L’ÉVANGILE SELON JEAN (19)

Le chapitre 6 de l’évangile selon Jean fait l’objet de notre émission d’aujourd’hui, amis auditeurs, et nous occupera la fois prochaine également.  Il commence par nous relater l’épisode de la multiplication des pains par Jésus près du lac de Galilée. A partir de cet épisode, Jésus développera devant ses contradicteurs le thème du pain vivant descendu du ciel, et l’offrande de son corps donné pour nourrir les croyants.  Mais lisons tout d’abord ensemble les versets un à quinze de ce chapitre: Après cela, Jésus passa sur l’autre rive du lac de Galilée (appelé aussi lac de Tibériade).  Une foule immense le suivait, attirée par les guérisons miraculeuses dont elle avait été témoin.  C’est pourquoi Jésus s’en alla dans la montagne et s’assit là avec ses disciples.  La Pâque, la fête des Juifs, était proche.  Jésus regarda autour de lui et vit une foule nombreuse venir à lui.  Alors il demanda à Philippe:  ‘Où pourrions-nous acheter assez de pain pour nourrir tout ce monde?’  Il ne lui posait cette question que pour voir ce qu’il allait répondre car, en réalité, il savait déjà ce qu’il allait faire.  ‘Rien que pour donner à chacun un petit morceau de pain, il faudrait au moins deux cents pièces d’argent, lui répondit Philippe.’  Un autre disciple, André, frère de Simon Pierre, lui dit: ‘Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons.  Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde?’  ‘Dites-leur à tous de s’asseoir’ leur ordonna Jésus.  L’herbe était abondante à cet endroit et la foule s’installa donc par terre.  Il y avait là environ cinq mille hommes.  Jésus prit alors les pains, remercia Dieu, puis les fit distribuer à ceux qui avaient pris place sur l’herbe.  Il leur donna aussi autant de poisson qu’ils en désiraient.  Quand ils eurent tous mangé à leur faim, Jésus dit à ses disciples: ‘Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit gaspillé.’  Ils les ramassèrent donc et remplirent douze paniers avec ce qui restait des cinq pains d’orge qu’on avait mangés.  Lorsque tous ces gens-là virent le signe miraculeux de Jésus, ils s’écrièrent: ‘Pas de doute: cet homme est vraiment le prophète qui devait venir dans le monde.’  Mais Jésus, sachant qu’ils allaient l’enlever de force pour le proclamer roi, se retira de nouveau, tout seul, dans la montagne.

Une foule nombreuse suit Jésus, avons-nous vu. Pour quelle raison?  Parce qu’elle voit les signes miraculeux qu’il opère sur les malades.  Comme au chapitre quatre, Jésus aurait bien des raisons de s’écrier: A moins de voir des signes miraculeux et des choses extraordinaires, vous ne croirez donc pas?  Ce qui est requis, une foi vivante en sa personne, fait totalement défaut à cette foule qui se presse pour venir à sa rencontre.  Pourtant, Jésus aura compassion d’elle.  Il va pourvoir à sa subsistance matérielle alors qu’elle n’est aucunement en état de le faire elle-même.  “Donne-nous notre pain de ce jour”, a enseigné Jésus à ses disciples lorsqu’ils lui ont demandé de leur apprendre à prier Dieu comme il convient.  Et bien, il va exaucer ici pour eux cette demande du Notre Père.  Il n’est pas indifférent que l’évangéliste rapporte que la Pâque, la fête des Juifs, était proche.  Car la célébration de la Pâque tournait autour d’un repas très spécial, où un agneau sans défaut était tué et mangé pour commémorer la grande délivrance opérée par l’Eternel vis-à-vis de son peuple opprimé et réduit en esclavage.  Se nourrir de cet agneau immolé à la place du peuple, c’était reconnaître la Grâce divine qui seule peut vous faire passer du jugement à l’acquittement, de la mort à la vie.  Dans la suite du chapitre six, Jésus parlera justement en termes figurés de sa personne comme du pain vivant descendu du ciel qu’il est nécessaire de manger pour avoir accès à la vie.  Mais auparavant, il va nourrir cette foule matériellement, pour l’amener à comprendre la signification spirituelle de son ministère. 

La question posée par Jésus à Philippe est intentionnelle.  Jésus, nous rapporte l’évangéliste, sait très bien ce qu’il va faire, mais il veut tester Philippe: le disciple a-t-il vraiment compris qui est le Maître qu’il suit?  Quelle est la signification des miracles qu’il accomplit?   Ses disciples ont assisté au premier signe donné par Jésus à Cana, lorsqu’il changea l’eau en vin au cours du repas de noces. Ils devraient comprendre.  Mais Philippe, lui, calcule le coût d’une opération de bienfaisance vis-à-vis d’une foule qui comprend cinq mille hommes sans compter les femmes et les enfants.  Deux cents deniers ne suffiraient pas à donner un petit bout de pain à chacun.  Un denier correspondait au salaire d’un ouvrier pour une journée de travail.  Deux cents journées de travail, c’est presque une année entière de labeur.   Quant à André, le frère de Pierre, comme Philippe un des premiers disciples de Jésus, et tout comme lui originaire de la ville voisine de Bethsaïda, il mesure l’impossibilité de nourrir avec juste cinq pains et deux poissons cette foule qui commence à avoir faim à la tombée de la nuit.  Mais Jésus donne ses ordres: qu’on fasse asseoir cette foule sur l’herbe abondante qui couvre les pentes de la colline.  L’évangile de Marc, dans le récit parallèle de la multiplication des pains, rapporte que les disciples les firent asseoir par rangées de cinquante et de cent.  Le miracle est ensuite rapporté avec une simplicité majestueuse, sans aucune fioriture, sans aucun détail extravagant destiné à susciter des oh! et des ah!  Jésus prit alors les pains, remercia Dieu, puis les fit distribuer à ceux qui avaient pris place sur l’herbe.  Il leur donna aussi autant de poisson qu’ils en désiraient.  Notez, amis auditeurs, que la prière de Jésus précède la distribution.  Jésus n’agit jamais de manière autonome vis-à-vis de son Père céleste.  Il rend grâces au Créateur de toutes choses, au Dieu de la Providence qui pourvoit aux besoins de ses créatures, qui accède à toutes les requêtes de son Fils bien-aimé.  Chacun mange donc en abondance et reçoit même davantage que ce dont il a besoin.  Raison pour laquelle Jésus, après que la foule ait été abondamment rassasiée, ordonne à ses disciples de ramasser  - non pas les miettes et les arêtes de poisson - mais tous les morceaux qui pourraient servir à apaiser la faim d’autres.  Il n’est pas question de gaspiller cette nourriture accordée de manière unique et surnaturelle par Dieu.  Douze paniers pleins à ras-bord seront donc collectés par les disciples.  Quelle est donc la réaction de la foule qui vient d’être témoin et bénéficiaire d’un si grand signe?  Ils identifient Jésus avec le prophète annoncé au livre du Deutéronome dans l’Ancien Testament, au chapitre 18.  Moïse s’adresse ici au peuple d’Israël: L’Eternel suscitera pour vous un prophète comme moi, issu de votre peuple, l’un de vos compatriotes: écoutez-le.  Cela est conforme à ce que vous avez demandé à l’Eternel votre Dieu le jour où vous étiez rassemblés au mont Horeb: ‘Nous ne voulons plus entendre la voix de l’Eternel notre Dieu, nous ne voulons plus voir ce grand feu!  Nous ne voulons pas mourir!’  Alors l’Eternel m’a dit: ‘J’approuve ce qu’ils disent là.  Je vais leur susciter un prophète comme toi, l’un de leurs compatriotes.  Je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur transmettra tout ce que je lui ordonnerai.  Et si quelqu’un refuse d’écouter ce qu’il dira de ma part, je lui en demanderai compte moi-même.’  Vous vous souvenez sans doute, amis auditeurs, que la femme samaritaine rencontrée par Jésus au puits de Sychar attendait elle aussi ce prophète, identifié au Messie.  Mais quel sorte de Messie attendent donc les foules?  Celui qui doit donner sa vie en rançon pour le péché de beaucoup?  Celui qui doit souffrir et expier les fautes de son peuple comme l’agneau pur et sans tâche immolé comme victime innocente pour apaiser la juste colère de Dieu?  Non, mais plutôt le libérateur terrestre qui pourrait chasser les occupants romains et faire d’Israël le peuple dominant sur le monde.  Jésus sait que que les foules veulent l’enlever de force pour le proclamer roi. Comme s’il appartenait aux foules, et non à Dieu seul,  de nommer leur roi, et encore par la force, en faisant violence au Messie.  C’est bien un royaume terrestre qu’ils ont en vue, et non le Royaume de Dieu.  Que serait-il advenu de l’Evangile du salut destiné à être proclamé au monde entier s’ils avaient eu gain de cause?  Alors Jésus se retire de nouveau dans la montagne, sans ses disciples cette fois.  Apprenons par là, amis auditeurs, que l’honneur qui est dû à Christ n’est pas celui que nous voulons lui attribuer par notre mouvement spontané ou impétueux, mais seulement celui qui lui revient de droit, celui qui rend justice à sa personne divine.  Il est facile de dire que l’on honore Jésus-Christ, mais si nous le faisons à notre guise, en nous forgeant un Christ qui convienne à nos besoins et à nos fantaisies, nous n’avons fait que le déshonorer.

Nous continuerons la prochaine fois notre méditation sur la suite du chapitre six de l’évangile selon Jean.    Jésus y apparaîtra à ses disciples durant la nuit au moment où ils s’y attendent le moins.