VIVRE ET MOURIR DIGNEMENT
Comment l’homme peut-il se prendre -
comme il le fait si souvent - pour un dieu, alors que toutes les vingt-quatre
heures, donc à intervalles réguliers, il s’assoupit et s’endort, perdant
conscience et plongeant dans le monde des rêves?
Nous sommes alors happés par les mouvements de notre psychisme que notre
raison ne contrôle pas, souvent livrés à des cauchemards auxquels nous n’échappons
que lorsque nous nous réveillons, pour en garder ensuite longtemps le souvenir
pénible. Notre sommeil, tout comme notre mort physique programmée,
n’est-il pas la preuve que nous devrions rester bien humbles en tant
que créatures? Dans la Bible, il y
a un court psaume, le psaume 121, qui nous parle de Dieu justement en termes de
celui qui jamais ne dort ni ne sommeille: il est constamment à l’oeuvre et
veille sur ses enfants sans s’assoupir. Et
c’est justement vers ce Dieu-là que l’auteur du psaume invite à se
tourner, et pas vers les misérables substituts humains qu’on nous propose si
souvent de vénérer… je vous lis le
psaume 121: Je lève les yeux vers les
montagnes: d’où le secours me viendra-t-il?
Mon
secours vient de l’Eternel qui a fait le ciel et la terre.
Il te gardera des faux pas, ton gardien ne dormira jamais.
Non, jamais il ne dort, jamais il ne sommeille, le gardien d’Israël.
L’Eternel sera ton gardien, l’Eternel est à ton côté comme une
ombre qui te protège, et, durant le jour, le soleil ne te causera aucun mal ni,
au cours de la nuit, la lune. Oui,
l’Eternel te gardera de tout malheur: il gardera ta vie.
L’Eternel veillera sur toi de ton départ à ton retour, dès
maintenant et à jamais. Ce psaume
nous invite à cheminer avec Dieu, à regarder en haut, au delà de nos
existences si fragiles, pour trouver une ferme assurance dans notre marche
quotidienne. Comment une
telle assurance est-elle possible? Tout
simplement parce qu’elle repose sur celui qui a fait le ciel et la terre.
Est-ce qu’on devrait chercher son assurance ailleurs?
Chez les riches et les puissants de ce monde?
Dans les gouvernements humains? Ceux-ci s’assoupissent et s’endorment
comme les autres, ceux-là négligent bien souvent le devoir de protection des
faibles qu’ils devraient au contraire assumer.
Non, vraiment, en dehors du Dieu éternel et tout puissant, on ne peut
jamais compter sur un soutien indéfectible.
Alors, même si l’épreuve s’abat sur vous, si la tempête fait rage,
tournez-vous vers celui qui jamais ne dort ni ne sommeille.
Sa Parole et ses promesses
apporteront à votre vie le seul fondement solide sur lequel il vaut la peine de
la bâtir. Jésus-Christ a une fois
dit à ceux qui l’écoutaient: Celui qui
écoute ce que je dis et qui l’applique, ressemble à un homme sensé qui a bâti
sa maison sur le roc. Il a plu à
verse, les fleuves ont soufflé avec violence, ils se sont déchaînés contre
cette maison: elle ne s’est pas effondrée, car ses fondations reposaient sur
le roc. Mais celui qui écoute mes
paroles sans faire ce que je dis, ressemble à un homme assez fou pour
construire sa maison sur le sable. Il
a plu à verse, les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé avec violence,
ils se sont déchaînés contre cette maison: elle s’est effondrée et sa
ruine a été complète.
Alors, l’homme, c’est quoi au juste?
Un composé physico-chimique de substances ajoutées les unes aux autres?
Le fruit d’un long processus de changements génétiques hasardeux sans but ni
sens? Qui est celui ou celle
d’entre nous qui peut envisager son humanité comme cela, même si on le lui
rabâche à longueur de journée? Et
par quelle tour de passe passe attribuer une dignité ou même des droits à un
tel composé physico-chimique? Ne
plaisantons pas. L’homme est bien
plus que la matière qui le compose. Son
esprit, en fait son être tout entier reflète quelque chose de supérieur à la
poussière dont il est fait. C’est
ce que la Genèse, au début de la Bible, révèle, par ces paroles si simples
et si fondamentales: Dieu créa l’homme
à son image: il le créa à l’image de Dieu.
Homme et femme il les créa. Donc,
porteur de l’image divine, d’une ressemblance avec Dieu par analogie.
Avez-vous noté que le tout premier trait de cette analogie, de cette
image divine dont il est le porteur, c’est
la sexualité qui s’exprime dans la différentiation entre homme et femme?
Eh oui, il y a à la fois unité et pluralité, différentiation et complémentarité
dans cette image divine qu’est l’espèce humaine.
Certes, ce trait n’est pas unique à l’espèce humaine, il est partagé
par les espèces animales. Mais il est significatif de constater que la Genèse
souligne ce trait en rapport avec l’homme et la femme et leur ressemblance
avec Dieu. Comme s’ils étaient
appelés à vivre cette image divine qu’ils portent en eux dans la conscience
très nette de leur unité et complémentarité mutelles.
Le genre humain est donc l’image de Dieu sur terre, son représentant,
chargé à la fois de développer la Création, de la faire fructifier tout en
la gardant et la conservant – comme le chapitre deux de la Genèse le dit
expressément. Mais si l’homme est
l’image de Dieu, il ne lui est pas permis d’adorer Dieu sous forme humaine
ou sous forme d’une quelconque créature.
Pas d’idolâtrie donc. La
seule religion qui n’aliène pas consiste à rendre gloire à Dieu en vivant
dans une communion avec le Créateur: et cette relation de communion consiste à
exercer le mandat confié à l’homme par ce dernier.
Voilà donc où réside l’identité de l’homme, sa véritable
vocation. Où en sommes-nous aujourd’hui dans l’exercice de ce mandat, de
cette vocation? Le constat
que l’on peut faire est bien sombre: les qualités et les dons mis en
l’homme ont tellement été obscurcis et détournés de leur but initial
qu’on dirait que l’homme s’acharne plutôt à détruire et à asservir la
Création qu’à la cultiver et à la garder, comme l’indiquait le mandat reçu.
Certes, l’homme fait preuve de beaucoup d’ingéniosité, et même de
génie, ce qui prouve que les dons mis en lui n’ont pas été complètement
abolis, loin de là; mais au vu des résultats de son action on voit bien
qu’il y a quelque chose de radicalement dysfonctionnel dans son être et sa
manière d’être et d’agir. Quel
remède apporter à cet état si piteux?
Une humanité renouvelée réconciliée avec Dieu et avec elle-même,
est-elle possible? Oui, elle
l’est, à condition de passer par Jésus-Christ, le premier-né d’entre les
morts, le modèle parfait d’une humanité restaurée parce que provenant du
sein même de Dieu. La foi en Jésus-Christ épurée de toute scorie transforme
intérieurement tout homme et toute femme qui
la reçoit; elle renouvelle la vision de notre identité et ancre en nous le
sens de notre vocation initiale d’êtres humains crées à l’image de Dieu.
Je
viens de vous parler de la vie et de la mort; parlons maintenant plus précisément
d’une vie remplie de sens qui mène à une mort digne.
La
vie est un long accouchement aboutissant à la mort, une attente de la délivrance
finale. J’exagère?
C’est en fait ce qu’écrit l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome au
huitième chapitre de la lettre qu’il leur adresse vers l’an 57 de notre ère.
Ecoutez plutôt: Nous
le savons bien en effet: jusqu’à présent la création tout entière est unie
dans un profond gémissement et dans les douleurs d’un enfantement.
Elle n’est pas seule à gémir; car nous aussi, qui avons reçu
l’Esprit comme avant-goût de la gloire, nous gémissons du fond du coeur, en
attendant d’être pleinement établis dans notre condition de fils adoptifs de
Dieu quand notre corps sera délivré. La
vie, une attente inactive? Non, sûrement
pas... Plutôt une attente active, tournée vers le but final: la naissance dans
cette parfaite condition d’enfants de Dieu adoptés par lui et qui fait
d’eux des héritiers à part entière. Ce
qui veut dire que pour les croyants la phase présente de notre vie, cet
enfantement douloureux par lequel nous passons, est remplie et animée par une
espérance réelle, et non imaginaire: celle de la vie éternelle acquise par la
mort et la résurrection de Jésus-Christ. C’est
sur le même chemin de la mort et de la résurrection du Christ, intervenues il
y a deux mille ans, que se déroule notre propre pélerinage, notre accession à
la vie éternelle à travers l’enfantement de la vie présente.
C’est ce que dit Paul juste après: Car
nous sommes sauvés, mais c’est en espérance; or, voir ce que l’on espère,
ce n’est plus espérer; qui, en effet, continue à espérer ce qu’il voit?
Mais si nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous l’attendons avec
persévérance. De même, l’Esprit
Saint vient nous aider dans notre faiblesse.
En effet, nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même
intercède en gémissant d’une manière inexprimable.
L’espérance
chrétienne est nourrie d’une attente: celle d’un renouvellement de toutes
choses, de l’univers tout entier, par le Dieu qui l’a créé et qui ne l’a
pas abandonné aux forces de la corruption, de la destruction et du chaos, quoi
que le monde en pense. Alors cette
attente se manifeste par un changement de vie, de comportement, qui doit témoigner
dès maintenant dans tous les domaines de l’existence que le vrai maître de
l’univers, ce n’est pas l’esprit de
violence, de convoitise ou de mensonge que l’on voit à l’oeuvre si souvent,
mais c’est l’Esprit Saint de Dieu qui habite en ses enfants adoptifs et leur
fait refléter sa justice et sa paix. Tout un programme!
Et
Paul d’ajouter à ce qu’il vient d’écrire cette magnifique promesse qui
peut soutenir toute vie sincèrement dédiée à Dieu: Nous savons en outre que Dieu fait concourir toutes choses au bien de
ceux qui l’aiment, de ceux qui ont été appelés conformément au plan divin.
En effet, ceux que Dieu a connus d’avance, il les a aussi destinés
d’avance à devenir conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit
l’aîné de nombreux frères. Ceux
qu’il a ainsi destinés, il les a aussi appelés, il les a aussi déclarés justes, et ceux
qu’il a déclarés justes, il les a aussi conduits à la gloire.
Cheminons maintenant ensemble de cette vie remplie de
sens vers une mort digne, accompagnée par nos proches.
Je pose pour commencer une question qui semblera choquante à plus
d’une bonne âme: quelle différence y a-t-il entre les mouroirs de nos pays
occidentaux, l’abandon des personnes âgées par leurs familles parties en
vacances (on l’a bien vu il y a quelques années lors d’un été
caniculaire) et l’abandon par les Bushmen de leurs anciens incapables de
suivre le clan, dans la culture nomadique traditionnelle, au Botswana ou en
Namibie? Il y a quelques décennies,
lorsque cette vie nomadique avait encore cours, une personne âgée qui avait de
plus en plus de mal à suivre le
groupe était finalement laissée au pied d’un arbre ou d’un buisson, munie
en tout et pour tout d’un oeuf d’autruche évidé et rempli d’eau, dernière
provision accordée au vieux grand-père
ou à la vieille grand-mère devenu un fardeau trop lourd à porter pour le
groupe. On lui faisait ses adieux,
et le groupe reprenait ensuite sa marche pour trouver ailleurs les moyens de sa
subsistance. Une forme
d’euthanasie passive, en quelque sorte... Alors, oui, quelle différence entre
cet abandon dicté par un certain mode de vie, et l’abandon par les
occidentaux de leurs vieux à eux? La
différence gît sans doute dans l’égoïsme matérialiste de nos sociétés
gavées de privilèges au point de nier le sens profond de la vie. Dans le Décalogue,
les Dix Commandements que l’on trouve au livre de l’Exode, dans l’Ancien
Testament de la Bible, le cinquième
commandement déclare: Honore ton père et
ta mère afin de jouir d’une longue vie dans le pays que l’Eternel ton Dieu
te donne. Un commandement suivi
d’une promesse donc.
Jouir d’une longue et prospère vie ne passe pas par
l’abandon de la génération qui nous a donné la vie, nous a éduqués et
s’est occupée de nous aux jours de notre enfance.
Au contraire cela est lié par Dieu au respect qui consiste entre autres
à accompagner la génération précédente jusqu’à la mort avec soin et
affection, sur le plan familial aussi bien que social.
Oui, accompagner les anciens à mourir dans la dignité fait partie de
l’application du cinquième commandement.
Jésus a vertement repris ceux qui, de son temps, tiraient prétexte des
offrandes destinées au culte dans le Temple de Jérusalem, pour priver leurs
parents de l’assistance qu’ils auraient pu leur apporter. Il leur a reproché
d’annuler la Parole de Dieu, c’est-à-dire ce commandement particulier,
au profit de leur tradition soi-disant religieuse, en les traitant même
d’hypocrites. Cela devrait suffire
pour remettre en question l’égoïsme monstrueux de plus en plus enraciné
dans nos sociétés dites libérales et avancées: car en fait elles ont institué
de manière subtile une forme d’euthanasie pratique purement motivée par un
esprit de jouissance et d’indifférence vis-à vis de ceux-là mêmes qui sont
les plus proches de nous: les parents que Dieu, le Père éternel,
nous a donnés. N’oublions jamais que nos parents terrestres nous sont
donnés pour être une image de la paternité divine, dont ils doivent bien sûr
refléter les qualités d’amour et de soins qu’Il prodigue à ses créatures.
Même si nos parents terrestres ne se montrent pas toujours dignes de
cette vocation et de ce rôle que
Dieu leur a adressés en leur
accordant des enfants qui doivent être chéris et éduqués, il faut toutefois
les honorer, car en le faisant, c’est le plan de Dieu pour sa créature que
nous honorons, reconnaissons et respectons.