J’AI
SOIF (1)
Une des paroles prononcées par Jésus sur la Croix, amis
qui êtes à l’écoute, a été: J’ai
soif. Parole si simple, si émouvante
et si compréhensible au vu des circonstances, que vous vous demanderez peut-être
pourquoi il faut lui consacrer toute une méditation.
Comment Jésus n’aurait-il pas soif alors qu’il n’a rien bu depuis
de longues heures et qu’entre temps il a été martyrisé, torturé?
Un tel cri va de soi, n’est-ce pas?
Doit-on commenter à ce sujet? Ne devrait-on pas plutôt rester
silencieux, et simplement contempler les souffrances du Seigneur? Peut-être
le pensez-vous… Et pourtant, cette
parole toute simple fait partie de tout l’Evangile, au sujet duquel Jean, qui
l’a rapportée, écrit un peu après:
Ceci est écrit afin que vous croyiez que
Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant, vous ayez la vie en
son nom. La soif de Jésus
sur la Croix a donc affaire avec mon salut personnel.
Comment est-ce que je le comprends? Il
faut bien que cela me soit expliqué. Autrement,
cela implique que le cri de Jésus sur la Croix n’est qu’une goutte d’eau
dans l’océan des cris de désespoir qui ont été exprimés depuis le début
de l’humanité. Pourquoi celui-ci
diffèrerait-il de tous les autres?
Pourtant, l’évangéliste nous donne une claire
indication qu’il y a quelque chose de très spécial à saisir dans ce cri de
Jésus, lorsqu’il écrit: Après cela, Jésus,
qui savait que tout était déjà accompli, dit, afin que l’Ecriture soit
accomplie: J’ai soif. Il y avait là
un vase plein de vinaigre. On
fixa à une tige d’hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha
de sa bouche. Quand il eut pris le
vinaigre, Jésus dit: Tout est accompli. Puis
il baissa la tête et rendit l’esprit. L’évangéliste
Jean place donc cet incident dans un contexte très large, celui de l’Ecriture
et de son accomplissement, en fait dans le contexte
de tout le plan de salut pour les hommes.
Par l’Ecriture, il nous faut naturellement comprendre l’Ancien
Testament, amis auditeurs, puisque les différents écrits qui forment le
Nouveau Testament n’avait pas encore été rassemblés, même si à l’époque
de la rédaction de cet évangile, la plupart étaient déjà rédigés.
Ni Jean ni les autres évangélistes ne s’attardent à nous décrire en
détail les souffrances de Jésus pour
susciter en nous des émotions ou des réactions diverses.
Ils se concentrent sur l’essence de sa mission sur terre, sur le plan
divin de salut. C’est la raison
pour laquelle il est important d’aller voir dans l’Ancien Testament un
certain nombre de passages auxquels
Jean se réfère lorsqu’il écrit: Afin
que l’Ecriture soit accomplie.
Le livre des Psaumes en tout premier lieu, et d’abord le
psaume 69, dont je vais maintenant vous lire plusieurs extraits.
Dans un poignant appel au secours, le psalmiste invoque Dieu et implore
son aide: Sauve-moi ô mon Dieu!
Car les eaux me viennent jusqu’à la gorge.
J’enfonce dans la fange profonde, sans pouvoir me tenir, je suis
parvenu au tréfonds des eaux, un courant me submerge.
Je m’épuise à crier, mon gosier se dessèche, mes yeux défaillent
dans l’attente de mon Dieu. Ils
sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, ceux qui me haïssent sans
cause; ils sont puissants, ceux qui veulent me réduire au silence, qui sont à
tort mes ennemis; ce que je n’ai pas dérobé, il faut que je le restitue. Je
vous lis maintenant les versets 20 à 22 de ce psaume, et vous comprendrez
pourquoi il se trouve au coeur de la parole rapportée par l’évangéliste
Jean: Tu
connais mon déshonneur, ma honte, ma confusion; tous mes adversaires sont
devant toi. Le déshonneur me brise
le coeur, et je suis malade; j’espère un signe de pitié, mais rien!
Ils mettent du poison dans ma nourriture, et pour apaiser ma soif, ils
m’abreuvent de vinaigre. Prenons
maintenant le psaume 22, qui commence par une autre parole prononcée par Jésus
sur la croix: Mon Dieu! Mon Dieu! Pourquoi
m’as tu abandonné? Aux
versets 15 et 16, nous lisons: Je suis
comme de l’eau qui s’écoule, et tous mes os se disloquent; mon coeur est
comme de la cire, il se fond au milieu de mes entrailles.
Ma force se dessèche comme l’argile, et ma langue s’attache à mon
palais. Nous devons aussi nous
tourner vers le psaume 42, qui commence de la façon suivante: Comme
une biche soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après
toi, ô Dieu! Quand
irai-je et parîtrai-je devant la face de Dieu?
Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, pendant qu’on me dit tout
le temps: où est ton Dieu? Voyez-vous,
amis auditeurs, le psaume 42 et le psaume 43, qui ensemble forment une unité,
rendent clair que la soif dont il est question est une soif spirituelle.
La soif physique ressentie par la biche est comparée à une intense
recherche de la présence divine. Dans
le Nouveau Testament, le verbe grec qui signifie avoir soif, est également
employé pour signifier une soif spirituelle.
Rappelez-vous par exemple de la béatitude prononcée par Jésus au début
de l’évangile selon Matthieu: Heureux
ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Bien sûr, Jésus souffre d’une intense soif physique sur la Croix,
mais sa soif spirituelle de Dieu est encore bien plus aiguë.
Il aspire intensément à aller vers lui maintenant qu’il a accompli sa
mission sur terre, après qu’il ait fait l’expérience du plus complet
abandon par son Père céleste: Mon âme a
soif de Dieu, du Dieu vivant: quand irai-je et paraîtrai-je devant la face de
Dieu?
Mais dans quel sens devons-nous comprendre ce que dit
Jean: afin que l’Ecriture soit
accomplie? Cela signifie-t-il
uniquement que Jésus devait faire l’expérience de cette soif dont nous
trouvons la mention dans les psaumes? Pas
seulement, chers amis. La réponse
des hommes cruels à la supplication du Christ fait aussi partie de cet
accomplissement: ceux qui le crucifient entendent bien cet appel, mais ils lui
offrent tout sauf ce dont il a besoin: du vinaigre au lieu de compassion.
C’est une moquerie supplémentaire à son égard: Ils
mettent du poison dans ma nouriture, et pour apaiser ma soif, ils m’abreuvent
de vinaigre. Sur la Croix, Jésus
est rejeté par Dieu aussi bien que par les hommes, il est totalement abandonné.
Auparavant, juste avant qu’il ne soit crucifié, on lui
a offert un mélange de vin et de myrrhe à boire, nous rapporte l’évangéliste
Matthieu, mais après y avoir goûté, il n’a pas voulu en prendre: selon
toute vraisemblance il s’agissait d’un breuvage anesthésiant, qui aurait
rendu sa souffrance physique moindre. Mais
Jésus ne voulait en aucun cas prendre de raccourci pour payer la dette de nos péchés.
Le commentaire de Jean Calvin sur ce passage mérite d’être cité: Il
est à noter que Jésus-Christ ne demande pas à boire, jusqu’à ce que toutes
choses soient accomplies. Par cela
il rend témoignage de son amour infini pour nous, d’une affection ou d’un zèle
inestimable de notre salut. On
ne saurait assez exprimer par des paroles combien étaient grandes les douleurs
qu’il endurait; et cependant, il ne désire pas en être délivré jusqu’à
ce qu’il ait satisfait au jugement de Dieu, et que la purification soit
parfaite en tout et par tout; comme s’il s’était oublié jusqu’à ce
qu’ayant satisfait au paiement de nos offenses, il déclare qu’il n’est
pas insensible, mais que l’amour qu’il nous portait a surmonté toutes ses
angoisses.
Mais, amis auditeurs, n’y a-t-il que les psaumes qui
nous font comprendre comment Jésus a accompli l’Ecriture sur la Croix?
Arrivés à ce point, il nous faut nous poser la question suivante: quand
Jésus a-t-il bu quelque chose pour la dernière fois avant sa crucifixion? Tout
semble indiquer que ce fut la veille au soir, lors du repas de Pâques célébré
avec ses disciples. Ce qui devient clair
pour quiconque connaît l’Ancien Testament, amis auditeurs, c’est qu’au
delà même des psaumes, la Pâque juive, instituée au livre de l’Exode, est
ici d’actualité.
C’est ce que nous verrons du reste ensemble lors de
notre prochaine émission, que je vous invite donc à ne pas manquer.