Le quatrième chapitre de l’évangile selon Jean
nous présente une scène de dialogue tout à fait unique dans tous les récits
évangéliques, amis auditeurs: Jésus, traversant la province de Samarie, se
trouve vers midi auprès d’un puits, après une longue
L’humanité de Jésus apparaît dans ce récit
(comme dans bien d’autres) par le fait que nous le voyons avoir soif, réellement
soif: il a beaucoup marché, il est fatigué et de plus il est midi et il doit
faire très chaud. Jésus n’est
pas un surhomme que rien n’atteint ou ne peut faire broncher. Même s’il a
conservé toute sa divinité en sa personne, il a revêtu une nature humaine
semblable à la nôtre et connaît la faim, la soif, la fatigue ou la souffrance
physique. Raison pour laquelle
l’auteur de la lettre aux Hébreux dans le Nouveau Testament, peut écrire à
ses lecteurs: Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de
compatir à nos faiblesses; mais il a été tenté comme nous à tous égards,
sans commettre de péché. Pourtant
nous verrons que lorsque la conversation avec la femme samaritaine s’engage, Jésus
oublie sa soif pour se concentrer sur le message qu’il lui annonce.
Quant à l’attitude initiale de cette femme, elle nous est expliquée
par l’évangéliste qui signale l’hostilité traditionnelle entre Juifs et
Samaritains, fruit d’une longue histoire.
En règle générale, les Juifs évitaient de traverser la région de
Samarie quand ils voulaient se rendre soit du sud au nord du pays, soit du nord
au sud, quitte à prendre une route plus longue.
Mais l’évangéliste a dit: or il fallait qu’il traverse la
Samarie. Pourquoi: il fallait
? Jésus ne s’embarrasse pas des
préjugés communs à ses frères de sang, et, bien qu’il ait déclaré
qu’il était venu pour annoncer la bonne nouvelle du Royaume en priorité aux
Juifs, nous le voyons ici s’écarter de cette mission pour annoncer par là
que toutes les nations seraient bénéficiaires de cette bonne nouvelle, même
celles qui vivaient en état d’hostilité déclarée avec le peuple d’Israël.
Quoi qu’il en soit, cette hostilité apparaît dès la première réplique
de cette femme: Qui es-tu, toi, pour me demander de l’eau à boire?
Comme si elle rendait la pareille à Jésus et lui renvoyait le mépris
dont les Juifs couvraient ordinairement les Samaritains, auxquels ils
reprochaient d’avoir corrompu la vraie religion en la mélangeant avec toutes
sortes d’éléments bâtards. Elle
avait beau jeu de refuser de l’eau à cet ennemi héréditaire.
Jésus, lui, ne se laisse pas désarçonner, il ne se met pas en colère,
il n’insiste pas. Au contraire, de
personne en position de faiblesse dépendant de la bonne volonté d’une femme,
qui plus est d’une femme appartenant à une nation hostile à la sienne, il se
présente immédiatement comme celui qui seul peut pourvoir à ses besoins les
plus profonds: Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit:
Donne-moi à boire! C’est toi qui lui aurais demandé à boire, et il
t’aurait donné de l’eau vive. Voilà
vraiment quelque chose d’admirable, amis auditeurs. Non seulement Jésus
essuie la rebuffade de cette femme, mais il lui présente immédiatement
l’Evangile de vie: celui qui lui demande à boire, c’est justement lui le
don de Dieu, celui qui possède l’eau vive dont tout homme et toute femme a
besoin et vers lequel chacun devrait accourir.
Cette eau vive n’est d’ailleurs autre que le Saint Esprit lui-même,
car déjà dans l’Ancien Testament l’image de l’eau lui est appliquée.
Comme l’écrit Jean Calvin dans son commentaire sur l’évangile de
Jean: Car nous sommes comme une terre sèche et stérile: il n’y a ni suc
ni vigueur en nous, jusqu’à ce que le Seigneur nous arrose de son Esprit.
Mais écoutez le ton incrédule et railleur par
lequel elle lui répond: Seigneur, lui dit-elle, tu n’as rien pour puiser,
et le puits est profond; d’où aurais-tu donc cette eau vive?
Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui
en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux?
Il est clair que tout comme ses compatriotes, la femme samaritaine se
déclare descendre de Jacob, donc elle ne doute pas un instant de son pedigree
de véritable israélite. Ne pensons
pas qu’en appelant Jésus “Seigneur”, elle le reconnaisse comme le
Seigneur divin; en fait elle utilise simplement une formule courante pour
s’adresser à un homme qui n’est plus un enfant.
Au fond, elle lui dit qu’il se prend un peu trop au sérieux avec son
histoire d’eau vive.
Jésus reprend en déclarant maintenant clairement la
nature spirituelle de cette eau vive, en contraste avec l’eau du puits: Jésus
lui répondit: Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boit
de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif et l’eau que je lui
donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
On retrouvera la même affirmation au chapitre sept de l’évangile
selon Jean lorsque Jésus se trouvera à Jérusalem pendant la fête juive des
tentes. Je vous lis les versets trente-sept à trente-neuf de ce chapitre: Le
dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus debout s’écria: Si
quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive.
Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein,
comme dit l’Ecriture. Il dit cela
de l’Esprit qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit
n’était pas encore donné, parce que Jésus n’avait pas encore été
glorifié.
Ce qu’il nous faut surtout remarquer, amis
auditeurs, c’est que l’eau vive dont parle Jésus a un caractère éternel,
elle n’est pas destinée à apaiser temporairement une soif passagère, comme
l’eau du puits. Cela ne veut pas
dire que l’on ne connaît pas tout au long de sa vie de soif spirituelle,
comme si l’on buvait le premier jour de cette eau spirituelle et l’on ne
souhaitait plus en boire après cela. Au
contraire, le vrai croyant est toujours animé d’une soif spirituelle, mais il
trouve tout au long de sa vie à se désaltérer de cette eau vive dont la
source est intarissable: il s’agit de l’Evangile de Jésus-Christ appliqué
en son for intérieur par le Saint Esprit. Une
fois découvert, cet Evangile ne le quitte plus, il y revient constamment,
chaque jour de sa vie, au milieu de circonstances adverses ou favorables, peu
importe. Plus le croyant désire
ardemment croître dans la foi, plus il a soif de Jésus-Christ, plus le Saint
Esprit lui applique l’Evangile et le fortifie dans cette foi.
C’est en ce sens que Jésus dit: l’eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
La source ne tarit en effet jamais, elle débouche sur la vie éternelle.
Comme l’écrit Calvin dans son commentaire: Ainsi la grâce du
Christ ne découle pas sur nous pour un peu de temps, mais se répand jusqu’à
l’immortalité bienheureuse. Car
elle ne cesse de découler, jusqu’à ce que la vie incorruptible, qui est
commencée en nous, soit accomplie de toutes parts.