LE FRANCAIS PAR LA
BIBLE (1)
Savez-vous
que la Bible est le livre le plus traduit au monde?
Au début du 21e siècle on recensait déjà 2287 traductions de ce best
seller de la littérature mondiale: 641 traductions pour le continent africain,
570 pour l’Asie, 405 pour le Pacifique, 203 pour l’Europe, 73 pour l’Amérique
du nord, 392 pour l’Amérique centrale et du sud.
Cet effort se poursuit d’ailleurs toujours par de nombreuses sociétés
bibliques à travers le monde: elles continuent à traduire la Bible dans de
nombreuses langues et dialectes, afin que chacun puisse lire la Parole de Dieu
dans sa langue maternelle. Dans
certains cas, une traduction représente un défi monumental.
Je pense en particulier à la traduction en Narho, une variété de la
langue parlée par les Bushmen, ou Boschimans d’Afrique australe.
J’ai eu le privilège de rencontrer des missionnaires impliqués dans
ce travail gigantesque qui suppose des compétences linguistiques
exceptionnelles: il leur a d’abord fallu passer des années en milieu Bushmen
(au Botswana) pour apprendre cette
langue caractéristique par ses nombreux cliquetis effectués par la langue dans
la bouche, et qui donnent un effet une impression de cliquettement sonore
continu à celui qui les entend. Puis
il a fallu inventer un alphabet fonctionnel qui puisse rendre compte de tous ces
sons, car la culture des Bushmen était traditionnellement une culture purement
orale. Ensuite il a fallu
s’atteler à la traduction proprement dite de la Bible à partir des langues
originales: l’hébreu et l’araméen pour l’Ancien Testament, le grec du
premier siècle de notre ère pour le Nouveau Testament (ce qui implique bien
entendu de la part de ces missionnaires une grande maîtrise de ces langues qui
ne sont plus usitées sous cette forme aujourd’hui).
Pour effectuer cette traduction, il a fallu tenir compte des caractéristiques
de la langue Narho, adapter un grand nombre de concepts contenus dans les textes
bibliques pour les rendre compréhensibles à
une culture qui ne leur est
traditionnellement pas familière. Il
a donc fallu trouver les mots les plus adaptés en Narho, en collaboration avec
des membres de la tribu Narho eux-mêmes, bien entendu;
il a souvent fallu créer des associations de mots pour rendre compte le
mieux possible de telle ou telle notion, puis les retranscrire à l’aide de
l’alphabet inventé pour coller au plus près aux sons de cette langue.
Pensez-vous que ce travail immense et toute la préparation qu’il
impliquait ait été terminé une fois la traduction complétée?
Loin de là. Car après cela il a fallu naturellement faire
revoir cet énorme texte plusieurs fois, puis le faire imprimer.
Mais ce n’est pas tout: il a ensuite fallu apprendre à lire leur
propre langue aux Narhos intéressés par cet apprentissage (je n’ai pas
besoin d’ajouter que c’est de manière tout à fait volontaire qu’ils se
sont soumis à cet apprentissage). Donc
tout un effort pédagogique d’enseignement de l’écrit était nécessaire
vis-à-vis d’hommes et de femmes qui jusque
là n’avaient jamais été touchés par la culture de l’écrit.
Quoi
qu’il en soit, ce gigantesque effort doit être mis au compte d’hommes et de
femmes entièrement dévoués à la cause de l’Evangile de Jésus-Christ, et
en particulier à l’ordre missionnaire qu’il a donné à ses disciples avant
son Ascension au ciel: Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre, leur
a-t-il dit. Donc, allez faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au
nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce
que je vous ai prescrit. Et voici,
je suis avec vous tous les jours, jusqu’à
la fin du monde. L’apôtre
Paul se fait l’écho de ce mandat missionnaire dans sa lettre aux chrétiens
de Rome, au chapitre 10, lorsqu’il écrit: Comment
donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru?
Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et
comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs?
Et comment y aura-t-il des prédicateurs s’ils ne sont pas envoyés?
Selon qu’il est écrit: “Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui
annoncent de bonnes nouvelles”.
Ce
mandat missionnaire (que beaucoup d’anti-chrétiens considèreront sans doute
comme un impérialisme religieux insupportable) n’est bien sûr pas possible
si l’on ne connaît pas la langue de la nation, du peuple ou de l’ethnie où
l’on s’en va porter la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ.
Chacun doit pouvoir entendre cette Bonne Nouvelle dans sa propre langue,
et en approfondir la connaissance à l’aide du texte de la Bible traduit dans
sa langue maternelle. A cet égard,
le christianisme authentique a toujours favorisé le développement de la
connaissance linguistique, les contacts entre différentes langues et la
valorisation de chaque langue comme un instrument donné par Dieu à tel ou tel
groupe pour invoquer son grand nom avec la confiance d’un enfant qui
s’adresse à son Père céleste. Savez-vous
que le grand savant arménien de l’Antiquité tardive, Mesrop Mashtots, a fait
vis-à-vis du peuple arménien la même chose que ces missionnaires occidentaux
au Botswana? Au début du cinquième
siècle de notre ère, entre l’an 405 et l’an 420, il a traduit la Bible en
cette langue, ayant pour cela inventé un alphabet de 36 lettres totalement inédit
pour coller de plus près aux sons de la langue arménienne, jusque là
exclusivement une langue orale. L’alphabétisation
du peuple arménien, qui a disposé d’une version de la Bible à peine un siècle
après l’adoption du christianisme comme religion officielle du royaume
d’Arménie, a rapidement conduit à l’éclosion d’une remarquable littérature
nationale, ainsi que d’une école d’historiens et de chroniqueurs grâce à
laquelle bien des faits de l’Antiquité tardive nous sont encore connus.
Cet alphabet, entre temps complété par trois nouvelles lettres, sert
toujours à écrire la langue arménienne. Du reste, Mesrop est également à
l’origine de la création de l’alphabet géorgien, le peuple vivant, encore
aujourd’hui, au nord de l’Arménie.
Mais
qu’en est-il de la version française de la Bible?
Et bien, dès le Moyen Age, à partir du 13e siècle, des extraits de la
Bible étaient traduits de manière assez approximative dans le français de
l’époque (bien différent de celui d’aujourd’hui, je vous l’accorde).
Ces versions françaises de la Bible étaient souvent accompagnées de
commentaires qu’on appelait des gloses, et qui étaient rédigés par des eccésiastiques.
Ces traductions ne se faisaient pas à partir des textes hébreux et
grecs - langues dans lesquelles les
écrits bibliques ont été rédigés - mais
à partir d’une version en latin, connue sous le nom de Vulgate, qui date du
5e siècle de notre ère et a été préparée avec un très grand soin par un
grand intellectuel chrétien de l’époque, Hyeronimus, plus connu sous le nom
de saint Jérôme. En 1476 un
Nouveau Testament complet était imprimé en français, soit quelque vingt ans
après que l’imprimerie ait fait son apparition en Allemagne avec Gutemberg.
D’ailleurs, vous savez sans doute que le tout premier livre que
Gutemberg ait imprimé fut justement la Bible.
La toute première traduction complète de la Bible en français d’après
les langues originales (et non à partir de la Vulgate latine) apparut trente
ans plus tard, en 1535, donc au moment de la Réforme de l’Eglise durant le
16e siècle: elle était due à la plume d’un protestant surnommé Olivétan,
un cousin du réformateur Jean Calvin. D’ailleurs,
Calvin rédigea pour la traduction du Nouveau Testament par son cousin une très
belle préface intitulée: “Epître à tous amateurs de Jésus-Christ”.
Assisté de collaborateurs, il révisa plus tard la traduction d’Olivétan,
qui devint connue sous le nom de Bible de Genève, et qui comprenait des notes
explicatives, des commentaires. Sur
ce modèle, bien d’autres traductions dans des langues européennes virent le
jour. Depuis, les traductions en
langue française n’ont cessé de se multiplier.
Une traduction dite oecuménique, préparée aussi bien par des savants
protestants que catholiques romains, a vu le jour dans les années soixante-dix.
Dès les années cinquante, les catholiques avaient du reste fait un gros
travail en faisant paraître la Bible dite de Jérusalem, qui suscita un grand
intérêt pour les études bibliques personnelles ou en groupe.
Mais
pour comprendre le texte de la Bible traduite en français, il faut comprendre
le français! Certes des traductions
ont vu le jour qui simplifient autant que possible le langage, parfois en
paraphrasant dangereusement l’original, quitte à perdre ou diluer la
signification des termes originaux. Mais
même pour lire les bibles dites “en français courant”, il faut une bonne
connaissance de la langue française. Sans
quoi, on risque de se noyer dans un texte dont on saisit mal la portée.
C’est
pourquoi Foi et Vie Réformées voudrait vous présenter une série de
programmes intitulés: “Le français par la Bible”.
L’idée en est la suivante: je vous présenterai des extraits de textes
bibliques qui illustrent un point de grammaire française, de syntaxe, et que
j’expliquerai à la lumière des extraits en question.
La langue française étant toujours un véhicule international, parlée
aussi bien en Europe qu’en Amérique, en Afrique qu’en Asie, elle réunit
des dizaines de millions d’êtres humains qui peuvent communiquer ensemble par
son biais, même lorsqu’ils viennent d’horizons très différents et la
parlent avec des accents ou des idiomes sensiblement différents. Elle
est donc un outil de communication très important dans le monde actuel même si
elle n’est pas la langue maternelle de la majorité de ceux qui l’emploient.
Il est donc important de bien
savoir l’utiliser pour qu’une bonne communication demeure possible.
Autrement, chacun finira par parler son propre sabir, et plus personne ne
se comprendra. J’espère donc que
cette nouvelle série sera utile aux auditeurs de Foi et Vie Réformées, non
seulement pour améliorer un peu leurs connaissances en français, mais plus
encore pour bien comprendre ce que disent les textes bibliques dans leur
traduction française. Car en fin de
compte, le but de cette série d’émissions c’est de vous permettre de vous
mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, et de mieux l’assimiler.
Lorsque
nous lisons les récits historiques de la Bible, comme je le fais pour les
enfants qui suivent les émissions préparées pour eux, nous avons
naturellement affaire aux temps grammaticaux du passé comme l’imparfait, le
passé composé, le passé simple. Ils
illustrent bien le fait que la Bible est un livre qui nous parle d’une
histoire, d’événements qui ont eu lieu, d’un déroulement de faits qui
sont reliés les uns aux autres par un ou des motifs principaux: la Création du
monde et la Chute du genre humain, l’histoire de l’Alliance établie par
Dieu avec des hommes comme Noé, Abraham, Moïse, David; la venue du royaume de
Dieu en la personne de Jésus-Christ. Lors
de notre prochaine émission “le français par la Bible”, nous allons étudier
ensemble de près le chapitre 20 de l’évangile selon Jean, car il juxtapose,
dans le récit de la découverte par les disciples du tombeau vide de Jésus,
plusieurs temps du passé: l’imparfait,
le passé simple, le plus-que-parfait, le passé composé. Et chacun des verbes
utilisés à l’un de ces temps exprime une dimension temporelle qui
s’articule avec les autres, qui donne sens à l’ensemble du récit.
Bien saisir toutes ces nuances, c’est comme voir tout en perspective,
en trois ou même quatre dimensions. Donc
si vous disposez d’une Bible à la maison, je vous invite à lire, seul ou en
groupe, ce chapitre pour identifier déjà les verbes qui apparaissent dans le récit
de l’évangéliste. Soyez donc à
l’écoute de notre prochaine émission, et que Dieu vous bénisse!