs rangs à de nouveaux frères.
Nous sommes le 25 octobre 1752. Suivons
l’un de ces groupes qui, par chemins détournés, se rendent à l’assemblée
du Désert. Les fidèles seront
nombreux au mystérieux rendez-vous, car il s’agit d’une cérémonie qui se
déroule bien rarement: une consécration de pasteurs.
Alexandre Ranc, lui-même frère
d’un martyr, et Alexandre Vernet, tous les deux enfants du Vivarais, vont être
mis à part pour le service des Eglises persécutées.
Ils seront consacrés par leur maître et ami, Pierre Peyrot, qui est
chargé par le synode de les introduire dans la carrière.
Quand il paraît dans la chaire que l’on porte au Désert et que l’on
adosse au tronc d’un arbre, bien des prières montent pour lui vers le ciel,
car on sait que sa tête est mise à prix et que les espions sont à ses
trousses. Il lit le texte biblique
tiré de l’Evangile selon Matthieu, chapitre 10, verset 16, où Jésus dit à
ses disciples: “Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.”
Au milieu de l’attention générale, il commence en ces termes: “Oui,
mes frères, nous pouvons le dire, sans crainte de mentir, nous pouvons le déclarer
à la face du ciel et de la terre, nous sommes comme des brebis au milieu des
loups (…) Combien de voix n’y a-t-il pas qui nous tiennent ce terrible
langage? Que nous disent les
craintes où nous avons été pour célébrer cette cérémonie, les précautions
que nous avons été obligés de prendre pour nous protéger?
Que nous dit le lieu où nous sommes, dans une occasion aussi solennelle?
Quoi! Etre sans temple! Etre exposés
aux intempéries! Etre obligés de
fuir les lieux habités pour se cacher dans les bois, dans les déserts affreux!
Ces lieux sauvages ne nous crient-ils pas qu’il faut que nous nous
regardions parmi les hommes comme des brebis au milieu des loups, puisque nous
sommes obligés de les fuir avec tant de soins?
Que nous dit cette haine que tant de gens, à qui nous n’avons jamais
fait aucun mal, ont cependant contre nous? Que
nous disent ces projets, ces complots sanguinaires qu’on trame chaque jour
pour nous découvrir et pour nous perdre? Que
nous disent, non pas trente pièces d’argent, mais de grosses sommes, destinées,
promises aux Judas qui pourront nous trahir et nous livrer?
N’est-ce pas comme autant de voix qui nous crient: ‘Vous êtes comme
des brebis au milieu des loups?’ Que
nous disent ces troupes dont nous sommes environnés de tous côtés, toujours
armées, toujours prêtes à marcher contre nous, n’attendant pour cela que le
moment fatal de découvrir notre cachette? Que
nous disent ces ordonnances, ces déclarations, par lesquelles notre religion
est interdite et proscrite, et par lesquelles tous ceux qui l’ont enseignée
sont condamnés aux mêmes peines que les criminels?
Et Peyron continue, avant de s’adresser directement aux jeunes
pasteurs qu’il va consacrer: “Qu’est-ce que cela vous demande?
Un dépot sacré vous est confié, vous devez le garder.
Une couronne vous est imposée sur la tête, vous ne devez jamais
souffrir qu’on vous la retire.”
Amis
auditeurs, la prochaine fois j’évoquerai pour vous la vie des deux derniers
protestants français condamnés comme forçats aux galères royales, Antoine
Riaille et Paul Achard; ils y passèrent trente ans, de 1745 à 1775, sans
aucunement renoncer à leur foi, et ne furent libérés qu’au soir de leur
vie.