LA CHUTE DE JÉRUSALEM (3)

Nous terminons aujourd’hui notre survol des événements ayant précipité la chute de Jérusalem en l’an 587 avant Jésus-Christ, événements abondamment relatés dans l’Ancien Testament, aux seconds livres des Rois et des Chroniques, ainsi qu’au livre du prophète Jérémie. La nouvelle puissance régionale, Babylone, avait par deux fois déjà emmené des captifs du petit royaume de Juda, notamment en 597, sous le très bref règne du jeune roi Yehoyakin, emmené lui aussi en captivité à Babylone, avec quelque dix mille de ses compatriotes représentant l’élite de Juda. L’oncle de Yehoyakin, Sédécias, fut placé sur le trône par le roi babylonien Neboukadnetsar, et lui fit un serment d’allégeance. Le règne de Sédécias, roi au caractère influençable et trompeur, allait cependant être caractérisé par de nouvelles tentatives d’émancipation vis-à-vis de la tutelle babylonienne.

La position de Sédécias était en outre assez ambiguë dans la mesure où son neveu Yehoyakin était toujours considéré comme le roi officiel de Juda, non seulement par beaucoup de sujets du royaume, mais aussi par les Babyloniens eux-mêmes. Des textes découverts à Babylone, qui montrent que Yehoyakin était un pensionnaire à la cour de Neboukadnetsar, le nomment “roi de Juda”, tandis que des jarres trouvées en Palestine portent l’inscription “Eliakim, intendant de Yehoyakin”; ceci prouve que le titre de roi couronné lui appartenait toujours. Même les Juifs qui se trouvaient à Babylone comptaient les dates et les années à partir de “l’exil du roi Yehoyakin”, comme l’indique le début du livre du prophète Ézekiel. D’après Jérémie chapitre 27, beaucoup en Juda avaient les mêmes sentiments et attendaient son retour d’exil avec impatience. L’ambiguité de la position de Sédécias sapa sans aucun doute l’autorité dont il pouvait disposer. Mais au même moment se trouvaient vraisemblablement en Juda des nobles ayant profité de la déportation de leurs prédécesseurs, et qui se considéraient comme le véritable reste de Juda auquel le pays appartenait de droit. Ceux-là commencèrent apparemment à nourrir l’espoir qu’une dynastie royale émergerait de la personne de Sédécias.

Bien qu’il ait solennellement fait serment d’allégeance vis-à-vis de Neboukadnetsar au nom de Dieu, Sédécias fut infidèle à ce serment de vassalité. Les archives babyloniennes indiquent que Neboukadnetsar eut affaire à une révolte à Babylone, ainsi qu’à d’autres troubles dans son empire, au cours des première années du règne de Sédécias (en 595 et 594). Il semble que des éléments de l’armée aient été impliqués dans cette rébellion. Certains des déportés juifs, excités par leurs prophètes qui leur faisaient miroiter l’éventualité d’une libération prochaine, furent incités à commettre des actes de désordre, et semblent avoir pris part à la révolte. Bien que nous ne connaissions pas l’étendue de cette sédition, certains des prophètes juifs furent exécutés par Neboukadnetsar en raison des propos qu’ils tenaient, comme le rapporte le chapitre 29 du livre du prophète Jérémie. Il est très probable que l’état de préoccupation de l’empereur vis-à-vis de ces événements souleva l’espoir des Judéens que l’empire babylonien disparaitraît sous peu. La conséquence en fut qu’au cours de sa quatrième année de règne, Sédécias rompit son serment d’allégeance à Neboukadnetsar en entrant dans une alliance avec Edom, Moab, Ammon, Tyr et Sidon. Des faux-prophètes leur assurèrent le succès de cette entreprise, mais le prophète Jérémie avertit ces nations ainsi que Sédécias contre la coalition qu’ils mettaient sur pieds. La coalition ne déboucha cependant pas sur une révolte ouverte contre Babylone, mais il est certain qu’elle y éveilla de forts soupçons quant à la loyauté de Sédécias. Certains pensent que l’ambassade envoyée par Sédécias à Babylone, et rapportée en Jérémie chapitre 29, visait précisément à donner des garanties de loyauté à Neboukadnetsar.

Cependant, en 589 avant Jésus-Christ, Sédécias se révolta ouvertement contre Neboukadnetsar. Cet événement est particulièrement souligné dans les annales de son règne, aussi bien dans le second livre des Rois (chapitre 24) qu’au second livre des Chroniques (chapitre 36) car il constitue la cause directe de la destruction de Jérusalem. Nous ne savons pas exactement quels actes Juda commit pour entrer de plein pied dans cette révolte. Un accord avec l’Égypte dut certainement être conclu: les deux pharaons égyptiens régnant à cette époque étaient Psammeticus II (de 593 à 588), puis son fils Hophra (de 588 à 569). Tous deux recommencèrent une politique d’interférence en Asie. En revanche, la révolte ne semble pas avoir été générale en Palestine et en Syrie. D’après ce que nous savons, seule Tyr (que Neboukadnetsar assiègera après la chute de Jérusalem) et Ammon, semblent s’être engagés. D’autres états étaient apparemment assez tièdes voire hostiles à l’idée d’une révolte, Edom se rangeant même du côté des Babyloniens. A en juger par ses fréquentes consultations avec le prophète Jérémie, Sédécias lui-même était loin d’être sûr de son fait, mais il était incapable d’offrir une résistance à l’enthousiasme de ses nobles.

La réaction de Babylone fut rapide. D’après II Rois 25 et Jérémie 52, l’armée babylonienne arriva dès Janvier 588 et mit le siège autour de Jérusalem. Les villes fortes de Juda furent prises l’une après l’autre jusqu’à ce que finalement seules demeurent encore, vers la fin de l’année, Lakish et Azekah. Des fouilles opérées sur le site de Lakish fournissent la preuve de la destruction que la ville dut subir durant les deux invasions babyloniennes, et de la reconstruction de ses défenses entre ces invasions. Des documents découverts à cet emplacement donnent une idée de l’activité régnant juste avant le second siège: établissement d’une liaison avec Jérusalem, échange de signaux entre les villes, envoi d’une mission en Égypte. La chute d’Azekah peut être illustrée par l’une des lettres de Lakish, dans laquelle un officier en charge d’un poste d’observation écrit au commandant de la garnison de Lakish pour lui dire que les feux servant de signaux à Azekah ne peuvent plus être vus. Le moral en Juda commença à baisser, plusieurs des dirigeants pensant que la cause était perdue. Sédécias consulta Jérémie pour savoir si l’Éternel interviendrait en sa faveur, mais le prophète répondit que la défaite était assurée. Sédécias chercha à apaiser l’Éternel en promettant de faire relâcher tous les esclaves hébreux. Probablement durant l’été 588, la nouvelle qu’une armée égyptienne était en marche força les Babyloniens à lever provisoirement le siège de Jérusalem. Il est très probable que les Égyptiens se soient mis en marche en réponse directe à l’appel lancé par Sédécias, appel reflété dans une des lettres de Lakish, laquelle nous dit que le commandant de l’armée de Juda se rendait en Égypte à ce moment. Une vague d’espoir et de détente s’empara de Jérusalem, tandis que seul Jérémie continuait à annoncer le pire. Sédécias revint alors sur sa promesse de faire libérer tous les esclaves hébreux, comme nous le lisons au chapitre 34 du livre du prophète Jérémie. Bientôt cependant les forces égyptiennes s’en retournèrent en Égypte, et les Babyloniens reprirent le siège de la ville de Jérusalem.

Bien que Jérusalem ait résisté héroïquement jusqu’à l’été suivant, son sort était scellé. D’après Jérémie chapitre 38, Sédécias voulut se rendre, mais eut peur de le faire. Le 18 juillet 587, alors que les réserves de vivres venaient d’être épuisées, les Babyloniens firent la brêche dans l’enceinte de la ville, et s’engouffrèrent dans Jérusalem. Avec plusieurs de ses soldats, Sédécias s’enfuit durant la nuit vers la rivière du Jourdain, espérant sans doute atteindre le territoire d’Ammon et y être, au moins temporairement, en sécurité. Mais il fut rattrapé près de Jéricho et amené devant Neboukadnetsar, à son quartier général de Riblah, en Syrie centrale. On ne lui témoigna aucune pitié. L’empereur babylonien avait fait avec lui un traité que Sédécias avait alors confirmé d’un voeu imprécatoire, c’est-à-dire que qu’il avait appelé sur lui toutes sortes de malédictions au cas où il contreviendrait aux termes de ce traité. Après avoir vu ses fils exécutés devant lui, on lui creva les yeux et il fut emmené, enchaîné, à Babylone, où il mourut. Ces faits sont rapportés en détail au second livre des Rois, chapitre 25, ainsi qu’au chapitre 52 du livre de Jérémie.

Un mois plus tard, vers le 12 ou le 15 Août, Nebuzaradan, commandant de la garde de Neboukadnetsar, arriva à Jérusalem et, exécutant les ordres qu’il avait reçus, mit le feu à la ville et réduisit en monceaux ses remparts. Les trésors de la ville avait déjà été enlevés lors du premier raid de 597. Cette fois-ci, les vases sacrés furent pris et transportés à Babylone, de même, semble-t-il, que l’arche de l’Alliance car c’était la coutume de Neboukadnetsar, en cas de victoire sur des peuples ennemis, de leur ôter tous leurs objets de vénération. Même les deux colonnes et la Mer de bronze furent emportés après avoir été brisés afn que leur métal puisse être transporté à Babylone. Voilà donc quelle fut la fin du temple de Jérusalem, qui avait été la gloire d’Israël.

Certains des officiers civils et militaires, ainsi que des membres du clergé et autres citoyens notables, furent emmenés à Riblah devant Neboukadnetsar, et exécutés sur place, tandis qu’une autre partie de la population était déportée à Babylone. L’état de Juda avait bel et bien disparu.

Amis auditeurs, si nous cherchons à tirer un enseignement des ces événements historiques intervenus il y deux mille six cents ans, nous pouvons nous tourner vers le livre des Chroniques, dans l’Ancien Testament, qui donne au chapitre 36 le compte-rendu suivant du règne de Sédécias: “Sédécias avait vingt et un an lorsqu’ il devint roi et il régna onze ans à Jérusalem. Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, son Dieu; et il ne s’humilia pas devant le prophète Jérémie, qui parlait au nom de l’Éternel. Il se révolta même contre le roi Neboukadnetsar, qui lui avait fait prêter serment de par Dieu; il raidit sa nuque et endurcit son coeur au lieu de revenir à l’Éternel, le Dieu d’Israël. Tous les chefs des sacrificateurs et le peuple multiplièrent aussi les pires infidélités, suivant toutes les horribles pratiques des nations; ils profanèrent la maison de l’Éternel, qu’il avait sanctifiée à Jérusalem. L’Éternel, le Dieu de leurs pères, leur avait envoyé de bonne heure des avertissements par l’intermédiaire de ses messagers, car il voulait épargner son peuple et sa propre demeure. Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, ils méprisaient ses paroles et se raillaient de ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel contre son peuple monte et soit sans remède. Alors l’Éternel fit monter contre eux le roi des Chaldéens (c’est-à-dire de Babylone) et tua par l’épée leurs jeunes gens dans leur temple; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni l’homme aux cheveux blancs. Il livra tout entre ses mains”. La Bible, amis auditeurs, ne laisse donc aucun doute sur l’identité et le pouvoir de Celui qui contrôle les événements historiques et exerce son jugement sur les nations infidèles. C’est ce même Dieu qui restaurera soixante dix ans plus tard Juda, et fera sortir de cette petite nation son messie, Jésus-Christ, appelé à régner non seulement sur Juda mais sur toutes les nations de la terre.