NICÉE-CONSTANTINOPLE: LA CONFESSION DE JÉSUS-CHRIST (2)

 

Nous avons vu ensemble la dernière fois  comment l’empire romain, après avoir violemment persécuté les chrétiens sous l’empereur Dioclétien et ses successeurs au début du quatrième siècle,  avait radicalement changé de direction avec l’accession au pouvoir de Constantin en 312.  Avec son associé Licinius, qui dirigeait les provinces de l’est, Constantin avait proclamé un édit de tolérance à Milan , au nord de l’Italie: cet édit mettait fin à des décennies de persécutions sporadiques.  Le droit de culte était accordé aux chrétiens au même titre que les autres religions en cours dans l’empire, tandis que les propriétés qui avaient été confisquées aux églises, leur étaient rendues.  Constantin, qui était devenu un adepte du christianisme après sa victoire sur son rival Maxence au Pont Milvien, tout près de Rome, n’avait cependant pas renoncé à beaucoup de signes et symboles païens, pour ne pas s’aliéner le soutien de tout ceux (et ils étaient encore majoritaires dans l’empire) qui restaient attachés aux vieilles traditions religieuses romaines.  De son côté, Licinius, un adhérent loyal du paganisme, n’était pas prêt à accorder plus de privilèges aux églises qu’il ne fallait, et appliquait l’édit de Milan très parcimonieusement dans les provinces de l’est, tâchant même de réduire progressivement leur vie publique.  En fait, la tension entre lui et Constantin allait grandir durant la décennie à venir, au point qu’en 324 cette situation amena ce dernier à envahir les provinces de l’est.  Après deux engagements militaires perdus par Licinius, celui-ci fut forcé de se retirer dans la ville de Thessalonique, en Grèce, et fut finalement mis à mort.  Désormais, Constantin était le seul maître de l’empire, et la cause de Rome et celle de Christ semblaient être devenues une et même cause.

 

Dès son accession à la tête de l’empire, Constantin avait pris un conseiller pour les affaires ecclésiastiques, en la personne d’Hosius, évêque de Cordoue, au sud de l’Espagne.  L’empereur faisait régulièrement des dons en argent aux églises pour leurs activités caritatives et faisait aussi construire des basiliques à ses propres frais.  Mais dès le début, il avait dû prendre connaissance d’une rupture au sein des églises d’Afrique du nord, suite aux persécutions du début du siècle.  On y vénérait les martyrs, ceux qui étaient morts pour leur foi sans renier Jésus-Christ.  Un courant largement représenté au sein des ces églises considérait qu’un évêque qui avait abjuré la foi chrétienne même momentanément, par peur de la persécution, ne pouvait avoir accompli d’acte ecclésiastique valide, comme par exemple une ordination.  Ainsi donc, si un évêque avait fait preuve de faiblesse à un moment donné de son office, même ses actes officiels étaient nuls et non avenus. Pour réintégrer la communauté des croyants, il fallait qu’il soit baptisé à nouveau et, pour ainsi dire, qu’il soit de nouveau sauvé.  L’Eglise dite des martyrs, ceux qui n’avaient jamais abjuré leur foi, était représentée par Donatien.  En revanche l’évêque Cécilien représentait les églises qui maintenaient des liens avec les autres églises de l’empire et qui acceptaient en leur sein ceux qui s’étaient repentis d’avoir abjuré à un moment ou un autre, sans qu’ils soient baptisés à nouveau.  On leur prescrivait seulement l’observation d’une pénitence décidée localement.  Du reste, Cécilien ne favorisait pas le culte des martyrs. Or  un des évêques qui avait ordonné Cécilien avait à un moment donné fait preuve de faiblesse, en remettant tous les livres sacrés aux autorités romaines pour qu’ils soient brûlés, au moment de la persécution lancée par Dioclétien.  Ce qui amena les partisans de Donatien à considérer que l’élection et l’ordination de Cécilien n’étaient pas valable.  De plus il y avait une question politique liée à l’élection hâtive de Cécilien comme nouvel évêque après la mort de son prédécesseur, car les évêques de la province de Numidie, en Afrique du nord, n’avaient pas été consultés à ce sujet. Où se trouvait donc la véritable église? Du côté de Cécilien ou du côté de Donatien? Constantin intervint dans cette affaire pour reconnaître l’office de Cécilien et son groupe comme étant l’église dite catholique, c’est-à-dire celle qui représentait la vérité en communion avec les autres églises de l’empire.  Mais les Donatistes insistèrent fortement  en soutenant qu’eux seuls formaient la véritable église.  Constantin décida alors de référer cette affaire à un concile d’évêques comprenant l’évêque de Rome et trois évêques gaulois. Ce concile ayant confirmé la validité de l’ordination de Cécilien et le fait que son groupe était véritablement catholique, les Donatistes firent appel de cette décision, ce qui amena Constantin à  convoquer un synode plus large en 314, dans la ville d’Arles, en Gaule.  Ce concile maintint la décision du concile précédent mais les Donatistes ne s’avouèrent pas vaincus.  Constantin tenta alors de réduire par la force ce mouvement, mais en vain.  En 321 il leur accordait à nouveau la liberté de culte, n’ayant pas réussi à les soumettre par la violence.  Le schisme en Afrique du nord allait durer encore un siècle. 

 

Une autre question, cette fois théologique, divisait les églises des provinces de l’est.  Après l’élimination de Licinius en 324, Constantin découvrit que la querelle en question faisait rage: elle concernait la nature de la relation entre Dieu et sa Parole Incarnée, c’est à-dire Jésus-Christ. Le mot grec pour la parole divine, est “Logos”, comme on le trouve au début de l’évangile de Jean: Au commencement était la Parole [Logos], et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.  Parallèlement la relation entre ce Logos et la réalité créée était aussi en question.  Ce débat ne serait en fait résolu officiellement que soixante ans plus tard.  La controverse avait commencé à Alexandrie, probablement en 318. Le presbytre  - ou, si vous voulez,  ancien de l’église - Arius présidait sur une paroisse locale et était une figure assez populaire de l’église à Alexandrie.  Il soutenait l’idée que le Logos est une créature qui a été appelée à l’existence par Dieu à partir de la non-existence.  Il y a eu un temps, disait Arius, où il n’existait pas.  Le Fils de Dieu n’a donc pas d’existence éternelle tout comme le Père, soutenait Arius.  En tant que créature, il était sujet à des changements et capable  - au moins en principe - de manifester soit le vice soit la vertu.  L’évêque principal d’Alexandrie, qui s’appelait Alexandre, ayant pris connaissance de ces vues sur le Logos, ou Fils de Dieu, enjoignit alors à Arius de cesser de les répandre, mais celui-ci, qui disposait d’un fort soutien, continua.  La controverse devenait de plus en plus répandue et aigüe.  Alors Alexandre réunit un concile d’une centaine d’évêques égyptiens qui déposa Arius et ses associés.  Mais entre-temps, Arius avait fui en Palestine où il continua à gagner le soutien des uns et des autres.  Appuyé par ceux-ci il chercha à faire pression sur Alexandre pour être restauré dans son office de presbytre à Alexandrie, et une campagne de lettres écrites d’un côté et de l’autre s’ensuivit.  Alexandre soutenait que le Fils de Dieu est engendré éternellement, et non dans le temps, et qu’il provient de Dieu lui-même et pas de la non-existence: il est sans changement et parfait dans sa divinité.  Mais Arius répondait que l’enseignement d’Alexandre impliquait deux dieux co-existant l’un à côté de l’autre.  Que voulait dire exactement “être engendré”?  Ou bien Dieu seul est éternel et tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, est “engendré” n’est pas de même essence que lui, et ne peut donc prétendre à une divinité semblable, ou bien il y a plus qu’un Dieu, et nous sommes donc de nouveau dans le polythéisme, comme les païens, c’est-à-dire que nous croyons en l’existence de plusieurs dieux.  Comme vous le voyez, c’est toute la question de l’enseignement sur l’être même de Dieu, en fait sur la Trinité, qui se posait avec acuité à l’Eglise et qu’il fallait trancher en recourant à l’Ecriture Sainte.

 

Voilà donc, amis auditeurs,  le noeud de la controverse arienne, qui allait forcer Constantin à convoquer un grand concile pour définir la foi de l’Eglise à cet égard.  Nous verrons la prochaine fois comment ce Concile à été mis en place et sur quoi il a abouti.

 

 

.