Dans la recherche de Dieu qui caractérise les hommes à toutes les époques, il est courant de rencontrer ce qu’on appelle le panthéisme. On trouve ce courant de pensée religieuse aussi bien dans des religions orientales telles que l’Hindouisme, que dans la pensée occidentale, avec toutes sortes de tentatives pour combiner ou réconcilier les deux dans une synthèse fructueuse. Dieu, soutient-on, n’est pas le Dieu révélé sur les pages de la Bible, il n’est pas celui qui préexiste de toute éternité au cosmos, qu’il a créé à partir de rien, par sa Parole toute puissante, il n’est pas, dans son être, totalement différent de l’univers, le gouvernant de manière continue depuis une sphère totalement séparée, qu’en langage chrétien on appelle les cieux; il ne se révèle pas non plus aux hommes de manière spéciale au cours de leur histoire. Au contraire il habite dans la nature même, il lui est totalement conjoint. Dieu, dit-on, est la force qui anime la nature dans toutes ses parties, il se confond avec elle. Comme l’indiquent les racines grecques du mot panthéisme, tout est Dieu, rien n’existe en dehors de lui. Idée séduisante et assez naturelle, si l’on peut dire, car on pense être facilement à même d’établir le contact avec Dieu puisqu’il est si proche: il est ici, tout près, dans les éléments mêmes de la nature. Les êtres humains eux-mêmes sont alors constitutifs de ce Dieu immanent à la nature: chacun d’eux est envisagé comme une partie de la divinité, et devrait être respecté à cause de cela. Retrouvons le sens de notre propre divinité, et tout ira bien, pense-t-on. Apprenons à vivre en harmonie avec la nature, respectons-là, et la divinité sera servie comme elle se doit, permettant à la vie de continuer sur terre, et à l’existence dans le cosmos. Nous accepterons même la mort comme partie inhérente et nécessaire de ce processus divin à l’oeuvre dans la nature, nous nous soumettrons à ses lois pour le bien de la survie de l’univers. Point n’est besoin d’aller chercher dans un au-delà hypothétique et spéculatif ce qui est à portée de la main…
Mais arrêtons-nous un instant sur ce refus d’une révélation
divine spéciale faite aux humains, point de vue commun aux agnostiques et aux
panthéistes: que le Dieu éternel
et transcendant se soit abaissé, qu’il se soit accommodé à la capacité
humaine, qu’il ait révélé suffisamment sur lui-même et sur l’état de la
condition humaine au travers des écrits rassemblés au cours des siècles dans
ce livre unique qu’est la Bible, demeure certes un mystère: on peut
l’accepter par la foi, et par là comprendre le sens et l’extraordinaire
unité du message salvateur que porte la Bible, ou bien rester sceptique et déclarer,
comme le fait la majorité des hommes, qu’une telle révélation est tout
simplement impossible, inimaginable. Dieu
ne pourrait jamais faire une telle chose, à cause même de sa Transcendance,
son élévation au-dessus de toutes choses, au-dessusde l’univers même.
C’est donc le point de vue agnostique.
Notons cependant avec ironie que ce point de vue - l’affirmation qui déclare
Dieu inconnaissable - prétend tout de même connaître quelque chose sur Dieu
avec certitude: Dieu n’est pas capable de se révéler, ou en tous cas il ne
l’a jamais fait. Le point de vue
agnostique, point de vue humain, établit donc arbitrairement des limitations à
Dieu. En cela il cherche à se
placer au-dessus de Dieu… Et
l’on peut conclure avec assurance qu’un tel point de vue ne parviendra bien
évidemment jamais à connaître quoi que ce soit de Dieu, ayant commencé par
vouloir usurper sa place!
En ce qui concerne le panthéisme, de nombreux écrivains ou penseurs au cours des siècles s’en sont faits les avocats d’une manière ou d’une autre (car il existe plusieurs variantes de cette croyance), tels l’allemand Goethe ou le russe Tolstoï au dix-neuvième siècle. Le plus grand physicien du vingtième siècle, Albert Einstein, parlait volontiers de Dieu en termes panthéistes: pour lui l’harmonie universelle qui devait être formulée en des théories satisfaisantes aussi bien pour l’intellect humain que pour son sens esthétique, témoignait d’un dieu immanent au cosmos, d’une force ou d’un esprit parfait à l’oeuvre dans toutes les parties de l’univers, ne se contredisant jamais dans ses manifestations. En tant que physicien, Einstein cherchait à retrouver cet ordre parfait, quitte à remettre en question les théories de ses prédécesseurs les mieux acceptées, comme celles du temps ou de l’espace absolu avancées par Newton, ou encore celle de l’éther inamovible constituant l’espace interstellaire. On peut du reste très bien accepter les théories physiques d’Einstein et admirer son génie scientifique exceptionnel, sans pour autant verser dans la croyance au panthéisme.
Car il n’est pas difficile de voir que le panthéisme se rapproche singulièrement du paganisme, quand il ne se confond pas avec lui. Quelle est en effet le dénominateur commun de toutes les formes de paganisme: c’est la confusion entre la créature et le Créateur. Les deux sont indissociables. Cela aboutit nécessairement à l’adoration de la créature, sous forme symbolisée ou autre: statue de bois ou d’or, représentation quelconque. Si, par exemple, l’on cherche à dompter et maîtriser les forces de la mer, on se forge une image qui revêt – symboliquement ou figurativement – les caractéristiques de la mer. Dans l’Ancien Testament, les Philistins habitaient sur la côte de la mer Méditerranée. Leur dieu Dagon avait une face humaine, mais un tronc de poisson, symbolisant toutes les forces naturelles à l’oeuvre dans les flots puissants. Dans l’Antiquité païenne, pour s’approprier les vertus de la fertilité sans laquelle la vie ne peut bien évidemment se renouveler, on adorait entre autres le dieu Baal sous forme de taureau, on l’on s’adonnait à des rites de fertilité fondées sur la promiscuité sexuelle dans des temples consacrés à cet effet. Dans certaines cultures, toutes les jeunes femmes avaient l’obligation de se prostituer dans de tels temples à des saisons données. Puisqu’on observait cultuellement le cycle des saisons, et l’arrivée de nouvelles formes de vie au printemps après la mort, on pouvait aller jusqu’à sacrifier des êtres humains pour appeler le renouvellement de la vie.
Tout
cela ne saurait être plus éloigné de l’enseignement biblique.
Il convient cependant de réféchir plus avant sur la question du panthéisme.
Tous ses adeptes ne vont certes
pas jusqu’à adorer des statuettes de métal ou de bois, ou à s’adonner à
la prostitution sacrée. Bien sûr
ni Goethe, ni Tolstoï ni Einstein ne sont tombés dans ces formes de paganisme.
Mais il nous faut nous demander quel sorte de dieu les panthéistes
invoquent. S’il est la sagesse et
la force suprême commandant le cours du cosmos à partir de ce cosmos même,
s’il se confond ou est imbriqué en tant que substance avec chaque atome de
l’univers, il connaît à chaque instant un nombre infini de morts ou de
transformations avec la matière dont il fait partie.
Il ne peut non plus échapper à la loi physique universelle d’entropie
selon laquelle toute quantité d’énergie utilisable dans un système clos décroît
progressivement. Car s’il est
lui-même la somme totale de l’énergie cosmique utilisable, alors il ne peut
que décroître. Il n’est donc ni invariable, ni
inchangeable dans son essence. Arracher
une feuille d’un arbre, cueillir une fleur, tuer un moustique c’est nécessairement
porter gravement atteinte à son être même.
En outre, être panthéiste implique nécessairement croire que le monde
n’a pas eu de commencement, pas même ce qu’on appelle le Big-Bang, car dans
un tel cas le dieu panthéiste aurait lui aussi connu un commencement.
Or ceci contredit les données de la physique contemporaine qui, d’une
manière ou d’une autre, ne peut échapper à la constatation qu’il y a bien
eu un commencement de l’univers, quelle que soit l’explication qu’on tâche
d’en donner. Un autre aspect propre au panthéisme est le fait que son dieu
n’a pas de personnalité. Il représente l’unité de l’univers dans sa
simplicité absolue. Tout ce qui est
personnalité, intellect, conscience n’est qu’une émanation secondaire
beaucoup moins élevée de la divinité. D’ailleurs,
dans certaines formes de panthéisme, il n’y a pas d’autre être que Dieu,
la réalité en tant que telle n’existe pas: tout est Dieu, vous et moi en
faites partie, donc vous et moi ne pouvez avoir de personnalité propre. Car si
Dieu n’a pas de personnalité, et si nous ne sommes de toutes manières pas créés
à son image, nous ne pouvons bien évidemment pas refléter cette caractéristique
de son être. Le panthéisme cherche à expliquer la totalité de la réalité
en termes de Dieu, et voit en celui-ci un être qui n’est pas détaché de
l’univers. Le Christianisme aussi
d’ailleurs. Mais pour ce dernier
l’engagement de Dieu dans sa Création n’exige nullement, en fait il exclut
une confusion entre le Créateur et l’ordre créé.
A tout instant Dieu est à l’oeuvre avec chaque élément de
l’univers par sa Providence, par sa Parole puissante qui soutient toute chose,
par son Esprit qui insuffle la vie à chaque créature.
Et s’il y a une identification parfaite entre Dieu et les hommes, elle
intervient avec le fait historique de l’Incarnation de son Fils Jésus-Christ:
il est descendu des sphères célestes et est venu vivre parmi eux, non
d’ailleurs pour que Dieu abandonne ses prérogatives divines au profit des
hommes, mais afin de ramener les hommes à lui et les restaurer dans une
communion avec lui, communion brisée par un acte de révolte.
“Emmanuel, Dieu avec nous” voilà le seul antidote au panthéisme, au
dieu impersonnel dont vous et moi ferions partie, amis auditeurs!
Christ en tant que personne, venant nous révéler parfaitement Dieu et
nous permettant de jouir d’une communion parfaite avec lui, en tant que créatures
renouvelées vivant désormais pour sa gloire.