NICÉE-CONSTANTINOPLE: LA CONFESSION DE JÉSUS-CHRIST (3)

Comme nous l’avons vu la dernière fois, amis qui êtes à l’écoute,  l’Eglise chrétienne vers l’an 320 de notre ère était secouée par une querelle qui divisait les églises d’Egypte et d’Asie Mineure: la querelle arienne, du nom du presbytre Arius. Celui-ci soutenait que le Logos dont parle le Nouveau Testament, c’est-à-dire la personne de Jésus-Christ, ne pouvait pas être de même nature que Dieu, car cela aurait impliqué un deuxième Dieu à côté de Dieu. Il affirmait que le Logos est une créature qui a été appelée à l’existence par Dieu à partir de la non-existence.  Il y a eu un temps, disait Arius, où il n’existait pas.  Le Fils de Dieu n’a donc pas d’existence éternelle tout comme le Père.  En tant que créature, il était sujet à des changements et capable  - au moins en principe - de manifester soit le vice soit la vertu.  Beaucoup d’évêques ont pris position sur ce débat de manière très tranchée et polémique, que ce soit pour des raisons purement doctrinales, ou pour des raisons de prestige personnel.  Au début, l’empereur Constantin a tâché de jouer les conciliateurs en envoyant son conseiller personnel pour les affaires ecclésiastiques, l’évêque Hosius de Cordoue.  Après sa visite en Egypte, celui-ci  présida sur une assemblée d’évêques dans la ville d’Antioche, en Syrie, laquelle émit une déclaration sur cette question qui prenait le contrepied des affirmations d’Arius: elle insistait sur le fait que le Logos existe éternellement et qu’il n’a pas été fait; il est inchangeable. Encouragé, Constantin décida alors de convoquer un grand concile pour résoudre la question définitivement.  Il appela donc tous les évêques de l’empire à se réunir dans la ville de Nicée, sur le détroit du Bosphore, au mois de mai  de l’an 325.  Il paya lui-même tous leurs frais de voyage, ce à quoi ils n’étaient pas habitués, car nombre d’entre eux avaient subi une persécution violente de la part des prédécesseurs de Constantin à peine quinze ans auparavant.  Quoiqu’il en soit, sur les deux cents ou trois cents évêques à s’être rendus à Nicée, la très grande majorité venaient des provinces de l’est.  Seuls six évêques venaient de l’ouest de l’empire.  Un petit nombre, menés par Eusèbe de Nicomédie,  représentait la position d’Arius pure et dure.  Un autre groupe, lui aussi minoritaire, soutenait la position directement opposée, celle de l’évêque d’Alexandrie. Entre eux se trouvaient le jeune Athanase, diacre de l’église d’Alexandrie, appelé à succéder à Alexandre.  La majorité soutenait la position traditionnelle des églises de l’est: il y a un premier principe éternel et inchangé, Dieu, qui engendre un Fils lequel est son image, le Logos, et par cette image le premier principe divin appelle à l’existence un monde de créatures, tirées de la non-existence.  L’empereur Constantin présidait lui-même aux sessions du Concile.  Peu après son ouverture, les Ariens présentèrent une confession de foi qui fut rejetée par la majorité des participants.  Le ton était donné.  Plusieurs autres formules furent introduites et, en y ajoutant des expressions très significatives, on arriva peu à peu à la confession qui allait s’imposer comme le critère de l’orthodoxie, c’est-à-dire du contenu de la vraie foi: Jésus-Christ était appelé “vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, de la même essence que le père.”  Ces expressions excluaient absolument l’idée que le Logos est une créature, elles affirmaient qu’il est véritablement le Fils éternellement engendré de Dieu, et elles insistaient qu’il appartient au même ordre d’être que Dieu.  Pourtant, dès le début, certains avaient des doutes sur la formulation adoptée.  En particulier le mot grec “homoousios”  - celui-là même qui signifie “de la même substance”, ou “essence”  - suscitait des questions.  Voulait-il dire exactement de la même substance, ou bien d’une substance très similaire?  La deuxième interprétation laissait naturellement la porte ouverte à une conception du Logos comme n’étant après tout pas pleinement divin, même si étant très proche de l’état divin.  Et puis c’était un terme qu’on ne trouve pas dans la Bible.  Les gens plus populaires auraient pu comprendre que le Logos était une sorte d’ “extension”, ou de “morceau” de la matière divine, et donc suggérer que Dieu lui-même est corporel, visible et changeable.  Il existait aussi une conception, nommée “monarchianisme” selon laquelle Dieu se manifeste tantôt comme Père, tantôt comme Fils, tantôt comme Saint Esprit, au gré de sa volonté et de ses manifestations, mais sans qu’il y puisse y avoir trois personnes divines de même essence co-existant éternellement.  Les églises de l’est surtout, rejetaient très fortement le monarchianisme. Or la aussi, le mot “homoousios”, en soulignant la similarité d’être entre Dieu et le Logos, sa Parole éternelle,  aurait pu être compris comme niant la distinction des personnes divines.  En dépit de toutes ces réticences de la part de beaucoup, l’énorme majorité des évêques présents à Nicée signa cette confession, ce Credo, à l’exception de deux évêques.  Mais après le concile, beaucoup tâchèrent d’en minimiser la portée, et de le citer le moins possible.  Si l’unité de l’église et de la foi qu’elle confesse sortait officiellement renforcée du concile de Nicée, en revanche  bien des débats allaient encore avoir lieu sur la signification précise des termes employés.  L’Arianisme, du reste, subsisterait en Europe pendant quelque quatre siècles, notamment au sein des tribus germaniques.  Athanase, le successeur de l’évêque Alexandre d’Alexandrie, allait dédier sa vie à défendre la définition de Nicée contre vents et marées, au prix de cinq exils dramatiques en cinquante ans de carrière.   Pendant des années, il allait trouver refuge dans les monastères égyptiens où les moines lui étaient favorables. Constantin, lui, était décédé en l’an 337, s’étant fait baptiser sur son lit de mort par l’évêque Eusèbe de Nicomédie.  A cette date, on peut dire que les tenants de la théologie traditionnelle de l’est, qui étaient réticents vis-à-vis de la formulation de Nicée, dominaient le paysage ecclésiastique et allaient recevoir le soutien des empereurs romains pendant une bonne cinquantaine d’années.

La confession de foi définie initialement à dans la ville de Nicée est connue sous le nom de Symbole (c’est-à-dire credo, ou confession) de Nicée-Constantinople.  La raison en est qu’un autre concile d’une très grande portée se tint dans la ville impériale de Constantinople en l’an 381, sous le règne de l’empereur Théodose, donc 56 ans après le concile de Nicée.  Son but était d’affirmer la pleine divinité du Saint Esprit, qui était niée par le parti des Macédoniens. Auparavant,  ceux-ci avaient aussi nié la divinité du Fils, mais s’étaient finalement ralliés à la confession de Nicée.  Un Père de l’Eglise de la région de Cappadoce, Basile de Césarée, avait fortement milité par ses écrits pour cette reconnaissance de la divinité pleine et entière du Saint Esprit.  A Constantinople fut émise dans un symbole baptismal la déclaration selon laquelle le Saint Esprit, qui règne et donne la vie -  ou vivifie -  est adoré et glorifié avec le Père et le Fils.  Cette déclaration, acceptée par les cent cinquante évêques présents à Constantinople , allait être employée de plus en plus fréquemment dans la liturgie et la formule de baptême; elle devint officielle lors d’un autre concile d’une importance majeure, celui de Chalcédoine, tenu en l’an 451.  En tous cas, à Constantinople , le parti arien avait définitivement perdu, malgré tout l’appui dont il avait bénéficié de la part de certains empereurs romains après Constantin.  Cette défaite était le fruit du travail sans relâche de figures exceptionnelles de l’Eglise au quatrième siècle, telles qu’Athanase, mort en l’an 373,  Basile de Césarée, son jeune  frère Grégoire de Nysse et leur compagnon cappadocien Grégoire de Nazianze.  Par leurs écrits persuasifs et d’une grande pénétration, ils avaient réussi  à rallier autour de la définition de Nicée la majorité de tous ceux qui été opposés à l’Arianisme sans pourtant s’être mis d’accord sur une définition commune.  De plus, dès l’an 380, l’empereur d’orient Théodose et son collègue d’occident Gratien avaient promulgué un édit  décrétant que tous les peuples de l’empire devaient désormais pratiquer la religion professée par l’évêque de Rome et celui d’Alexandrie, c’est-à-dire le christianisme confessant l’unique divinité du Père, du Fils et du Saint Esprit.  Le christianisme issu de Nicée était donc devenu la religion officielle de l’empire romain, quelque soixante sept ans après l’édit de Milan , qui lui avait simplement donné un droit d’existence à côté des religions païennes traditionnelles en cours dans l’empire romain.

Ce qu’il faut retenir de ces controverses théologiques du quatrième siècle, amis auditeurs, c’est qu’elles ont contribué de manière cruciale à clarifier et exprimer la foi chrétienne en un seul Dieu distingué en trois personnes au statut divin égal, et non en trois dieux associés l’un à l’autre, ou encore un seul Dieu ayant deux agents subalternes, le Fils et le Saint Esprit.  Les trois personnes divines existent ensemble éternellement dans un rapport d’amour et de parfaite harmonie. Elles contribuent à tous les actes de la Création, de la Providence et du Salut, de manière à la fois distincte mais jamais indépendante l’une par rapport à l’autre.  Il n’y a pas un principe divin qui se manifeste tantôt comme Père, tantôt comme Fils, tantôt comme Saint Esprit, selon les nécessités du moment, ni trois personnes qui possèdent chacune un tiers de divinité seulement,  mais une parfaite unité des trois personnes dans une seule et même essence divine.  Voilà donc le Dieu qu’adorent les chrétiens, et qu’ils retrouvent sur les pages de sa Révélation spéciale, qui est la Bible.  C’est de ce Dieu là, et pas d’un autre, que les pères de l’Eglise du quatrième siècle ont voulu rendre compte en lisant la Bible attentivement et avec le plus grand respect.  L’héritage qu’ils ont légué à l’Eglise à travers les siècles demeure vivant aujourd’hui encore, et définit toujours le vrai contenu de la foi chrétienne, lorsqu’on cherche à le mesurer à l’aune de l’Ecriture Sainte.