L’EGLISE
SOUS LA CROIX (11)
Amis auditeurs, dans la cadre de la série “L’Eglise sous la Croix”, le récit du martyre de la légion thébaine sous les empereurs romains Dioclétien et Maximien vers l’an 286 après Jésus-Christ fait l’objet de notre émission d’aujourd’hui, continuant notre précédent programme. Ce récit est emprunté à l’ouvrage de Jean-Marc Berthoud “Des Actes de l’Eglise”, qui rapporte cet événement en détail. Nous avons survolé la dernière fois les circonstances historiques présidant à cet événement, et je reprends aujourd’hui certains aspects qui nous aideront à le comprendre. Les empereurs romains d’alors, afin de cimenter l’unité de l’Empire, menacée aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, avaient non seulement établi une administration étatique très puissante et centralisatrice, mais s’étaient aussi déclarés dieux eux-mêmes, attendant de tout habitant de l’empire qu’on les vénère comme tels. Dioclétien se faisait appeler Jupiter et avait décerné à Maximien, l’empereur qu’il s’était associé, le titre d’Hercule, personnage de la mythologie gréco-romaine considéré comme un fils de Jupiter. Cette confusion entre l’ordre temporel et l’ordre spirituel avait commencé trois siècles auparavant, avec le premier empereur romain Auguste, et avait conduit à la divinisation progressive du pouvoir, dans la ligne suivie par les monarchies divinisées d’Orient, celles de l’Egypte, de Babylone, du royaume des Mèdes et des Perses, de l’Empire d’Alexandre le Grand. Au départ, c’est au moment de leur mort, sur leur bûcher funéraire, que les empereurs étaient déclarés divins, au cours d’un rite consacré par la procession circulaire des prêtres, au moment où l’on faisait s’échapper un aigle censé emporter l’âme du prince. Cette divinisation, s’étendant souvent à l’impératrice, parfois à tout le groupe familial, était venue à son comble avec l’empereur Dioclétien qui s’était de son vivant même décerné le double titre de Dieu et Seigneur. Or tout totalitarisme naît inévitablement de la confusion des pouvoirs, de la fusion du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Cela s’est vérifié de nombreuses fois au cours de l’histoire.
La
légion thébaine était dirigée par un soldat du nom de Maurice; il
s’agissait en fait d’une cohorte comprenant environ 550 fantassins et 132
cavaliers, tous des soldats chrétiens. Elle
était venu d’Egypte en Gaule, passant le défilé du Grand Saint Bernard dans
les Alpes, pour rejoindre Maximien
et l’armée spéciale composée de détachements d’autres légions romaines.
Cette armée spécialement constituée avait pour mission d’aller anéantir
la révolte des Bagaudes, une bande de paysans pillards qui ravageaient les
campagnes. Le lieu du rassemblement,
la ville d’Octodure - aujourd’hui Martigny-Ville en Suisse -
devait aussi servir de lieu où des sacrifices seraient offerts aux dieux
païens, avant que l’armée ne se mette en branle.
D’un commun accord, la décision fut prise par la légion thébaine de
brûler l’étape d’Octodure et d’attendre le gros de l’armée dans le défilé
d’Agaune. Ces légionnaires chrétiens
espéraient ainsi éviter la confrontation religieuse avec l’empereur que
provoquerait inévitablement tout refus de sacrifier aux dieux païens.
L’empereur Maximien, apprenant qu’une cohorte avait dépassé le
Quelques
années après les événements glorieux que nous venons de raconter, sous
l’un des successeurs de Dioclétien, le persécuteur sanguinaire Maximin Daia,
l’historien chrétien Eusèbe de Césarée relate la fin d’un martyr chrétien
du début du IVème siècle du nom de Paul, mort en Palestine: Elevant la
voix, il offrit à Dieu pour ses frères le sacrifice de ses prières, demandant
que la liberté leur fût bientôt rendue; il demanda ensuite pour les juifs,
qu’ils se convertissent à Dieu par le Christ; puis, descendant par ordre aux
peuples les plus éloignés de la vérité, il implora la même grâce pour les
Samaritains. Quant aux Gentils
embarrassés encore dans les ténèbres de l’erreeur et de l’ignorance, il
priait Dieu d’ouvrir leurs yeux à la lumière et de leur accorder de recevoir
la religion véritable. Ainsi,
personne n’était oublié dans cette foule nombreuse qui l’environnait.
Après cela, - ô ineffable
douceur de l’amour! – il pria le Dieu de toute créature pour le juge qui
l’avait condamné à mort, pour les empereurs, pour le bourreau qui allait lui
trancher la tête. Le bourreau et la
foule entendaient cette prière; le martyr demandait que sa mort ne leur fût
pas imputée comme un crime. Il
priait à haute voix, et tous versaient des larmes, émus de compassion à la
vue d’un innocent condamné à périr.
Dans
son chapitre sur le martyre de la légion thébaine, Jean-Marc Berthoud ajoute
ces paroles, par lesquelles je conclus cette émission: Si de nos jours le
Christianisme se montre si faible, si pusillanime face aux assauts d’un
paganisme renaissant de ses cendres, si nous éprouvons si peu de force face aux
attaques de plus en plus impudentes de Satan et de ses alliés visibles ou
invisibles, ne devons-nous pas en attribuer la cause, au moins en partie, au
fait que nous avons négligé de méditer les exemples de foi et de fidélité
à Dieu que l’histoire de l’Eglise nous offre avec une telle abondance dans
la figure de ces modèles de chrétiens véritables, tels Maurice et ses
compagnons? (…) Que de tels modèles, tirés des pages glorieuses de
l’histoire chrétienne puissent nous inciter à un tel amour pour Dieu, à un
même zèle, à un même esprit de sacrifice.
Souvenons-nous du rocher duquel nous avons été taillés.
Suivons l’exemple de ceux qui nous ont précédés dans la carrière où
nous nous efforçons de marcher. N’oublions
pas la communion des saints, communion par laquelle nous sommes unis par la foi
avec ceux qui nous ont précédés comme membres visibles et invisibles de Jésus-Christ.
N’oublions pas que l’exemple de tous les martyrs n’est rien
d’autre que le rappel de ce qu’est une vie chrétienne véritable.
Car cette vie qui agit dans les autres, nous dit l’apôtre Paul, se
manifeste lorsque la Croix du Christ agit en nous.
Comme le disait Tertullien, à la fin du IIe siècle dans son Apologétique:
“Le sang des martyrs est semence de chrétiens; plus les tyrans en moissonnent
et plus nombreux nous devenons”. En
fin de compte ce fut ce sang librement versé par ceux qui aimaient Dieu
par-dessus tout, qui vint à bout du paganisme.
Comme le dit le livre de l’Apocalypse (