LES SEPT PAROLES DU CHRIST SUR LA CROIX (2)

Je continue à méditer aujourd’hui avec vous, amis auditeurs, sur les sept paroles prononcées par Jésus-Christ sur la Croix: nous avons lu ensemble lors de notre dernière émission des commentaires ou extraits d’homélies écrits par de grands docteurs de l’Eglise à partir du cinquième siècle: Augustin, Chrysostome, Luther, Calvin.  Nous en venons à la parole suivante rapportée au chapitre dix-neuf de l’évangile selon Jean: “Après cela, Jésus, sachant que désormais tout était accompli, dit, pour que l’Ecriture soit accomplie: ‘J’ai soif’.  Près de là se trouvait un vase rempli de vinaigre.  On attacha donc une éponge imbibée de vinaigre au bout d’une branche d’hysope, et on l’approcha de la bouche de Jésus.”  Avant de lire ce qu’écrit Augustin sur cette parole, notons que juste avant de le crucifier, on a offert à Jésus un mélange de vin et de myrrhe à boire: il a cependant refusé d’en prendre.  L’évangéliste Matthieu le rapporte comme suit: “Ils arrivèrent à un endroit nommé Golgotha (c’est-à-dire: ‘le lieu du Crâne’.)  Là, ils donnèrent à boire à Jésus du vin mélangé avec du fiel; mais quand il l’eut goûté, il refusa de le boire.”  L’évangéliste Marc, lui, rapporte: “Ils lui donnèrent du vin additionné de myrrhe, mais il n’en prit pas”.  Ce breuvage avait des propriétés anesthésiantes, et selon toute vraisemblance, Jésus a refusé d’adoucir la souffrance physique à laquelle il allait être exposé, afin d’aller jusqu’au bout de son calvaire.  Mais pourquoi l’évangéliste Jean écrit-il, en relation avec le vinaigre qu’on lui a tendu: “Afin que l’Ecriture soit accomplie”?   Ici aussi, comme pour la parole “mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?  tirée du psaume vingt-deux, il nous faut revenir au livre des psaumes, plus précisément au psaume soixante-neuf, dont je vous lis l’extrait suivant: “Je suis dans la détresse, réponds-moi sans tarder!  Approche-toi de moi, viens me sauver la vie.  Oui, viens me libérer, car j’ai des ennemis.  Toi, tu connais ma honte, tu sais que l’on m’insulte, qu’on se moque de moi.  Ils sont là, devant toi, tous mes persécuteurs.  Leurs outrages m’atteignent, ils m’ont brisé le coeur, je ne m’en remets pas; j’espère un geste de sympathie en ma faveur, mais mon attente est vaine, quelqu’un qui me console, mais je n’en trouve pas.  Ils ont mis du poison dans le pain que je mange.  Pour étancher ma soif, ils m’offrent du vinaigre.”  Le psalmiste, qui recherche un peu de réconfort, de fraîcheur, ne rencontre que le rejet et l’amertume.  Augustin, ayant noté que cette parole du psaume soixante-neuf est ici accomplie en Jésus-Christ au moment de sa crucifixion, écrit: “Qui a donc comme lui la puissance de faire arriver dans sa souffrance même les choses telles qu’il les a ordonnées?  Mais cet homme était le médiateur entre Dieu et les hommes.  L’homme dont il est question dans les prophéties est bien un être humain, mais qui le reconnaîtra comme tel, car ceux qui ont agi de la sorte n’ont pas reconnu cet homme comme Dieu.  En effet, celui qui a été révélé comme homme, était caché en tant que Dieu; lui qui est révélé a souffert toutes ces choses; et lui-même qui était caché en tant que Dieu, a tout fait arriver de la sorte.  Il a donc veillé à ce que tout ce qui était exigé de lui avant qu’il prenne le vinaigre et rende l’âme, soit accompli.  C’est comme cela que l’Ecriture a été accomplie qui déclare: “Lorsque j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre à boire.” 

L’évangile selon Jean poursuit: “Quand il eut goûté le vinaigre, Jésus dit: ‘Tout est accompli.’  Il pencha la tête et rendit l’esprit.”  Augustin continue dans son homélie: “Qu’est-ce d’autre que ce que la prophétie avait prévu longtemps auparavant?  Comme il ne restait plus rien qu’il faille accomplir avant qu’il ne meure, comme si lui qui avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre, avait finalement accompli tout ce pour quoi il était venu, il a penché la tête et a rendu l’esprit.  Qui peut s’endormir comme il l’entend tout comme Jésus est mort lorsqu’il en a ainsi décidé?  Qui est celui qui peut enlever ses habits lorsqu’il le souhaite, comme celui-ci a déposé sa vie au moment qu’il avait décidé?  Qui est celui qui peut s’en aller lorsque cela lui convient, comme celui-ci a quitté sa vie selon son bon plaisir?  Quelle grande puissance que la sienne en tant que juge, puissance qu’il nous faut craindre ou bien en laquelle il nous faut placer notre espérance, s’il a déployé tant de puissance au moment de mourir!

La dernière parole de Jésus-Christ sur la croix qui nous est rapportée par les évangiles provient de l’évangile selon Luc: “Alors Jésus poussa un grand cri: ‘Père, je remets mon esprit entre tes mains.’  Après avoir dit ces mots, il mourut.”  Jean Calvin commente ce passage comme suit: “Il a donné à entendre que bien qu’il ait été très durement assailli par de violentes tentations, cependant sa foi n’a pas été ébranlée mais est restée ferme et invincible.  Il n’était pas possible de remporter un triomphe plus magnifique, que lorsque Christ déclare avec fermeté que Dieu est le gardien fidèle de son âme, que tous pensaient être perdue.  Comme cependant tous faisaient la sourde oreille et que c’était peine perdue de s’adresser à eux, il s’est adressé droit à Dieu et a déposé le témoignage de sa foi en son sein.  Certes il voulait aussi que les hommes entendent ce qu’il disait: mais comme il n’y avait aucun profit à retirer en s’adressant aux hommes, il s’est contenté d’avoir Dieu comme seul témoin.  De la même manière il n’y a pas de plus vive et ferme approbation de la foi que lorsqu’un homme fidèle se voyant  attaqué de tous côtés, de telle sorte qu’il ne trouve aucune consolation auprès des hommes, se décharge de ses douleurs et de ses inquiétudes au sein de Dieu, et s’appuie sur les promesses divines en méprisant la rage de tous ceux qui l’entourent.”  Notons qu’ici aussi, amis auditeurs, Jésus  reprend un psaume, le psaume trente-et-un, au verset six: “Je remets mon esprit entre tes mains, tu m’as libéré, Eternel, toi, le Dieu véritable.”

Concluons cette méditation sur les paroles de Jésus-Christ prononcées sur la croix par cet extrait d’une homélie du père de l’Eglise Grégoire de Nazianze, qui vivait en Cappadoce, aujourd’hui en Turquie, au cinquième siècle après Jésus-Christ: 

Hier j’ai été crucifié avec lui; aujourd’hui je suis glorifié avec lui. Hier je suis mort avec lui, aujourd’hui je suis ressuscité avec lui.  Apportons une offrande à celui qui a souffert pour nous et qui est ressuscité.  Peut-être pensez-vous que je vais dire: une offrande d’or, d’argent, de broderies, de pierres précieuses transparentes, toutes choses terrestres et passagères qui d’ailleurs sont possédées surtout par de mauvaises gens, des esclaves du monde et du Prince de ce monde.  Non, offrons-nous nous mêmes comme la possession qui est pour Dieu la plus précieuse et la plus adéquate; rendons à l’image divine ce qui a été créé à l’image de Dieu.  Reconnaissons notre propre valeur en glorifiant celui qui est notre grand modèle; connaissons la puissance du mystère pour lequel Christ est mort.    Devenons comme Christ, car Christ est devenu comme nous.  Devenons la propriété de Dieu pour la cause du Christ, car il s’est fait homme pour notre cause.  Il a revêtu ce qui est le pire, afin de nous donner ce qui est le meilleur.  Il est devenu pauvre afin que par sa pauvreté nous soyons enrichis; il a pris la forme d’un esclave afin que nous puissions recouvrer notre liberté.  Il s’est abaissé afin que nous soyons élevés.  Il a été tenté afin que nous puissions remporter la victoire; il a été humilié afin qu’il puisse nous glorifier; il est mort afin de nous sauver; il est monté au ciel afin de nous attirer vers lui, nous qui étions tombés si bas dans la Chute.  Donnons tout, offrons tout, à celui qui s’est donné lui-même comme prix pour notre rachat et notre réconciliation.  Car nous ne pouvons rien donner d’autre que nous mêmes, alors que saisissons le mystère, et devenons pour lui ce qu’il est devenu pour nous.”