L’EVANGILE SELON JEAN (10)

Amis auditeurs, lorsqu’il s’est adressé à Nicodème qui était venu le trouver de nuit pour mieux le connaître, Jésus-Christ lui a apporté un enseignement fondamental sur la vie nouvelle que chacun doit revêtir pour accéder à l’éternité.  Jésus lui dit entre autres: “Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.  Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.  Celui qui croit en lui n’est pas jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.  Et voici le jugement: la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont aimé les ténèbres plus que la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises.  Car quiconque fait le mal a de la haine pour la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient réprouvées; mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière, afin qu’il soit manifeste que ses oeuvres sont faites en Dieu.”

Le point qu’il nous faut retenir de ce célèbre passage, amis auditeurs, c’est que le salut ne vient pas des hommes, de leurs oeuvres ou de leurs propres mérites, mais de la miséricorde divine seulement, telle qu’elle s’est manifestée dans le don de Jésus-Christ.  Ce salut est offert à tous et s’approprie par la foi seulement.  Le rejet de ce salut gratuit amène la condamnation automatique de ceux qui le méprisent.  Car la mort éternelle est la perspective naturelle et inéluctable de toute créature, c’est ce qui attend chacun de nous, à moins d’un miracle.  Ce miracle est cependant accompli par Dieu en Jésus-Christ, et par la foi, on peut s’en saisir.  Si Dieu n’avait pas aimé le monde et l’humanité qu’il a créés, il n’aurait pas envoyé son Fils unique, il n’aurait pas consenti cet énorme sacrifice.  Cet amour et la manière dont il s’est manifesté sont le signe que la Création lui appartient toujours, en dépit des apparences.  Mais le jugement qui pèse sur tous ceux qui rejettent Jésus-Christ est tout autant le signe que la Création appartient à Dieu.  Rejeter Christ ce n’est pas se placer sur un terrain neûtre ou protégé, cela a des conséquences inéluctables.  Alors que Jésus-Christ n’est pas venu sur terre pour exercer le jugement final mais pour sauver ce qui était perdu, sa venue, mesurée à l’aune de la foi ou de l’absence de foi en sa personne et son oeuvre, est bien la source d’un jugement. Il ne faut pas, comme on le fait souvent, citer le verset 16 qui nous présente le salut offert en Christ, et passer sous silence la suite du texte qui énonce le jugement pesant sur ceux qui rejettent ce salut.  L’Évangile nous déclare que c’est à bon droit que ceux qui haïssent la lumière quand elle leur est offerte, soient jetés dans les ténèbres qu’ils auront préférés à la lumière.  Rien d’injuste à cela: Car quiconque fait le mal a de la haine pour la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient réprouvées; mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière, afin qu’il soit manifeste que ses oeuvres sont faites en Dieu.”  Cette dernière phrase mérite un éclaircissement:  qui est celui qui pratique la vérité avant même de venir à la lumière?  Ses oeuvres sont-elles bonnes par elles-mêmes?  En fait nous voyons ici qu’il y a un mouvement inévitable entre des oeuvres déjà préparées en Dieu et leur accomplissement en ce même Dieu, qui les amène à leur perfection.  Tandis que les auteurs d’oeuvres mauvaises n’ont aucune chance quant à eux de parvenir à Dieu. 

La fin du chapitre trois de l’évangile selon Jean évoque de nouveau la relation entre Jésus et Jean Baptiste, qui a été si centrale au début de l’évangile.  Lisons donc ensemble les versets vingt-deux à trente-six: Après cela, Jésus se rendit en Judée avec ses disciples; il y resta quelque temps avec eux et y baptisait.  Jean, de son côté, baptisait à Enon, près de Salim: il y avait là beaucoup d’eau, et de nombreuses personnes y venaient pour être baptisées.  En effet, à cette époque Jean n’avait pas encore été jeté en prison.  Or, un jour, quelques uns de ses disciples eurent une discussion avec un Juif au sujet de la purification.  Ils allèrent trouver Jean et lui dirent: ‘Maître, tu te souviens de cet homme qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain et pour qui tu as témoigné.  Eh bien, le voilà qui baptise à son tour, et tout le monde se rend auprès de lui.’  Jean répondit: ‘Nul ne peut s’attribuer une autre mission que celle qu’il a reçue de Dieu.  Vous en êtes vous-mêmes témoins; j’ai toujours dit: je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé comme son Précurseur.  A qui appartient la mariée?  Au marié.  Quant à l’ami du marié, c’est celui qui se tient à côté de lui et qui l’écoute: entendre sa voix le remplit de joie.  Telle est ma joie, et, à présent, elle est plus complète.  Lui doit devenir de plus en plus grand, et moi de plus en plus petit. Qui vient du ciel est au-dessus de tout.  Qui est de la terre reste lié à la terre et parle des choses terrestres.  Celui qui vient du ciel est au-dessus de tout.  Il témoigne de ce qu’il a lui-même vu et entendu.  Mais personne ne prend son témoignage au sérieux.  Celui qui accepte son témoignage certifie que Dieu dit la vérité.  En effet, l’envoyé de Dieu dit les paroles mêmes de Dieu, car Dieu lui donne son Esprit sans aucune restriction.  Le Père aime le Fils et lui a donné pleins pouvoirs sur toutes choses.  Qui place sa confiance dans le Fils possède la vie éternelle.  Qui ne met pas sa confiance dans le Fils ne connaît pas la vie, il reste sous le coup de la colère de Dieu.”

Dans la suite du texte de l’évangile, amis auditeurs, nous lirons que ce n’était pas Jésus à proprement parler qui baptisait, mais ses disciples qui le faisaient, naturellement sous son autorité.  Quoiqu’il en soit, voici qu’une controverse surgit entre les disciples de Jean et un certain Juif au sujet de la purification.  Les détails et les arguments de cette controverse ne nous sont pas rapportés, mais on peut bien penser que la personne avec qui les disciples de Jean ont eu cette dispute sur la doctrine leur a fait valoir que Jésus lui aussi baptisait, ou faisait baptiser par ses disciples. Peut-être aussi que les disciples de Jésus avaient une manière différente d’expliquer la signification du signe du baptême.  Ce qui semble heurter les disciples de Jean-Baptiste, c’est  que leur maître n’a plus l’exclusivité de conférer le baptême et que Jésus lui porte de l’ombre.  Ils sont jaloux pour Jean en quelque sorte.  Pour eux, Jésus est inférieur à Jean puisqu’il est venu se faire baptiser par lui.  Ont-ils bien compris  la portée des paroles prononcées par Jean-Baptiste à l’égard de Jésus?  On peut en douter, même s’ils se souviennent bien que Jean lui a rendu témoignage. Il ne sert à rien d’avoir du zèle pour un homme, aussi spécial ou aussi inspiré soit-il, si on ne comprend pas le plan de Dieu, qui surpasse la qualité et la position de n’importe quel être humain, fût-il Jean-Baptiste.   Il faut donc que celui-ci leur explique à nouveau la nature de sa mission, qui est celle de préparer la venue du Messie et non de se prendre pour lui.  Jean leur répond: ‘Nul ne peut s’attribuer une autre mission que celle qu’il a reçue de Dieu.  Vous en êtes vous-mêmes témoins; j’ai toujours dit: je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé comme son Précurseur.”  Jean déclare à ses disciples qu’il serait arrogant de sa part d’outrepasser les bornes de la mission qu’il a reçue de Dieu.  Leur zèle à son égard est en fait mal placé.  La comparaison qu’utilise Jean, celle de l’époux, de l’épouse et de l’ami de l’époux vient confirmer ceci.  On ne peut confondre l’époux et l’ami de l’époux.  Jean-Baptiste fait partie du peuple de Dieu, de l’Église.  Il se réjouit de ce que le peuple de Dieu reçoive enfin le Messie tant attendu et lui laisse volontiers la place, après avoir été momentanément élevé en rang et en honneur.  Son exemple est valable pour tous les pasteurs ou conducteurs du peuple de Dieu à toute époque: même s’ils ont de grandes qualités, ils n’ont pas à s’imposer à l’Église au détriment de Jésus-Christ, mais doivent constamment mener le troupeau qui leur a été confié vers le grand berger, en exposant fidèlement sa Parole.  Car c’est par elle seulement que Christ gouverne son Eglise.  On retrouve l’image de l’époux et de l’épouse sous la plume de l’apôtre Paul, au début du chapitre onze de la seconde lettre aux chrétiens de Corinthe: “J’ai pour vous, leur écrit-il, un amour qui ne tolère aucun rival et qui vient de Dieu lui-même. Je vous ai, en effet, fiancés à un seul époux pour vous présenter au Christ comme une jeune fille pure.”  Afin d’accentuer davantage encore devant ses disciples la différence qui existe entre lui et Jésus, Jean-Baptiste use d’une autre comparaison: lui vient d’en bas, il est terrestre, tandis que Jésus vient d’en haut, il est céleste.  Cela ne veut pas dire que ce que Jean enseigne n’a pas de valeur, car son enseignement lui est inspiré par Dieu, mais quand il s’agit de se comparer à Jésus-Christ, il reconnaît la nature divine de ce dernier.

Amis auditeurs, avant d’aborder la prochaine fois le chapitre quatre de l’évangile selon Jean, je reviendrai sur les dernières paroles de Jean-Baptiste avec lesquelles se conclut le troisième chapitre: elles nous enseignent en effet qu’il n’y a aucune honte à recevoir l’Évangile de Jésus-Christ, quoiqu’en pense le reste du monde, car cet Évangile est source de vie pour tous ceux qui y croient.