VOS QUESTIONS, NOS RÉPONSES (24)

 

Dans l’évangile selon Matthieu, au chapitre 15, nous est rapporté la rencontre entre Jésus et une femme cananéenne qui vient l’implorer de guérir sa fille sous l’emprise d’un démon.  Je vous lis ce passage pour que nous voyions ensemble, après, en quoi la foi de cette femme a été grande, comme le lui dit Jésus. C’est d’ailleurs ce que me demande un auditeur de Foi et Vie Réformées,  à qui je réponds donc aujourd’hui. 

En quittant cet endroit, Jésus se rendit dans la région de Tyr et de Sidon.  Et voilà qu’une femme cananéenne qui habitait là, vint vers lui et se mit à crier: Seigneur, Fils de David, aie pitié de moi!  Ma fille est sous l’emprise d’un démon qui la tourmente cruellement.  Mais Jésus ne lui répondit pas un mot.  Ses disciples s’approchèrent de lui et lui dirent: Renvoie-là, car elle ne cesse de nous suivre en criant.  Ce à quoi il répondit: Ma mission se limite aux brebis perdues du peuple d’Israël.  Mais la femme vint se prosterner devant lui en disant: Seigneur, viens à mon secours!  Il lui répondit: Il ne serait pas juste de prendre le pain des enfants de la maison pour le jeter aux petits chiens.  C’est vrai, Seigneur, reprit-elle, et pourtant les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.  Alors Jésus lui dit: O femme, ta foi est grande!  Qu’il en soit donc comme tu veux!  Et, sur l’heure, sa fille fut guérie.

Notez d’abord que la femme en question est une cananéenne, ou, d’après le texte parallèle de l’Evangile selon Marc, une femme syro-phénicenne.  Elle n’appartient donc pas au peuple d’Israël, elle n’est pas juive, et qui plus est, elle est descendante de peuples qui ont été très souvent en guerre avec Israël, l’oppressant à maintes reprises.  Elle devrait donc être considérée comme une ennemie.  Mais comment s’adresse-t-elle à Jésus, dont elle a très certainement entendu parler?  Elle l’appelle “Seigneur, Fils de David”.  Elle ne le prend pas pour un simple guérisseur, un magicien faiseur de miracles, comme il pouvait en exister dans le monde païen, mais  elle lui accorde un titre messiannique.  Elle reconnaît donc qu’en tant que Fils de David, il est sûrement le Messie que les Juifs attendaient, il mérite le titre de Seigneur. Cette femme étrangère s’identifie donc à la foi et à l’espérance d’Israël, ce qui est bien plus qu’on ne pourrait en dire des Pharisiens et docteurs de la Loi juifs, qui, eux,  s’opposent systématiquement au ministère de Jésus.  Et puis sa foi apparaît dans ce cri répété: “Aie pitié de moi!”  Elle reconnaît sa dépendance totale vis-à-vis de Jésus, le seul qui puisse délivrer sa fille de ce démon qui la possède.  Elle reconnaît que comme envoyé de Dieu, Jésus  a reçu le pouvoir de chasser les démons.  De plus, elle n’a pas peur d’être reprise et rabrouée par les disciples de Jésus, qui se lassent de son insistance bruyante.  En restant silencieux, Jésus veut sans doute tester sa foi, en mesurer l’étendue. Lorsqu’il lui adresse la parole, il met justement entre eux une énorme barrière: il n’est pas venu pour les Cananéens, les syro-phéniciens, les païens de toutes sortes, mais seulement vers les Juifs, ceux à qui les promesses de Dieu ont été directement faites.  Oui, après son départ de la terre, ses disciples pourront aller vers les autres nations, mais le moment n’est pas encore venu.  Et en disant : Il ne serait pas juste de prendre le pain des enfants de la maison pour le jeter aux petits chiens, Jésus semble établir entre eux une discrimination insurmontable (pensez aussi que les chiens étaient des animaux très mal vus au Proche-Orient à l’époque, et encore aujourd’hui d’ailleurs).  Jésus est venu pour les enfants d’Israël; même son ministère de guérison est dirigé vers eux, pas vers ceux qui n’y ont pas vraiment droit, essayant d’en bénéficier illégalement, en quelque sorte.   Mais voilà, la femme prosternée devant Jésus ne perd pas courage et continue, en s’humiliant plus profondément encore: elle reconnaît qu’elle ne vaut pas davantage qu’un petit chien. Oui, c’est vrai, elle est bien la dernière à qui une faveur pourrait être accordée par le Messie d’Israël; mais, puisque Jésus utilise l’image du pain ou de la nourriture donnée aux enfants à table,  il peut arriver qu’il reste quelques miettes, et ces miettes peuvent tomber de la table et être attrapées par les petits chiens;  cela ne causera aucun tort aux enfants, et qui s’en souciera?   Voilà en quoi cette femme a fait preuve d’une grande foi.  Ayant reconnu le Messie d’Israël, elle s’est vraiment humiliée devant lui sachant qu’il était le seul à pouvoir lui venir en aide.  Comparée à un petit chien, elle a accepté la comparaison sans broncher, sans faire preuve de fierté, mais a demandé à Jésus de la traiter comme on traite les petits chiens, ne serait-ce qu’en leur laissant manger les miettes qui tombent de la table des maîtres.  Jésus a bien vu qu’elle a la foi, même une foi bien plus grande que celle des ses propres compatriotes, voilà pourquoi il exauce sa prière. 

Ce récit de la rencontre entre Jésus et la femme cananéenne illustre donc le thème d’une foi persistante qui ne se lasse pas de prier Dieu, d’invoquer son nom.  Je voudrais le compléter par la lecture d’une parabole de Jésus que l’on trouve au chapitre 18 de l’évangile selon Luc, la parabole de la veuve et du juge inique: Pour montrer qu’il est nécessaire de prier constamment, sans jamais se décourager, Jésus raconta à ses disciples la parabole suivante: Il y avait dans une ville un juge qui ne révérait pas Dieu et n’avait d’égards pour personne.  Il y avait aussi, dans cette même ville, une veuve qui venait constamment le trouver pour lui dire: “Défends mon droit contre mon adversaire”.  Pendant longtemps, il refusa.  Mais il finit par se dire: “j’ai beau ne pas révérer Dieu et ne pas me préoccuper des hommes, cette veuve m’ennuie; je vais donc lui donner gain de cause pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête.”  Le Seigneur ajouta: Notez bien comment ce mauvais juge réagit.  Alors, pouvez-vous supposer que Dieu ne défendra pas le droit de ceux qu’il a choisis et qui crient à lui jour et nuit, et qu’il tardera à leur venir en aide?  Moi je vous dis qu’il défendra leur droit promptement.  Seulement, lorsque le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il encore la foi sur terre?

Un auditeur m’écrit: dans Luc chapitre treize, que signifie l’expression “Royaume de Dieu”?  Je vous lis d’abord le passage en question, du verset 18 au verset 21: Jésus dit alors: A quoi ressemble le royaume de Dieu?  A quoi pourrais-je le comparer?  Il ressemble à une graine de moutarde qu’un homme a prise pour la semer dans son jardin; la graine pousse jusqu’à devenir un arbuste, et les oiseaux du ciel nichent dans ses branches.  Puis il ajouta: A quoi comparerai-je encore le royaume de Dieu?  Il ressemble à du levain qu’une femme a pris pour le mélanger à vingt kilogrammes de farine.  Et à la fin, toute la pâte a levé.  Dans le texte parallèle de l’évangile selon Matthieu, la graine de moutarde est décrite comme suit par Jésus: C’est la plus petite de toutes les semences: mais quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes du potager et devient un arbuste, si bien que les oiseaux du ciel viennent nicher dans ses branches.  Ce qui frappe, dans les deux paraboles, c’est l’apparente insignifiance de l’élément de départ, et sa croissance totalement disproportionnée.  Dans l’Antiquité, la graine de moutarde était connue pour être toute petite, en fait la plus petite de toutes les graines connues.  Mais quel potentiel en elle!  De même le levain, ou la levure,  semble très limité comme quantité, comparé aux vingt kilogrammes de farine: et pourtant c’est ce levain qui fait lever toute la pâte.  Il en va de même pour le Royaume de Dieu.  Au départ, il semble qu’il soit limité à bien peu de choses, ou de personnes.  Personne ne s’en soucie, bien peu aperçoivent sa présence, ou commencent à noter ses effets.  Il ne se manifeste pas par le bruit des bottes, par le vacarme de l’aviation militaire envahissant un pays, par des sommes d’argent astronomiques versées ici ou là.  Mais en fin de compte, parce qu’il s’agit du Royaume de Dieu, et non des hommes, il envahit tout et offre sa protection aux plus faibles, comme les oiseaux du ciel qui nichent dans les branches de l’arbre dont parle la parabole. Jésus lui-même n’est pas venu avec tambour et trompettes comme un souverain puissant, il est né presque incognito, dans une étable, avec des parents très humbles autour de lui et quelques bergers pour venir le contempler dans la crèche.  Il n’a pas appelé à une révolution violente, il n’a pas soulevé les foules pour qu’elles renversent par la force les autorités romaines qui occupaient son pays, mais la puissance de sa parole et de ses actes a finalement fait que trois siècles plus tard, les empereurs romains ont reconnu que Jésus-Christ est le Roi des rois et ont même fait du Christianisme la religion officielle de leur empire.

Ceci devrait remplir les croyants à la fois d’étonnement, de joie et d’espérance, puisqu’ils servent un roi qui n’est pas comme tant de misérables potentats humains, lesquels se prennent pour de grands hommes et de grands leaders, alors qu’ils font tout sauf de servir leur concitoyens avec assiduité,  perspicacité et honnêteté.  Ceux-là recevront la récompense qui leur revient après la courte vie que Dieu leur aura accordée: ils viendront en jugement devant lui pour rendre compte de leurs méfaits.  Tandis que tous ceux qui servent fidèlement le Royaume de Dieu et se mettent à l’écoute de Jésus-Christ feront, eux,  l’expérience de son caractère indestructible et de sa dynamique incomparable, d’abord dans leur propre vie, puis dans celle de leurs communautés gagnées à la foi chétienne.  Peu importe ce qu’en pensent les autres, peu importe qu’on ne le remarque pas tout d’abord, l’important c’est de persévérer dans la voie du Royaume de Dieu tous les jours de sa vie.