CHRIST L’ALPHA ET L’OMEGA (2)

 

Aujourd’hui, amis qui êtes à l’écoute, nous poursuivons ensemble une méditation sur le premier chapitre de la lettre de Paul aux Colossiens, dans le Nouveau Testament, à la lumière du remarquable commentaire qu’en a donné dans ses écrits le réformateur du 16e siècle Jean Calvin.  Lors de notre dernière émission j’ai insisté sur ce motif de la Réforme qui transparaît si fortement dans le commentaire de Calvin sur les paroles de l’apôtre Paul: Par Christ seulement.  Les chrétiens n’ont-ils pas parfois honte de proclamer haut et fort ce motif, craignant peut-être qu’il ne fasse de l’ombre au Père céleste?  Mais la Réforme a aussi propagé cet autre motif: Par l’Ecriture seulement.  Or un tel motif ne signifie rien d’autre que Jésus-Christ est la parole et la sagesse éternelles de Dieu qui s’est incarnée en une personne humaine, et que l’Ecriture elle-même trouve son accomplissement en lui!  Et lorsque la Réforme a lancé cet autre motif: Par la Grâce seulement, elle a voulu dire que Dieu manifeste sa Grâce en et par Jésus-Christ seulement, et par nul autre moyen.  Quant à cet autre motif central de la Réforme: Par la foi seulement, que signifie-t-il, si ce n’est par la foi en Jésus-Christ seulement?  En effet, tâcher de passer outre Jésus-Christ serait tout simplement retourner à l’abîme de ténèbres dont les croyants ont été retirés.  Or c’est justement pour cet acte de délivrance que Paul rends grâces au Père.  Reprenons les paroles de Paul au début de ce passage:  Rendez grâces avec joie à Dieu le Père qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.  Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés.  Calvin commente de la manière suivante cette action de grâces: Paul parle encore du Père, car il est le commencement et la cause efficiente - comme on dit – de notre salut.  Comme le mot de Dieu exprime plus clairement la majesté, le nom de Père signifie la clémence et l’affection cordiale.  Il faut que nous contemplions l’une et l’autre en Dieu, afin que sa majesté nous incite et à l’avoir en respect, et que son amour paternel engendre en nous une pleine assurance.  Ainsi, ce n’est pas sans cause que Paul a conjoint ces deux choses ensemble.  Mais de quel bienfait rend-il grâces à Dieu?  De ce qu’il l’a rendu capable, et les autres aussi, de participer à l’héritage des saints.  Car nous naissons enfants de colère, bannis du royaume de Dieu, et c’est la seule adoption de Dieu qui nous en rend capables.  Or cette adoption dépend de l’élection gratuite.  L’esprit de régénération est le sceau de l’adoption.  Paul ajoute “dans la lumière”, afin qu’il y ait une opposition entre les ténèbres du royaume de Satan, et la lumière du royaume de Dieu.

Et Calvin continue son commentaire sur les paroles suivantes de l’apôtre Paul: “…qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres…”: Voici le commencement de notre salut, quand Dieu nous délivre du fond de la ruine dans laquelle nous sommes plongés.  Car là où sa grâce manque, il n’y  a que ténèbres, comme dit Esaïe: “ Voici, les ténèbres couvriront la terre, et l’obscurité couvrira les peuples; mais le Seigneur se lèvera sur toi, et sa gloire sera vue de toi.”  Premièrement, nous-mêmes sommes appelés ténèbres, puis le monde entier, et Satan, le prince des ténèbres, sous la tyrannie duquel nous sommes détenus captifs, jusqu’à ce que nous soyons délivrés et affranchis par la puissance du Christ.  Recueillons de ceci que le monde entier, avec toute sa sagesse et justice fardées, n’est estimé autre chose devant Dieu que ténèbres, parce que hors le royaume de Christ il n’y a point de lumière. 

Ensuite Calvin aborde les paroles: “Et nous a transportés au royaume du fils de sa dilection.”  Ce sont déjà les commencements de notre béatitude, quand nous sommes transportés au royaume du Christ, d’autant que nous passons de la mort à la vie.  Saint Paul attribue ceci aussi à la grâce de Dieu, afin que nul ne pense pouvoir obtenir un si grand bien par son propre effort.  Comme donc notre délivrance de la servitude du péché et de la mort est l’oeuvre de Dieu, ainsi autant en faut-il dire de ce que nous passons dans le royaume du Christ.  Il appelle Jésus-Christ Fils de dilection, ou le Fils très cher du Père, parce que c’est lui seul en qui le Père a pris tout son bon plaisir, comme il est dit dans l’évangile selon  Matthieu, et par lequel tous les autres sont aimés.  Car il faut que nous tenions pour tout certain que nous ne sommes pas agréables à Dieu autrement que par Christ.  Il ne faut pas douter que Paul veuille tacitement noter la séparation mortelle que les hommes ont d’avec Dieu, jusqu’à ce que la dilection apparaisse en la personne du Médiateur. 

Amis auditeurs, comme le souligne abondamment Calvin, notre rédemption est en Christ, et s’exprime dans le pardon de nos fautes, mais qui exactement est notre Sauveur?  Quelle est son identité?  Paul doit expliquer à ses lecteurs, lesquels étaient captifs d’une croyance en toutes sortes d’autres médiateurs secondaires, pourquoi ils se trompent, pourquoi ils mettent leur confiance dans des créatures qui ne peuvent pas être des médiateurs, même si ce sont des créatures célestes.  Dieu s’est parfaitement fait connaître à nous en Jésus-Christ, c’est la raison pour laquelle Christ est appelé l’image du Dieu invisible.  Le Fils bien-aimé de Dieu est celui en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés, écrit Paul.  Calvin commente comme suit: Maintenant, Paul continue de montrer par ordre que toutes les parties de notre salut sont contenues en Christ, et que lui seul doit être apparent et en vue par-dessus toutes les créatures, parce qu’il est le commencement et la fin de toutes choses.  Il dit en premier lieu que nous avons en lui la rédemption et la délivrance, et il précise aussitôt après que c’est la rémission des péchés, car ces deux choses sont conjointes ensemble par une apposition: car quand Dieu nous remet nos péchés, il nous exempt aussi de la condamnation de la mort éternelle.  Voilà notre liberté et notre gloire contre la mort: que nos péchés ne nous sont pas imputés!  Il dit que cette délivrance a été acquise par le sang du Christ, car, par le sacrifice de sa mort, tous les péchés du monde ont été purifiés.  Souvenons-nous donc que le sang du Christ est le seul prix de la réconciliation.

Paul s’élève encore plus haut en parlant de la gloire du Christ.  Il l’appelle l’image du Dieu invisible, signifiant par là que c’est lui seul par lequel Dieu (autrement invisible) nous est manifesté, selon qu’il est dit, au début de l’Évangile de Jean: “Nul n’a jamais vu Dieu; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui-même l’a raconté.” Saint  Paul veut dire en somme, que Dieu est invisible en soi, c’est-à-dire en sa majesté nue, et non seulement aux yeux corporels, mais aussi aux entendements humains, mais qu’il nous est manifesté en Christ seul, en sorte que nous le contemplons en lui comme en un miroir.  Car en Christ il nous montre sa justice, sa bonté, sa sagesse et sa puissance, voire soi-même tout entier.  Gardons-nous donc de le chercher ailleurs, car tout ce qu’on voudra mettre en avant pour représenter Dieu hors de Christ, ce sera une idole!

Il est le premier-né de toute créature: La raison pour laquelle il est ainsi appelé est mise aussitôt après: c’est parce que toutes choses ont été créées en lui, de même qu’il est nommé après “le premier-né d’entre les morts”, parce que nous ressuscitons tous par lui.  C’est pourquoi il n’est pas seulement appelé premier-né, parce qu’il a précédé dans le temps toutes les créatures, mais parce que le Père l’a engendré afin qu’elles soient créées par lui, et qu’il soit comme la substance ou le fondement de toutes choses.  L’argument des ariens est donc vain, qui déduisaient de ceci que le Christ est une créature, car il n’est pas ici parlé de ce qu’il est en soi-même, mais de ce qu’il fait dans les autres.

De nos jours, amis auditeurs, on est confronté dans l’Eglise à toutes sortes de faux enseignants qui ne cherchent pas seulement à réintroduire dans de nouveaux accoutrements l’ancien arianisme – lequel, rappelons-le, nie la pleine et entière divinité de Jésus-Christ – mais aussi à briser l’unité de la Révélation divine, comme si chaque auteur biblique avait sa propre théologie, ses propres idées sur Dieu, sur la vraie religion etc.: il y aurait la théologie de Paul, différente de celle de Jean, ou de Luc.  Mais voyez combien est forte l’unité que l’on trouve, par exemple,  entre les écrits de Jean et de Paul dans le Nouveau Testament: on trouve chez Jean la même opposition entre la lumière et les ténèbres que l’on retrouve chez Paul.  Nous lisons ceci sous la plume de Paul, dans ce premier chapitre de la lettre aux Colossiens: Car en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est invisible, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs.  Tout a été créé par lui et pour lui.  Et voici ce que nous lisons au tout début de l’Evangile de Jean:  Au commencement était la parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.  Elle était au commencement avec Dieu.  Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.  En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.  Comment ne pas voir la très forte similarité de pensée et d’expression dans ces deux textes d’auteurs différents?  Comment ne pas voir que chacun, avec son génie et son style respectif, est conduit par le même Esprit? 

Lors de notre prochaine émission, nous continuerons cette méditation sur le premier chapitre de la lettre de Paul aux Colossiens, à la lumière du commentaire de Jean Calvin sur ce passage.