NICÉE-CONSTANTINOPLE: LA CONFESSION DE JÉSUS-CHRIST (1)

 

Amis auditeurs, la personne de Jésus-Christ a suscité au cours de l’histoire des deux derniers millénaires bien des questions, des débats, voire des controverses acharnées.  Jésus-Christ est-il vraiment le Messie promis aux Juifs, qui a accompli toutes les promesses de l’Ancien Testament?  N’a-t-il été qu’un prophète particulièrement inspiré, porteur d’un enseignement moral supérieur et digne d’être écouté, ou bien est-il véritablement le Fils de Dieu, comme le confessent les chrétiens?  Et que signifie exactement être le Fils de Dieu?  Jésus-Christ est-il appelé “Fils de Dieu” à cause de sa personnalité exceptionnelle, ou bien est-il lui-même vrai Dieu, au même titre que le Père céleste?  Aurait-il été un homme choisi, adopté et équipé par Dieu pour devenir son Fils et  faire connaître le Père aux hommes, ou bien serait-il Dieu de toute éternité, devenu homme pour un peu de temps, afin d’habiter parmi eux et accomplir une oeuvre unique de salut?  Toutes ces questions n’ont pas commencé à être posées à notre époque.  A vrai dire, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, elles ont été débattues avec une très grande intensité.  Voyez-vous, les chrétiens d’aujourd’hui, qu’ils soient européens, africains, asiatiques ou américains, ne sont pas une génération spontanée, née subitement et sans aucune racines .  Pour un chrétien, ignorer ces racines , méconnaître l’histoire de l’Église, revient forcément à appauvrir le contenu de sa foi propre, car c’est ignorer que Dieu tient les rênes de l’histoire, et en particulier de son peuple, les croyants.

 

C’est pourquoi je vous propose d’examiner ensemble un chapitre particulièrement significatif  de l’histoire de l’Église, celui qui a trait à la confession de foi de Nicée-Constatinople, rédigée et acceptée par l’Église chrétienne au quatrième siècle de notre ère, c’est-à-dire il y a quelque mille sept cents ans.  Vous verrez, à la lumière de ce chapitre, que toutes les questions sur la personne de Jésus-Christ que je viens d’énoncer, étaient d’une actualité brûlante, et que les réponses qui ont été données restent elles aussi d’une actualité brûlante pour les chrétiens contemporains et leur témoignage dans le monde.

 

Considérons d’abord, si vous le voulez bien, la situation historique qui prévalait avant la tenue du Concile de Nicée, en l’an 325 de notre ère.  L’empereur romain Constantin était au pouvoir depuis une dizaine d’années: il s’était converti à la foi chrétienne treize ans auparavant après une bataille décisive contre son ennemi Maxence et avait peu après, en 313, fait promulguer l’édit de Milan qui accordait la liberté de conscience et de culte aux chrétiens: en effet ceux-ci avaient été violemment persécutés sous le règne de l’empereur Dioclétien et de ses associés puis successeurs, à partir de 303.  Ce fut du reste la dernière grande persécution des empereurs romains contre les chrétiens: elle sévit particulièrement dans les provinces de l’est, avec les empereurs Galère et Maximin Daia.  Pour ces empereurs païens, le culte chrétien avait aliéné les dieux traditionnels de Rome , mettant en danger la stabilité et l’unité de l’empire.  Il fallait donc éliminer les chrétiens (qui étaient encore une minorité au sein de l’empire) d’abord de la cour impériale et de l’armée, puis de l’empire dans son ensemble.  Pour des raisons de santé, Dioclétien avait démissionné du pouvoir en 305 et s’était retiré dans sa province natale, la Dalmatie (aujourd’hui la Croatie, sur les bords de la mer Adriatique).  Son empereur associé, Maximien, avait été contraint fr démissionner lui aussi.  Le nouvel empereur qui dirigeait les provinces de l’ouest, Constantin Chlore, n’était pas favorable à une persécution des chrétiens, même si lui-même n’était pas un adepte du christianisme.  Lui et son fils, le jeune Constantin, étaient des adorateurs du soleil comme divinité unique.  En revanche, comme nous venons de le voir, Galère, l’empereur en charge des provinces de l’est, et son associé Maximin Daia, allaient poursuivre la persécution pendant des années, jusqu’à ce qu’ils l’abandonnent, ayant reconnu qu’elle n’avait pas eu le succès escompté.  Entre autres, le royaume d’Arménie qui avait été cédé par les Perses aux Romains, et était donc devenu le vassal de Rome depuis 298, avait adopté le christianisme comme religion officielle sous l’impulsion de son roi Tiridate vers l’an 301.  Maximim Daia s’était fixé comme objectif de le faire revenir aux coutumes païennes et avait entrepris une campagne militaire, laquelle se solda par un échec, en raison d’une épidémie qui décima son armée, épidémie aggravée par une famine.  La première nation au monde à avoir adopté le christianisme comme religion officielle était donc devenue, en l’espace de quelques années, la première nation à devoir défendre cette foi nouvellement adoptée contre ceux, bien plus puissants qu’elle, qui cherchait à l’en détourner.  Quoi qu’il en soit, tombé gravement malade en 311, l’empereur Galère proclama un édit de tolérance vis-à-vis des chrétiens, reconnaissant l’échec de l’entreprise de persécution.  Il s’était rendu compte que non seulement les chrétiens ne s’étaient pas éloignés de leur foi et de leurs coutumes, mais qu’en plus ils avaient été détournés de prier leur dieu pour le bien de l’empire, ce que Galère leur enjoignait maintenant de faire dans son édit.  Peut-être attribuait-il aussi sa maladie au fait qu’il avait irrité le dieu des chrétiens, cherchant maintenant à se concilier sa faveur.  Pourtant, peu après avoir promulgué cet édit de tolérance, Galère allait être emporté par cette même maladie.  Dès sa mort, Maximin Daia reprenait les persécutions contre les chrétiens dans les provinces de l’est qui lui étaient échues.  A l’ouest de l’empire, dans les provinces de Gaule, d’Angleterre et d’Espagne, l’empereur Constantin Chlore était mort en 306, et son fils Constantin avait été porté à la dignité impériale par les troupes de son père dès son arrivée en Angleterre.  Le conflit pour le pouvoir allait bientôt éclater entre Constantin et un usurpateur, Maxence, qui s’était rendu maître de l’Italie et de l’Afrique du nord.  Maxence était lui-même le fils de Maximien, l’empereur associé à Dioclétien qui avait été obligé de démissionner avec celui-ci en 305.  Un autre candidat à la dignité impériale, Licinius, combattait Maximin Daia à l’est après la mort de Galère, et avait fait alliance avec Constantin, tandis que Maxence et Maximin Daia s’étaient eux-mêmes alliés.  Comme vous le voyez, ces années furent extrêmement troublée pour l’empire romain, avec ces luttes sans merci entre équipes rivales luttant pour la suprématie.  L’année 313 allait voir cet écheveau se débrouiller.  Lors d’une bataille, Licinius vainquit son rival Maximin Daia et s’empara donc de toutes les provinces de l’est.  Exactement une année auparavant, Constantin, quant à lui, avait vaincu Maxence à la bataille du Pont Milvien, juste en dehors de Rome , sur le fleuve Tibre.  Or, la veille de cette bataille décisive, Constantin eut un rêve: il vit les lettres initiales du nom de Christ et une phrase qui disait: “Par ce signe tu vaincras”.  Persuadé qu’il s’agissait là d’un augure, il fit peindre ces deux lettres de l’alphabet grec sur les boucliers de ses soldats, ayant résolu de confier le sort de la bataille à ce Dieu dont il n’était pourtant pas un adepte, même s’il s’était opposé, comme son père, aux persécutions contre les chrétiens à l’ouest de l’empire.  Le lendemain, il remportait cette bataille, malgré des forces très inférieures en nombre à celles de l’armée ennemie.  Son rival Maxence y perdait même la vie.  Constantin entra donc triomphalement dans Rome , mais omit de rendre des actions de grâces aux divinités traditionnelles, ayant accepté que sa victoire lui avait été accordée par le dieu des chrétiens.  Le continuateur de l’oeuvre administrative et militaire de Dioclétien (qui allait mourir dans sa retraite de Dalmatie l’année suivante, en 313) considérait désormais le dieu chrétien comme le protecteur de l’empire.

 

Cela dit, Constantin ne supprima pas tout d’un coup de la partie  de l’empire qu’il dirigeait les signes du paganisme romain traditionnel, loin de là.  Il était conscient que les chrétiens formaient encore une minorité au sein de l’empire, et qu’il fallait ménager les païens.  Les pièces de monnaie qu’il fit frapper représentaient encore le dieu soleil dont il avait été l’adepte.  Il reçut le titre de Pontifex Maximus, c’est-à-dire de Grand Prêtre du culte païen.  Mais dès 313, avec son associé Licinius, il proclamait dans la ville de Milan, au nord de l’Italie, un édit qui accordait la liberté de conscience aux chrétiens et une pleine égalité avec les autres cultes.  Les propriétés des églises qui leur avaient été confisquées lors des persécutions, leur étaient retournées.

 

Nous verrons la prochaine fois que le rôle de Constantin ne se limita toutefois pas à accorder la liberté de culte aux chrétiens et à leur garantir que de nouvelles persécutions n’éclateraient pas.  Il allait jouer un rôle majeur dans la vie de l’Eglise, en tâchant de résoudre les conflits internes qui se développaient en son sein.  C’est d’ailleurs ce rôle croissant qui l’amenerait à convoquer un concile dans la ville de Nicée, en l’an 325.