LA CHUTE DE JÉRUSALEM (2)

Amis auditeurs, nous avons commencé la dernière fois à retracer ensemble les événements historiques qui menèrent à la prise de Jérusalem en l’an 587 avant Jésus-Christ. Nous avons vu comment d’une part Josias, roi du petit état de Juda, perdit la vie durant la bataille de Méguiddo en essayant d’arrêter l’avance du pharaon égyptien Nécoh, lequel se portait au secours de ses alliés assyriens; d’autre part, nous avons vu comment l’armée égyptienne fut elle même quatre ans plus tard mise en pièces par la nouvelle puissance régionale, Babylone, à la bataille de Karkémish en 605 avant Jésus-Christ. Rien ne semblait pouvoir arrêter la montée de l’empire babylonien et de son roi, Neboukadnetsar, qui étendit ses possessions vers l’ouest, c’est-à-dire en Syro-Palestine, mettant par la même occasion le petit royaume de Juda sous sa coupe. Quelle fut la relation entre Juda et les Babyloniens, c’est ce que nous allons voir ensemble aujourd’hui.

De 605 jusqu’à la fin de son règne en 598, Yehoyaqim eut de sérieux problèmes avec les Babyloniens. Neboukadnetsar, leur nouveau roi, succéda vraisemblablement à son père Nabopolassar en septembre 605, même si la première année officielle de son règne ne commença qu’au début de l’année nouvelle, selon le calendrier babylonien, c’est-à-dire en Avril 604. Cependant, dès Novembre 604, Neboukadnetsar avait progressé suffisamment vers le sud de la Palestine pour être en état de prendre des trésors ainsi que des otages de la ville de Jérusalem, le jeune Daniel et ses amis étant parmi les plus notables des captifs judéens (le tout début du livre du prophète Daniel, dans l’Ancien Testament, rapporte ces faits). D’après II Chroniques 36, versets 5 à 7, il semble que Yehoyaqim ait lui aussi été fait prisonnier par Neboukadnetsar et qu’il ait été emmené à Babylone en tant que vassal soumis, ayant fait des promesses solennelles de loyauté envers son nouveau suzerain. Il s’engageait notamment à ne plus essayer de s’allier avec Nécoh contre la suprématie babylonienne.

Bien que Yehoyaqim retint son trône, le retour des Babyloniens en Syrie en l’an 604 et jusqu’à Ashkalon sur la côte méditerranéenne en 603, ainsi qu’une attaque frontale avec Nécoh à la frontière de l’Égypte en 601, ne permirent pas à Juda de mettre fin à sa vassalité vis-à-vis de Babylone. Comme le combat ayant opposé les troupes de Neboukadnetsar aux Égyptiens fut cette fois mitigé, les deux armées s’étant retirées après avoir souffert de sévères pertes, il est possible que Yehoyaqim en ait profité pour suspendre le paiement du tribut qui avait été imposé par Neboukadnetsar au royaume de Juda. Bien que le roi de Babylone n’ait pas envoyé son armée de conquête à Jérusalem pendant plusieurs années, il incita des bandes de pillards Chaldéens, soutenus par des Moabites, des Ammonites et des Syriens, à effectuer des raids sur Juda. C’est dont semble se faire l’écho le chapitre 49 du livre du prophète Jérémie. Au cours de cette guerilla, le règne de Yehoyaqim fut soudainement interrompu par la mort du jeune roi, le 6 Décembre 598, dans des circonstances qui nous sont inconnues, bien qu’il soit possible que cela ait eu lieu au cours d’une bataille. Pour certains cependant, il est possible qu’il ait été assassiné par un parti qui lui reprochait de faire mal voir Juda aux yeux des Babyloniens; les conspirateurs auraient tenté de cette manière d’assouplir le traitement que Babylone faisait subir à Juda. Quoiqu’il en soit, d’après la Bible, le règne de Yehoyaqim avait été caractérisé par une politique égoïste causant oppression et injustice. La mort du roi fut l’accomplissement d’un jugement divin dont il avait fait l’objet, et que le prophète Jérémie avait exprimé sans ambages. Au livre du prophète Jérémie, au chapitre 22, versets 13 à 19, nous lisons les paroles suivantes, ou apparaît très nettement le contraste entre la conduite de Yehoyaqim et celle de son père, le roi juste Josias qui obéit à la loi de l’Éternel: “Malheur à celui qui bâtit sa maison en dépit de la justice, et ses chambres hautes en dépit du droit; qui fait travailler son prochain pour rien, sans lui donner son salaire; qui dit: Je me bâtirai une maison de vastes dimensions et des chambres spacieuses; et qui s’y fait percer des fenêtres, la lambrisse de cèdre et l’enduit de couleur rouge! Est-ce que tu règnes parce que tu as de la passion pour le cèdre? Ton père ne mangeait-il pas, ne buvait-il pas? Mais il pratiquait le droit et la justice, de la sorte tout allait bien pour lui; il jugeait la cause du malheureux et du pauvre, de la sorte tout allait bien pour lui; n’est-ce pas là me connaître? Oracle de l’Éternel. Mais tu n’as des yeux et un coeur que pour ton intérêt, pour répandre le sang de l’innocent et pour exercer une oppression écrasante. C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel sur Yehoyaqim, fils de Josias roi de Juda: on ne lui fera pas de funérailles, en disant: Hélas, mon frère! Hélas mes soeurs! On ne lui fera pas de funérailles, en disant: Hélas, seigneur, hélas, sa majesté! Il aura la sépulture d’un âne, il sera traîné et jeté hors des portes de Jérusalem.”

Rappelons-nous aussi que c’est en l’an 605, durant la quatrième année de son règne, que le rouleau contenant la prophétie de Jérémie avait été lu en présence du roi Yehoyaqim, qui l’avait découpé en morceaux et jeté au fur et à mesure dans le feu, attirant sur lui un jugement de même nature. Ceci nous est rapporté au chapitre 36 du livre de Jérémie. Aux versets 27 à 31, nous lisons: “La parole de l’Éternel fut adressée à Jérémie en ces mots, après que le roi eut brûlé le rouleau avec les paroles que le secrétaire Baruch avait écrites sous la dictée de Jérémie: Prends de nouveau un autre rouleau, et tu y écriras toutes les paroles qui étaient dans le premier rouleau qu’a brûlé Yehoyaqim, roi de Juda. Et contre Yehoyaqim, roi de Juda, tu diras: Ainsi parle l’Éternel: C’est toi qui as brûlé ce rouleau en disant: Pourquoi y as-tu écrit ces paroles: Le roi de Babylone viendra certainement, il détruira ce pays et il en fera disparaître hommes et bêtes? C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel contre Yehoyaqim, roi de Juda: Aucun des siens ne siègera sur le trône de David, et son cadavre sera exposé à la chaleur pendant le jour et au froid pendant la nuit. J’interviendrai contre lui, contre sa descendance et ses serviteurs à cause de leur faute et je ferai venir sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur les hommes de Juda tout le malheur que je leur ai annoncé, sans qu’ils m’écoutent.” Nous nous souvenons également que c’est durant les premières années du règne de Yehoyaqim que Jérémie avait proclamé sans peur dans le parvis du temple que ce même temple serait réduit en ruines. Puis en l’an 605, à la faveur d’une situation historique particulière, Jérémie avait mis par écrit sa prophétie.

A la mort de Yehoyaqim, en 598, la politique anti-babylonienne très précaire de Juda reposait désormais dans les mains d’un jeune homme de dix-huit ans, Yehoyakin, fils de Yehoyaqim. Le règne de Yehoyakin n’allait cependant durer que trois mois. Apparemment, ayant compris la futilité de résister à une puissance aussi forte que Babylone, le jeune roi se rendit le deuxième jour du mois d’Adar, la septième année du règne de Neboukadnetsar, c’est-à-dire le 16 Mars 597. En conséquence, les Babyloniens dépouillèrent le temple de Jérusalem ainsi que les trésors royaux. Yehoyakin et sa mère furent emmenés prisonniers. Les accompagnèrent dans leur exil des officiels du palais, des officiers royaux, des artisans et les notables les plus en vue de Jérusalem. Le prophète Ezékiel était parmi eux. Alors que la fois précédente, en 605, les Babyloniens n’avaient pris que des otages, cette fois-ci il s’agissait d’un exil massif du royaume de Juda, avec pas moins de dix mille personnes exilées. Cet exil est rapporté en détail au chapitre 24 du second livre des Rois, du verset 10 au verset 17. A la place de Yehoyakin, Neboukadnetsar mit sur le trône de Juda un homme de vingt-et-un an du nom de Mattania, oncle du jeune roi déposé, donc fils lui aussi de Josias. Comme signe de sa suzeraineté sur Mattania, Neboukadnetsar lui donna un autre nom, celui de Sédécias. Il était désormais vassal et avait solennellement juré allégeance à Neboukadnetsar, comme le souligne II Chroniques 36, verset 13. Il est possible que Sédécias ait appartenu au parti pro-babylonien en Juda, et même qu’il ait été une sorte de régent ou gouverneur alors que Yehoyakin était déjà considéré comme le roi officiel.

On aurait pu s’attendre à ce que les expériences des années 598-597 aient rendu Juda obéissante et docile vis-à-vis de Babylone, au moins pour un certain temps. Mais il n’en fut rien! Le règne de Sédécias, de 597 à 587, ne vit qu’une agitation continuelle et des tentatives de sédition, jusqu’à ce que la nation, apparemment sur la pente de l’auto-destruction, parvint à causer sa propre ruine. Au bout de dix ans, la fin était arrivée. La folie de Yehoyaqim avait coûté cher à Juda. Certaines de ses villes principales, comme Lakish et Debir, avaient été prises et ravagées par les armées de Neboukadnetsar. Le territoire de Juda était vraisemblablement réduit par la perte de contrôle sur le Negueb, au sud, son économie était paralysée et sa population réduite de façon dramatique. Bien que le nombre des déportés, environ dix mille, ne semblât pas large, il l’était proportionnellement à la population totale; ces déportés représentaient aussi l’élite gouvernante du pays. Les nobles qui servaient Sédécias étaient des hommes à la vision réduite et de petit caractère, comme le prophète Jérémie l’exprime clairement au chapitre 24 du livre du même nom: il reçoit de l’Éternel la vision de deux paniers contenant chacun des figues; mais alors que les figues contenues dans le premier panier sont de bonne qualité, celles contenues dans le second panier sont pourries et immangeables. Or ces mauvaises figues sont expressément la figure de Sédécias, de ses ministres et du reste des habitants de Jérusalem. Tous ces facteurs, ajoutés à de sérieuses faiblesses de caractère, contribuèrent à faire de Sédécias un roi trompeur et inepte. Ses défauts peuvent être vus dans la manière dont il envisagea ses relations avec le prophète Jérémie et le roi Neboukadnetsar. Nous verrons lors de notre prochaine émission comment se déroula son règne, et quelle en fut la fin désastreuse.