RÉBELLION, DESTRUCTION ET RESTAURATION (2)

Comment est-il possible qu’une terre dévastée, laissée en friche alors que la population qui l’habitait a été soit décimée par l’ennemi, soit emmenée en captivité, puisse jouir de son repos?  C’est la question que j’ai laissée en suspens à la fin de notre dernière émission.  Question provoquée par deux citations de l’Ancien Testament qui se renvoient l’une à l’autre.  La première provient du livre du Lévitique (chapitre 26) et énonce les malédictions qui s’abattront sur le peuple infidèle à son Alliance avec l’Eternel Dieu.  La seconde est tirée de la toute fin du second livre des Chroniques, et raconte le sort que connut le peuple et le pays de Juda au moment de l’invasion de son territoire par Nabuchodonosor et les Babyloniens.  Relisons ensemble ces deux textes, en commençant par le Lévitique:

Quant à vous, je vous disperserai parmi les nations païennes, et je vous poursuivrai avec l’épée, votre pays sera dévasté et vos villes deviendront des monceaux de ruines.  Alors la terre jouira d’années de repos durant tout le temps qu’elle sera désolée et que vous serez dans le pays de vos ennemis; enfin elle chômera et jouira de son repos.  Durant toute cette période ou elle demeurera dévastée, elle se reposera pour les années de repos dont vous l’aurez frustrée le temps que vous l’aurez habitée.   

Et maintenant le second livre des Chroniques:  Les envahisseurs incendièrent le Temple de Dieu et démolirent les murailles de Jérusalem.  Ils mirent le feu à tous les palais et détruisirent tous les objets de prix.  Nabuchodonosor fit déporter à Babylone les survivants du massacre et il en fit des serviteurs pour lui et ses fils, jusqu’à la prise du pouvoir par l’empire Perse.  Ainsi s’accomplit la parole de l’Eternel, transmise par le prophète Jérémie; jusqu’à ce que le pays ait joui de ses sabbats, il eut du repos tout le temps qu’il fut désolé, jusqu’à l’accomplissement de soixante-dix ans.

Sans doute est-il bon aussi de lire quelle est la prophétie prononcée par Jérémie, dont il est question ici.  Au chapitre 25 du livre de Jérémie on lit les paroles suivantes, prononcée à Jérusalem en 605 avant Jésus-Christ, l’année même de l’accession au trône de Nabuchodonosor, année qui correspond à la grande victoire remportée par les Babyloniens sur les Egyptiens à Karkémish, sur la rive de l’Euphrate: C’est pourquoi, voici ce que déclare le Seigneur des armées célestes: Puisque vous n’avez pas écouté mes paroles, je vais envoyer chercher toutes les peuplades du nord – l’Eternel le déclare - et Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui servira mes desseins.  Je les ferai venir contre ce pays et contre ses habitants, et contre toutes les nations qui l’entourent.  Je les exterminerai, je les dévasterai, j’en ferai pour toujours des ruines et l’on se moquera d’eux.  Je ferai disparaître de chez eux tous les cris de réjouissance et d’allégresse, la voix du fiancé et de la fiancée, le bruit de la meule et la lumière de la lampe.  Le pays tout entier ne sera plus que ruines et terre devastée.  Toutes les nations seront assujetties au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.  Et au bout de ces soixante-dix ans, je demanderai compte de leur crime au roi de Babylone et à son peuple - l’Eternel le déclare - je sévirai contre le pays des Chaldéens et je le réduirai  en désert pour toujours.

Si nous prenons ces trois textes ensemble, nous voyons que le Lévitique contient un avertissement prophétique concernant la ruine du pays et l’exil du peuple de Dieu s’il lui est infidèle, tout en insistant sur le fait que ce même pays dévasté jouirait du repos pendant cette période d’exil.  La prophétie de Jérémie, elle, annonce la venue prochaine de la malédiction contenue au chapitre 26 du Lévitique, car la situation de rébellion dénoncée en forme d’avertissement général dans le Lévitique s’est développée depuis de nombreuses générations, et est en train de porter ses fruits pourris.  Le dernier chapitre du second livre des Chroniques, quant à lui, constate la venue de la malédiction sur Juda, l’exil du peuple, la désolation du pays, et en même temps le fait que, comme l’avait annoncé le Lévitique bien auparavant, la terre jouirait de ses sabbats, donc d’un repos dont elle avait été privée.  La restauration du peuple juif est aussi mentionnée sous le règne de l’empereur perse Cyrus, qui entre-temps avait défait l’empire babylonien.

                                                                              

Il y a donc une ligne directrice qui passe à travers ces trois textes et qui parle de l’accomplissement d’une malédiction prévue en cas de rébellion contre l’Eternel.  Mais cette ligne directrice parle aussi du nécessaire sabbat dont non seulement les hommes, mais aussi la terre, doit profiter.  De même que les hommes et la terre devaient se reposer durant le sabbat hebdomadaire, chaque septième année devait être une année de repos de la terre et de remise générale de dettes.  Les esclaves hébreux aux mains de leurs frères hébreux devaient aussi recouvrer leur liberté car leur vie appartenait en définitive à Dieu et non à d’autres hommes.  Cette libération faisait partie intégrale du repos offert par le sabbat divin.  Lisons deux autres passage du Pentateuque qui donnent des instructions précises à cet égard. D’abord Exode chapitre 23, versets 10 à 12: Pendant six années tu ensemenceras ta terre et tu en récolteras les produits; mais la septième année, tu la laisseras en jachère.  Les pauvres de ton peuple mangeront ce qu’ils y trouveront et ce qu’ils laisseront nourrira les bêtes sauvages.  Tu feras de même pour tes vignes et tes oliviers.  Pendant six jours tu feras tout ton travail, mais le septième jour tu l’interrompras pour que ton boeuf et ton âne jouissent du repos, et que le fils de ta servante et l’étranger puissent reprendre leur souffle.  Ensuite Deutéronome 15, versets 1 et 2: tous les sept ans, vous remettrez les dettes.  Voici ce qui concerne cette remise des dettes: losrque l’année de la remise aura été proclamée en l’honneur de l’Eternel, tout créancier remettra la dette contractée envers lui par son compatriote, sans rien exiger de lui.  Vous pourrez exiger des étrangers le remboursement de leurs dettes, mais vous annulerez les dettes de vos compatriotes envers vous.  En fait il ne doit pas y avoir de pauvres parmi vous, car l’Eternel votre Dieu veut vous combler de bénédictions dans le pays qu’il vous donne comme patrimoine foncier pour que vous en preniez possession – à condition toutefois que vous l’écoutiez pour obéir à tous les commandements que je vous transmets aujourd’hui et pour les appliquer, car l’Eternel votre Dieu vous bénira comme il vous l’a promis.  Alors vous prêterez de l’argent à beaucoup de nations étrangères, sans jamais avoir besoin d’emprunter.  En effet, vous dominerez beaucoup de nations, et aucune ne vous dominera.  Lisons encore dans le même chapitre les prescriptions sur la libération des esclaves: Si l’un de tes compatriotes hébreux, homme ou femme, se vend à toi comme esclave, il sera à ton service pendant six ans.  La septième année, tu lui rendras la liberté.  Mais le jour de sa libération, tu ne le laisseras pas partir les mains vides.  Tu lui donneras en présent une part de ce que l’Eternel t’aura accordé comme bénédiction: du petit betail, du blé et du vin.  Souvenez-vous que vous avez été vous-mêmes esclaves en Egypte et que l’Eternel votre Dieu vous en a libérés. C’est pour cela que je vous donne aujourd’hui ce commandement. 

Or, à l’époque du prophète Jérémie, le non respect des ordonnances sur le sabbat et l’étendue de l’exploitation des uns par les autres, avaient atteint un tel niveau que la terre elle-même en était épuisée.  Pour qu’elle puisse retrouver son cycle de repos il fallait qu’elle soit vidée de ses habitants, qu’elle soit donc dévastée par l’ennemi.  Voilà donc le paradoxe de la situation: il aura fallu cette dévastation apportée par les Babyloniens et l’exil d’une nation pécheresse pour permettre à la terre d’être en friche.  En fait, durant cette période d’exil de la nation, seuls les plus pauvres ont pu rester sur place pour cultiver un peu le sol, afin qu’il ne soit pas complètement abandonné.  De cette manière, ce dont on les avait privés jusque là, la jouissance des fruits de la terre le jour du sabbat, a pu leur revenir, comme c’était l’intention divine avec l’institution du sabbat.  L’Eternel a donc accompli le but du sabbat en dépit de la désobéissance de son peuple, et même en l’ayant châtié de la manière la plus stricte. La présence des plus pauvres sur cette terre dévastée faisait en même temps le lien avec la restauration future du peuple juif sur cette même terre, une fois les années de repos de la terre accomplies.

Lors de notre prochaine émission je reviendrai sur cet enseignement à la lumière d’un épisode particulièrement  sombre de l’histoire de Juda peu avant sa chute devant l’empereur babylonien Nabuchodonosor.  Et je tâcherai de tirer quelques conclusions pour nous aujourd’hui.