L’ÉVANGILE SELON JEAN (25)

 

Amis auditeurs, au chapitre sept de l’évangile selon Jean nous lisons que Jésus, après être resté un moment en Galilée, s’est finalement rendu à la fête des Cabanes à Jérusalem, mais en secret.  Ses frères avaient fait pression sur lui pour qu’il aille se manifester publiquement devant tous, mais il leur avait répliqué par deux fois que son heure n’était pas encore venue, leur enjoignant de partir eux-mêmes pour Jérusalem.

Après leur avoir dit cela, il resta en Galilée.  Cependant, quand ses frères furent partis pour la fête, il s’y rendit lui aussi, mais secrètement, sans se montrer.  Or, pendant la  fête, les autorités juives le cherchaient et demandaient: ‘Où est-il donc?’  Dans la foule, les discussions allaient bon train à son sujet.  Les uns disaient: ‘C’est quelqu’un de bien.’  ‘Pas du tout, répondaient les autres: il trompe tout le monde.’  Mais, comme ils avaient tous peur des autorités juives, personne n’osait parler librement de lui.

Les opinions de la foule sur Jésus sont divisées, comme on le voit.  Déjà au chapitre six nous avons vu qu’à la suite de ses paroles sur son corps donné à manger comme véritable nourriture spirituelle, plusieurs de ses disciples avaient cessé de le suivre.  Nul doute que ceux-là, déçus par l’enseignement du Maître, n’auront émis sur son compte un avis négatif qui se sera répandu parmi la foule.   Mais, qu’il soit positif ou négatif, l’avis du peuple est murmuré, chuchoté, car l’on craint avant tout les autorités religieuses, le Sanhédrin, qui d’ailleurs s’est déjà mis à la recherche de Jésus.  Avant qu’il ne se soit prononcé officiellement sur son cas, il vaut mieux rester coi car, en parlant tout haut de ce Jésus de Nazareth, l’on risquerait tout bonnement de se faire chasser de la synagogue, de ne plus y être admis, ce qui équivaudrait à une exclusion non seulement religieuse, mais sociale. Quoiqu’il en soit, ce qui est certain c’est qu’il ne laisse personne indifférent.  Il fait l’objet de toutes les conversations.  Et si le Sanhédrin le recherche, c’est avec le motif caché dont le début du chapitre a fait état: les autorités juives cherchaient à le supprimer. Je reprends la lecture de ce chapitre à partir du verset quatorze: La moitié de la semaine de fête était déjà passée, quand Jésus alla au Temple et se mit à enseigner.  Les Juifs en étaient tout étonnés et se demandaient: ‘Comment peut-il connaître à ce point les Ecritures, sans jamais avoir étudié?’ Jésus leur répondit: ‘Rien de ce que j’enseigne ne vient de moi.  J’ai tout reçu de celui qui m’a envoyé.  Si quelqu’un est decidé de faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra bien si mon enseignement vient de Dieu ou si je parle de ma propre initiative.  Celui qui parle en son propre nom recherche sa propre gloire.  Mais si quelqu’un vise à honorer celui qui l’a envoyé, c’est un homme vrai; il n’y a rien de faux en lui.  Moïse vous a donné la Loi, et pourtant, aucun de vous ne fait ce qu’elle ordonne! Pourquoi cherchez-vous à me tuer?’   - ‘Tu as un démon en toi! lui cria la foule.  Qui est-ce qui veut te tuer?’ Jésus reprit la parole et leur dit:’ Il a suffi que je fasse une oeuvre pour que vous soyez tous dans l’étonnement.  Réfléchissez: Moïse vous a donné l’ordre de pratiquer la circoncision, rite qui ne vient d’ailleurs pas de Moïse, mais des patriarches.  Or, cela ne vous dérange pas de circoncire quelqu’un le jour du sabbat.  Eh bien, si on circoncit un garçon le jour du sabbat pour respecter la Loi de Moïse, pourquoi donc vous indignez-vous contre moi parce que j’ai entièrement guéri  un homme le jour du sabbat?  Cessez donc de juger selon les apparences, et apprenez à porter des jugements conformes à ce qui est juste.’ 

Au moment jugé opportun par Jésus lui-même, et non par ses frères ou ses proches, Jésus se rend donc à Jérusalem.  Il emprunte sans doute des chemins détournés pour ne pas attirer l’attention.  De plus, la masse des pélerins étant déjà arrivée dans la ville depuis quelque temps, il ne chemine pas au milieu d’elle.  Au milieu de la fête, il apparaît soudain en public, et va au Temple pour y enseigner.  Il s’assied, comme c’était la coutume de ceux qui enseignaient, et rapidement se forme une audience, à laquelle se joignent bientôt des chefs religieux.  Ceux-ci, après l’avoir écouté un moment, sont tout étonnés: comment un homme qui n’a jamais étudié dans une école rabbinique, peut-il connaître les Ecritures?  Après tout, il n’est que charpentier… Ce qu’il dit peut-il être vrai? Il n’est pas vraiment autorisé à enseigner.  Jésus réplique que son enseignement ne reçoit pas son autorité de lui-même, mais de celui qui l’a envoyé.  Il n’a donc pas à passer par une école rabbinique, pas plus qu’il n’est un simple autodidacte s’arrogeant le droit d’enseigner les autres.  Le vrai test, ce n’est pas celui de son éducation à lui, c’est celui qui se pose à ses auditeurs: s’ils veulent vraiment faire la volonté de Dieu, alors ils ne pourront que reconnaître que l’enseignement de Jésus est conforme à celui de Dieu. Les chefs religieux auraient dû reconnaître que l’enseignement de Jésus venait d’ailleurs que d’une simple personne non éduquée, puisqu’ils voyaient bien que cet homme enseignait les autres sans avoir lui-même été instruit dans la tradition.  Au lieu de cela, ils méprisent son enseignement, car il ne provient pas de leurs propres écoles.  On verra la même chose se produire au début du ministère des apôtres, au chapitre cinq du livre des Actes, lorsqu’ils seront convoqués devant le Sanhédrin; les chefs religieux seront tout étonnés d’entendre Pierre et Jean, simples pêcheurs sans instruction, s’exprimer avec beaucoup d’assurance: c’est qu’ils ont été instruits par le Saint Esprit lui-même!  Dans les paroles suivantes de Jésus on trouve un écho de la discussion qui a eu lieu entre lui et les chefs religieux au chapitre cinq.  Souvenez-vous de ce qu’il leur disait, aux versets quarante-trois et quarante-quatre: Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez!  Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez de la gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul?  Ici, il leur dit: Celui qui parle en son propre nom recherche sa propre gloire.  Mais si quelqu’un vise à honorer celui qui l’a envoyé, c’est un homme vrai; il n’y a rien de faux en lui.  Le contraste, Jésus l’établit entre lui et ses interlocuteurs: eux ils se sont envoyés eux-mêmes, il se sont attribués à eux-mêmes une autorité usurpée car ils n’enseignent pas la volonté de Dieu; bien plutôt ils oppressent le peuple par toutes sortes de règles et de commandements qui ignorent le sens véritable de la Loi donnée par Dieu à son peuple.  Citons ici le réformateur Jean Calvin dans son beau commentaire sur ce passage de l’évangile selon Jean; je modernise légèrement son langage pour vous le rendre accessible: Toute doctrine, c’est-à-dire enseignement, qui éclaircit la gloire de Dieu est bonne, sainte et divine; et toute doctrine qui sert à l’ambition des hommes, et qui en élevant les hommes vient à obscurcir la gloire de Dieu, non seulement ne mérite pas qu’on lui ajoute foi, mais elle doit aussi être vivement rejetée.  Celui donc qui se proposera la gloire de Dieu pour son but, ne se fourvoiera jamais; et celui qui examinera et éprouvera à cette pierre de touche tout ce qu’on apporte sous le nom de Dieu, ne sera jamais abusé sous une apparence de droiture.  Nous sommes aussi avertis par ceci que personne ne peut exercer fidèlement la charge et l’office de docteur dans l’Eglise, sinon qu’étant vide de toute ambition il se mette tout à fait et s’emploie de toutes ses forces à avancer la gloire de Dieu.

Ce que nous comprenons aussi, amis auditeurs, c’est qu’un enseignement fondé sur une connaissance intellectuelle de la grammaire et des Ecritures n’est pas suffisant pour en appréhender le sens et encore moins pour le communiquer à d’autres.  Il faut encore une compréhension spirituelle de ce qu’on lit, c’est-à-dire une compréhension illuminée par l’Esprit de Dieu, qui se soumette à sa volonté et qui  recherche avant tout la gloire divine.  Les chefs religieux en sont bien loin, eux qui ne voient en Jésus qu’un dangereux rival qu’il convient d’éliminer car il menace l’ordre religieux établi. 

Lors d’une prochaine émission, amis auditeurs, nous verrons comment Jésus les renvoie à la véritable signification de la Loi de Moïse, en revenant sur l’épisode du malade de la piscine de Bethesda qu’il a guéri un jour de Sabbat. Jésus mettra en rapport cette guérison avec la circoncision prescrite par la Loi mosaïque.  Il ne fera qu’attirer davantage encore leur haine à son égard, démontrant par là la véracité de ce qu’il disait à ses frères  au début du chapitre sept: le monde ne peut vous haïr; il a de la haine pour moi, parce que je rends de lui le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises.