LES SEPT PAROLES DU CHRIST SUR LA CROIX (1)

Amis auditeurs, lors de sa crucifixion, rapportée par les quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean, Jésus a prononcé sept paroles, sur lesquelles je voudrais méditer avec vous à la lumière de commentaires ou d’homélies écrits par quelques grands docteurs de l’Eglise du passé, à partir du cinquième siècle de l’ère chrétienne.  Luc rapporte ceci au chapitre vingt-trois:  Avec Jésus, on emmena aussi deux autres hommes, des bandits qui devaient être exécutés en même temps que lui. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé “le Crâne”, on cloua Jésus sur la croix, ainsi que les deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.  Jésus pria: “Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.”  Voici ce qu’écrit à ce propos le réformateur allemand Martin Luther, qui vivait au seizième siècle: “C’est une courte parole, mais pleine de consolation.  Notre consolation gît en ceci que notre Grand Prêtre a prié pour nous tous, c’est-à-dire pour tous ceux qui l’ont crucifié.  Pas seulement les Juifs et les païens, mais nous tous et le monde entier.  Car ce sont nos péchés qui l’ont crucifié, blessé et couronné d’une couronne d’épines.  Lorsque Christ prie pour ceux qui le crucifient, il prie pour tous les hommes, pour nous aussi qui par nos péchés sommes la cause directe de sa croix et de sa mort.  Cependant, il ne prie pas pour notre condamnation, mais pour notre salut.”

Poursuivons la lecture de l’évangile selon Luc: “Les soldats se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort.  La foule se tenait tout autour et regardait.  Quant aux chefs du peuple, ils ricanaient en disant: ‘Lui qui a sauvé les autres, qu’il se sauve donc lui-même, s’il est le Messie, l’élu de Dieu!’  Les soldats aussi se moquaient de lui.  Ils s’approchaient et lui présentaient du vinaigre en lui disant: ‘Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même!’ Au-dessus de sa tête il y avait un écriteau portant ces mots: ‘Celui-ci est le roi des Juifs’.  L’un des deux criminels attaché à une croix l’insultait en disant: ‘N’es-tu pas le messie?  Alors sauve-toi toi-même, et nous avec!’  Mais l’autre lui fit des reproches en disant: “Tu n’as donc aucun respect de Dieu, toi, et pourtant tu subis la même peine?  Pour nous, ce n’est que justice; nous payons pour ce que nous avons fait; mais celui-là n’a rien fait de mal.  Puis il ajouta: Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras régner.  Et Jésus lui répondit: Vraiment, je te l’assure: aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis.”  Le réformateur Jean Calvin, contemporain de Luther, écrit ce qui suit sur cette parole: “Bien que Christ n’ait pas encore clairement triomphé de la mort, il déploie néanmoins la puissance et le fruit de sa mort au milieu de son anéantissement.  Il a montré par là qu’il n’a jamais été privé de la puissance de sa royauté: en effet il n’y a rien de plus élevé ou de plus magnifique pour le roi céleste, que de rendre la vie aux morts.  Donc, même si Christ, étant frappé par la main de Dieu, semblait en apparence être un homme complètement accablé, cependant, parce qu’il était toujours le Sauveur du monde, il est resté doué d’une puissance céleste pour accomplir son office.  Il faut premièrement noter sa bonté et son empressement incroyable à recevoir sans délai et si humainement ce brigand; il lui promet de le faire participant de la vie bienheureuse avec lui.  C’est pourquoi il n’y a pas de doute qu’il ne soit prêt à recevoir sans exception tous ceux qui auront recours à lui.  On peut en conclure fermement que nous serons sauvés, pourvu qu’il se souvienne de nous.  Or il ne pourrait jamais oublier ceux qui lui confieront leur salut.  Si le brigand a trouvé si facile d’être transféré au ciel, alors que de tous côtés il ne voyait que des raisons d’être totalement  désespéré, c’est parce qu’il s’est appuyé sur la grâce du Christ.  A plus forte raison, Christ étant aujourd’hui victorieux de la mort, nous tendra la main depuis son trône élevé, pour nous recevoir et nous faire participant de sa vie.  Car ce serait une chose absurde si le passage de la mort à la vie nous était plus difficile qu’il n’a été au brigand, après que Christ ait fait disparaître sur la croix notre acte de condamnation, après qu’il ait détruit la mort et Satan, après qu’il ait triomphé du prince de ce monde par sa résurrection.  Donc quiconque en mourant avec une vraie foi  confiera son âme à la garde du Christ, n’aura pas à languir et être en suspens pendant longtemps; Christ viendra au-devant de lui avec la même bonté qu’il s’est approché du brigand, et il lui accordera son souhait.”

Dans l’évangile selon Jean au chapitre dix-neuf, nous lisons ceci: “Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.  En voyant sa mère et, à côté d’elle, le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère: Voici ton fils.  Puis il dit au disciple: voici ta mère.  A partir de ce moment-là, le disciple la prit chez lui.”  Augustin, le grand docteur et père de l’Eglise du cinquième siècle qui vivait en Afrique du nord, rappelle l’épisode des noces de Cana , au début du ministère de Jésus, lorque sa mère, voyant que le vin manquait, avait fait signe à son fils pour qu’il intervienne.  Celui-ci lui avait répondu, assez brusquement: Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi?  Mon heure n’est pas encore venue.  Dans son homélie, Augustin écrit ceci: “Il avait donc alors prédit cette heure qui n’était pas encore venue, lorsqu’il serait temps de la reconnaître comme mère au moment de mourir, en montrant qu’il était né comme un homme mortel.  Au moment des noces de Cana, alors qu’il était sur le point d’accomplir un acte divin, il l’a écartée comme quelqu’un qui lui était inconnu, elle, la mère non de sa divinité, mais de sa faible humanité.  Maintenant, au milieu de souffrances humaines, il reconnaît comme mère celle par laquelle il est devenu un être humain.  Auparavant, il avait montré sa toute-puissance, lui par qui Marie elle-même avait été créée; mais maintenant, voici crucifié celui à qui Marie avait donné naissance.” 

L’évangile selon Matthieu rapporte le fait suivant et cette parole de Jésus-Christ au chapitre vingt-sept: “A partir de midi, et jusqu’à trois heures de l’après-midi, le pays entier fut plongé dans l’obscurité.  Vers trois heures, Jésus cria d’une voix forte: “Eli Eli lama sabachtani?  Ce qui veut dire: Mon Dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?  En entendant ces paroles, certains de ceux qui étaient là s’exclamèrent: “Il appelle Elie!”  Cette parole, amis auditeurs, est la reprise textuelle du début du psaume vingt-deux, une prière de David qui est un appel au secours  au milieu de la persécution et de la détresse.  Rappelons-nous que ce psaume a été rédigé quelque dix siècles avant Jésus-Christ.  Je vous en lis quelques versets qui évoquent prophétiquement la passion du Christ: “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?  Tu restes loin de moi, tu ne viens pas me secourir malgré toutes mes plaintes.  Mon Dieu, le jour je t’appelle, mais tu ne réponds pas, la nuit je crie, sans trouver de repos.  Pourtant, tu es le Saint qui sièges sur ton trône, au milieu des louanges d’Israël.  En toi déjà nos pères se confiaient, oui ils comptaient sur toi et tu les délivrais, lorsqu’ils criaient à toi ils étaient délivrés, lorsqu’ils comptaient sur toi ils n’étaient pas déçus.  Mais moi je suis un ver, je ne suis plus un homme.  Tout le monde m’insulte, le peuple me méprise, ceux qui me voient se rient de moi.  Tous ils ricanent. On fait la moue en secouant la tête:  Il se confie en l’Eternel?  Eh bien, que maintenant l’Eternel le délivre!  Puisqu’il trouve en lui son plaisir, qu’il le libère donc!”  En écho à ce psaume, voici ce que l’évangéliste Matthieu rapporte à propos de la crucifixion de Jésus: “Ceux qui passaient par là lançaient des insultes en secouant la tête, et criaient: ‘Hé, toi qui démolis le Temple et qui le reconstruis en trois jours, sauve-toi toi-même.  Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix!’  De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui, avec les spécialistes de la Loi et les responsables du peuple, en disant: ‘Dire qu’il a sauvé les autres, et qu’il est incapable de se sauver lui-même!  C’est donc ça, le roi d’Israël?  Qu’il descende donc de la croix, et nous croirons en lui!  Il a mis sa confiance en Dieu.  Eh bien, si Dieu trouve son plaisir en lui, qu’il le délivre!  N’a-t-il pas dit:  Je suis le Fils de Dieu?”

Jean-Chrystostome, contemporain d’Augustin et patriarche de Constantinople , écrit ceci dans une de ses homélies à propos de ce cri de Jésus “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?”  :  Il a ainsi parlé afin qu’ils puissent voir qu’il vivait encore, afin aussi qu’ils entendent que jusqu’à son dernier soupir il n’était pas un ennemi de Dieu.  C’est aussi la raison pour laquelle il a exprimé ce cri spécifique du prophète David, afin de témoigner lors de ses derniers moments de l’Ancien Testament.  Par là il a montré qu’il était en union d’esprit avec celui qui l’a engendré.”   Le catéchisme de Heidelberg, au dimanche quarante-quatre, pose la question suivante à propos de l’article de la confession de la foi qui concerne la descente aux enfers du Christ: “Pourquoi est-il ajouté: il est descendu aux enfers?” Voici la réponse du catéchisme: “Afin que dans mes plus grandes tentations, je sois bien assuré que mon Seigneur Jésus-Christ, par son angoisse inexprimable, par les tourments et les terreurs dont son âme fut saisie sur la croix et auparavant, m’a délivré de l’angoisse et des peines de l’enfer.” 

Amis auditeurs, nous continuerons ensemble notre méditation sur les trois dernières paroles du Christ sur la croix lors de notre prochaine émission.