LA CHUTE DE JÉRUSALEM (1)

Je vous propose aujourd’hui et les fois prochaines une émission portant sur des faits historiques rapportés par la Bible, et qui retracent la chute de Jérusalem et du royaume de Juda, quelque six siècles avant Jésus-Christ, c’est-à-dire il y a environ deux mille six cents ans. Nous trouvons plusieurs récits concernant cet événement dans l’Ancien Testament, notamment à la fin du deuxième livre des Chroniques et au livre du prophète Jérémie. Si nous nous intéresserons à un tel événement historique, c’est parce que sa portée et sa signification nous concernent encore aujourd’hui, pour peu que nous sachions le lire avec des lunettes spirituelles, en croyants qui savent discerner la volonté et le plan de Dieu dans l’histoire des hommes et en particulier de son peuple.

En l’an 587 ou 586 avant Jésus-Christ, les troupes babyloniennes menées par l’empereur Neboukadnetsar assiégèrent avec leur puissante machinerie de guerre la ville de Jérusalem, alors capitale du petit royaume indépendant de Juda. Ils s’en emparèrent et la détruisirent. La date précise de cet événement n’est pas certaine (on pense généralement qu’il eut lieu au cours du mois d’Août), mais quoi qu’il en soit, les conséquences en furent dramatiques. Le roi de Juda ainsi qu’une grande partie de la population furent emmenés captifs en exil, ce qui signifia la fin du royaume de Juda. Celui-ci avait réussi à survivre durant environ cent trente six ans à la chute de son voisin du nord, le royaume d’Israël soumis aux Assyriens depuis l’an 722 avant Jésus-Christ. La conviction que Jérusalem serait toujours défendue par Yahweh, l’Éternel Dieu, et que son temple ne serait jamais profané, fut brisée lors de ce désastre national. Nous allons examiner ensemble le contexte politique et historique qui prévalait dans l’ancien Proche Orient et Moyen Orient au moment de la chute de Jérusalem, et nous tâcherons d’établir une chronologie des événements qui menèrent à ce désastre national. Commençons par retracer l’image géo-politique de cette région du monde, aux alentours de l’an 700 avant notre ère.

A l’époque du règne de Josias, roi de Juda entre 640 ou 639 et 609, la scène politique au Proche Orient est dominée par les événements ayant amené la chute récente de l’empire assyrien. Deux puissances rivalisent pour prendre la succession de ce grand empire: au nord-est Babylone, et au sud-ouest l’Égypte. Juda, située entre ces deux nations, se trouvera écrasée dans la lutte qui s’ensuivra, et à l’issue de laquelle les Babyloniens sortiront vainqueurs. Les Mèdes et les Babyloniens se partageront l’empire assyrien, les premiers occupant son siège traditionnnel, ainsi que les provinces du nord récemment annexées par l’Assyrie, comme par exemple Urartu, aujourd’hui connue comme l’Arménie. Les Babyloniens, quant à eux, s’empareront des territoires situés entre les deux grands fleuves, le Tigre et l’Euphrate. Babylone cherchera peu après à s’étendre vers l’ouest, c’est-à-dire vers la Syrie et la Palestine. A un moment donné, ces régions avaient été sous contrôle égyptien, et une nouvelle source de conflit allait bientôt émerger de cette rivalité.

Maintenant que nous avons examiné le contexte géo-politique de la région, intéressons-nous au conflit qui opposa le pharaon égyptien Nécoh, (qui régna de 609 à 590) au roi de Juda Josias. Ce conflit éclata en l’an 609 avant Jésus-Christ, la première année du règne de Nécoh, donc. Nécoh tentait de ramener le dernier roi assyrien, du nom d’Assur-Uballit, dans la ville de Haran, afin de reprendre cette ville des mains des Babyloniens. Ninive, la capitale assyrienne, venait d’être détruite par les Babyloniens en 612. Par cette action, Nécoh espérait sauver un reste de puissance assyrienne, et en même temps regagner possession d’une partie de la Syro-Palestine qui avait été un temps sous contrôle égyptien, et qu’il n’avait pas l’intention de redonner aux Assyriens. Mais en entreprenant cette action, Nécoh devint l’ennemi juré de Josias. Car l’oeuvre politique de Josias consistait principalement à se désengager du pouvoir assyrien, il menait de fait une politique anti-assyrienne; pour être franc, Josias était du côté de ceux qui préparaient le chemin de la chute de l’empire assyrien, il se trouvait donc à l’opposé du pharaon Nécoh. Lorsque le pouvoir de l’Assyrie se trouva sur son déclin, Josias rejeta le joug assyrien et libéra non seulement le territoire de Juda, mais également une partie du territoire de l’ancien royaume d’Israël. Ceci nous est relaté au second livre des Rois, au chapitre 23. La suprématie de l’Assyrie s’effondrait de toutes parts, et peut-être Josias n’eut pas à recourir à la force pour accomplir cette reconquête. Au même moment, il était inévitable que Josias serait amené à s’opposer à la reconquête par l’Égypte de la Syro-Palestine, car l’indépendance de celle-ci lui était nécessaire pour la poursuite de ses buts politiques. Il ne pouvait en aucun cas désirer voir la souveraineté assyrienne remplacée par celle de l’Égypte, tout comme Nécoh, de son côté, ne pouvait permettre à un nouveau pouvoir régional de s’élever en Palestine s’il devait subjuguer la Syro-Palestine.

Le combat se déroula près de Meguiddo, comme nous le rapporte le second livre des Rois, au chapitre 23. A ce moment, Josias était apparemment déjà en possession d’une partie de la province de Galilée dont faisait partie Meguiddo, et à cet endroit stratégiquement favorable, il essaya de stopper le Pharaoan Nécoh. Cette tentative fut un échec: la bataille fut courte et Josias fut mortellement blessé. Lisons ensemble comment le second livre des Chroniques, au chapitre 35, nous rapporte cet événement: “Après tout cela, après que Josias eut restauré la maison de l’Éternel, Nékoh, roi d’Égypte, monta pour combattre à Karkemich sur l’Euphrate. Josias sortit à sa rencontre. Nécoh lui envoya des messagers pour lui dire: Qu’ai-je à faire avec toi, roi de Juda? Ce n’est pas contre toi que je viens aujourd’hui: c’est contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Dieu m’a dit de me hâter. Ne t’oppose pas à Dieu, qui est avec moi, de peur qu’il ne te détruise. Mais Josias ne se détourna pas de lui, et il se déguisa pour combattre sans écouter les paroles de Nécoh, qui venaient de la bouche de Dieu. Il vint pour combattre dans la vallée de Méguiddo. Les archers tirèrent sur le roi Josias, et le roi dit à ses serviteurs: Transportez-moi, car je suis au plus mal. Ses serviteurs le transportèrent dans son char, le mirent dans son deuxième char et l’amenèrent à Jérusalem. Il mourut et fut enseveli dans les tombeaux de ses pères.” Il semble néanmoins que la tactique de Josias ait réussi à retarder Nécoh suffisamment, de telle sorte que lorsque les Égyptiens arrivèrent à Karkémish, sur la rive de l’Euphrate, les Babyloniens avaient déjà vaincu les Assyriens et les avaient écartés à tout jamais de la scène de l’histoire. Les Égyptiens se servirent de cette situation pour s’installer en Syrie et en Palestine, tandis que Babylone tâchait de trouver une stabilité pour son empire à l’est de l’Euphrate. D’après le second livre des Rois, chapitre 23 verset 30, les habitants de Juda prirent l’initiative de couronner le fils de Josias, Yoahaz. Celui-ci semble avoir été un membre du parti pro-babylonien dans Juda. Il semble en effet qu’il y ait eu deux partis dans ce petit royaume: ceux qui favorisaient les Égyptiens (et qui furent renforcés dans leur conviction après la bataille de Méguiddo), et ceux qui voyaient en Babylone la nouvelle puissance régionale en pleine expansion. Cependant, à peine trois mois après le couronnement de Yoahaz, ce jeune roi installé sur le trône fut déposé pour une forme d’insubordination, et amené dans la capitale provinciale de l’Égypte en Syrie, la ville de Ribla, et de là en Égypte même, où il mourut. Ceci nous est rapporté au deuxième livre des Rois, chapitre 23, aux versets 33 et 34: “Le pharaon Nécoh l’enchaîna à Ribla, dans le pays de Hamath, pour qu’il ne règne plus à Jérusalem; il imposa au pays une contribution de cent talents d’argent et d’un talent d’or. Le Pharaon Nécoh établit roi Élyaqim, fils de Josias, à la place de son père Josias, et il changea son nom en celui de Yehoyaqim. Il fit prisonnier Yoahaz qui vint en Égypte et y mourut.” En échange donc de la promotion du frère de Yoahaz, Nécoh imposa à Eliaqim, ou Yehoyaqim une taxe exorbitante, contre laquelle le peuple nourrissait de très forts sentiments d’amertume. Yehoyaqim allait régner de 609 à 597. Nous verrons prochainement quels furent les événements principaux qui marquèrent son règne. Mais intéressons-nous pour le moment au conflit qui opposa directement l’Égypte à Babylone.

Quatre ans après la bataille de Meguiddo, une autre bataille, décisive, prit place entre Babylone et l’Égypte à Karkémish. Jusqu’à une date récente, le chapitre 46 du livre de Jérémie ainsi que quelques remarques faites par l’historien antique Josèphe, étaient les seuls documents disponibles relatant cet événement. Cependant le récent déchiffrage du livre des Chroniques des rois chaldéens (et qui couvre la période s’étendant entre 626 et 556 avant Jésus-Christ), ont rendu possible de mieux comprendre ce qui s’est passé à Karkémish. Nabopolassar, roi de Babylone, étant vieux et malade, envoya le jeune prince-héritier Neboukadnetsar à la rencontre des Égyptiens à Karkémish, sur la rive droite de l’Euphrate. Les Égyptiens furent défaits et leur armée complètement mise en pièces. Nous ne savons pas si Nécoh lui-même était présent auprès de son armée lors de cette bataille. Toujours est-il que la victoire des Babyloniens fut complète et marqua la fin du pouvoir égyptien en Syrie et en Palestine. Néboukadnestsar poursuivit les Égyptiens jusqu’à Hamath, en Syrie, et peut-être même le long de la côte méditerranéenne, comme le chapitre 46 du livre du prophète Jérémie semble l’indiquer. Très vite le roi de Juda Yehoyaqim devint tributaire de Neboukadnetsar, lequel était après sa victoire sur les Égyptiens, en état de marcher à travers toutes les provinces syro-palestiniennes.

Nous verrons ensemble la prochaine fois quelle fut à partir de là la relation entre Neboukadnetsar et Juda, et nous nous intéresserons au premier siège de Jérusalem par les Babyloniens, sans jamais perdre de perspective que Dieu seul gouverne l’histoire, et que tous ces événements n’arrivent pas gratuitement, mais sont inclus dans son plan souverain.