GARDIENS DU JARDIN (2)

Lors de notre dernière émission, nous avons commencé à parler de questions d’environnement, après avoir établi la continuité du mandat confié à l’homme comme gardien et cultivateur de la Création.  Ce mandat lui a été confié dès le début de l’humanité, je vous ai lu une partie du deuxième chapitre de la Genèse à ce sujet.  Gardiens du jardin, c’est d’ailleurs le titre de cette nouvelle série d’émissions de Foi et Vie Réformées, en collaboration avec le professeur Jacob Van der Walt de l’Université du Nord-Ouest en Afrique du Sud.  Les question concernant l’eau, son rôle, sa préservation et sa distribution dans le monde d’aujourd’hui font l’objet de notre réflexion.  Mais je voudrais d’abord vous montrer à la lumière d’un texte de la Bible qu’elles ne sont pas si nouvelles.  Dans le second livre de la Bible, le livre de l’Exode, au chapitre 15, on a une illustration précise du rôle vital que revêt pour une communauté de l’accès à une eau potable. Bien sûr, comme vous le verrez, c’est Dieu lui-même qui y pourvoit. Ce passage se situe au moment où Moïse, le chef des Hébreux qui étaient tout récemment sortis d’Egypte, les fait partir de la mer des Joncs, qu’ils ont pu traverser à sec alors que les chars des Égyptiens ont tous été engloutis par les flots: Ils prirent la direction du désert de Chour; et après trois journées de marche dans le désert ils ne trouvèrent pas d’eau.  Ils arrivèrent à Mara; mais ils ne purent pas boire l’eau de Mara, parce qu’elle était amère.  D’où le nom de Mara qu’on lui donna.  Le peuple murmura contre Moïse en disant: Que boirons-nous?  Moïse cria à l’Eternel; et l’Eternel lui indiqua un certain bois, qu’il jeta dans l’eau.  Et l’eau devint douce.  C’est là que l’Eternel donna au peuple des prescriptions et des ordonnances, et ce fut là qu’il le mit à l’épreuve.

De quel bois s’agissait-il?  Difficile à dire.  Certains commentateurs du livre de l’Exode signalent que sur la côte de Coromandel, le long du golfe du Bengale, il existe un bois qu’on appelle hellimaram et qui a la propriété d’adoucir l’eau amère: les tamouls en garnissent le fond de leur puits.  De même au Pérou, où une autre plante, appelée le yerva, est emportée par les voyageurs car elle possède la même propriété.  Mais on a du mal à identifier une plante ou un bois similaire sur la côte de la mer Rouge.

 

Quoi qu’il en soit, pour revenir à notre situation contemporaine, nous devons d’abord constater que l’accroissement de la démographie, en particulier dans les pays qui ont peu de ressources en eau, accroît proportionnellement la demande d’eau, de même que la production d’eaux usées qui doivent être recyclées.  De même la production de déchets domestiques s’en trouve accrue, avec les conséquences que cela implique.  Une gestion très rigoureuse des questions de nettoyage et de recyclage s’impose donc.  Or, de par le monde, beaucoup de responsables locaux semblent penser qu’en matière de progrès et de protection sociale, il y a bien d’autres priorités et urgences que la protection de l’environnement qui ne serait après tout qu’un luxe pour les riches.  Ce qui est une grave erreur, naturellement, car si on néglige cette protection, on augmentera le nombre d’épidémies, comme le choléra ou la dysenterie, qui sévissent toujours dans bien des pays du tiers-monde.  Comment favoriser un quelconque progrès social si dès le départ on laisse mourir les gens par pure négligence ou pour n’avoir pas voulu comprendre quelles étaient les vraies priorités, celles qui protègent la vie humaine au niveau le plus élémentaire?

Quant à la rareté croissante de l’eau dans de nombreux pays, comment y parer?  L’agriculture, en tous cas l’agriculture qui dispose de moyens d’irrigation par voie d’arrosage mécanisé, consomme un large pourcentage de l’eau qui est disponible (jusqu’à 60% dans certains pays), ce qui est naturel puisque la production alimentaire vitale pour tous en dépend. Mais cette irrigation se fait-elle de manière adéquate?  Par exemple, est-il sensé d’activer cette irrigation quand à certaines saisons des vents forts entraînent l’eau du système d’arrosage dans une autre direction que celle souhaitée, c’est-à-dire ailleurs que sur les plantes qu’elle est censée arroser?  Ce n’est pas seulement l’eau qui est gaspillée,  mais l’agriculteur lui-même gaspille son argent, car il paie pour sa consommation d’eau.

Lorsque les hommes se prennent pour les maîtres de la nature, et non les gardiens et les cultivateurs du jardin, ils peuvent provoquer des catastrophes aux conséquences incalculables.  Je voudrais vous rapporter ce qui s’est passé en Union Soviétique il y a environ quarante ans de cela.  Sous ce régime à la fois matérialiste-athée et éminemment dirigiste, on a voulu augmenter la production de coton des républiques d’Asie centrale, comme l’Ouzbékistan.  Un plan quinquennal étant établi au plus haut sommet de l’Etat soviétique, il fallait s’assurer d’une manière ou d’une autre que les résultats projetés seraient atteints.  Qu’a-t-on alors décidé?  Tout simplement de détourner par des travaux herculéens le cours de l’Amou Daria et du Syr Daria, deux fleuves qui se jettent dans la grande mer d’Aral, afin de les faire irriguer les vastes plantations de coton d’Ouzbékistan.  Que s’est-il passé?  Bien évidemment, le niveau de la mer d’Aral a commencé à baisser.  La concentration de sel dans l’eau augmentant en proportion, la grande majorité des poissons de la mer sont morts.  L’industrie de la pêche et tous les villages aux alentours de la mer qui en vivaient s’en est trouvée anéantie.  Bref, une catastrophe spectaculaire, due à la folie destructrice des hommes sous prétexte d’organisation étatique et de plan quinquennal à respecter.  Aujourd’hui, après qu’on ait tâché par la suite de rétablir l’équilibre naturel,  la mer  d’Aral reprend peu à peu vie, mais à quel prix!  Sans même parler de la vie animale, de larges communautés humaines se sont trouvées économiquement et humainement démolies par ceux-là mêmes qui au nom d’une politique toute puissante prétendaient leur apporter le bonheur et un avenir radieux.

Aujourd’hui, pour avoir accès à davantage d’eau douce, on a recours à d’autres idées, on fait d’autres plans.  Actuellement en Australie on étudie la possibilité d’enfermer dans d’énormes sacs en plastique de petits icebergs d’environ un million de tonnes, qui se sont détachés de l’Antarctique et dérivent vers les terres fermes.  En suivant des courants maritimes froids, ils pourraient petit à petit arriver vers les terres où il y a pénurie d’eau douce.  Vers la fin de leur périple on les remorquerait jusqu’à leur destination, même si l’eau de l’iceberg commence à fondre au contact de courants plus chauds.  Cela n’aurait pas d’importance dans la mesure où l’eau douce serait préservée dans le sac.  Arrivée à destination, elle serait alors pompée.  Ceci est encore une idée qui doit être étudiée, notamment en ce qui concerne ses coûts financiers.

Il y a quelques années, on a tâché de projeter par avion dans les nuages des cristaux d’iodure d’argent afin d’augmenter la pluviométrie.  Mais ces essais ont été infructueux et donc abandonnés.  En Afrique une autre idée consiste à envoyer d’énormes tankers vides aux embouchures de grands fleuves comme le Zaïre ou le Zambèze afin d’en capter l’eau douce qui forme une nappe de plusieurs kilomètres dans la mer.

Toutes ces idées, dont la réalisation implique des investissements et une logistique énormes, ne remplaceront cependant pas l’utilisation optimale de l’eau dont nous disposons et vers laquelle chacun doit tendre.  Je mentionnais la dernière fois que le mauvais entretien des conduites d’eau  par bien des services municipaux est responsable d’une perte d’eau qui peut dépasser 15%.  Faut-il aller hisser des icebergs dans l’océan alors qu’on peut faire sur place des économies substantielles en gérant au mieux ce dont nous disposons? On peut certes s’attendre à un renchérissement du prix de l’eau dans beaucoup de pays, en raison de la forte demande et de la rarité croissante de ce bien si précieux.  Mais on doit s’atteler avec urgence à la protection de notre patrimoine à cet égard.

Il n’y a d’ailleurs pas que la quantité qui fait problème, la qualité de l’eau que nous consommons est tout aussi vitale.  Je vous ai parlé la dernière fois du processus de filtrage par des stations d’épuration situées en amont et en aval des localités où l’eau d’une rivière est utilisée.  Les normes valables pour la consommation industrielle d’eau ne sont pas les mêmes que celles applicables à la consommation domestique.  Il existe par ailleurs des normes pour d’autres catégories, comme l’élevage, ou les écosystèmes aquatiques.  Quand pouvons-nous dire qu’une eau destinée à la consommation domestique est polluée?  Il faut d’abord bien comprendre que nous ne buvons jamais de l’eau qui est purement composée de molécules H2O.  On y trouve toujours des sels, comme les sulfates, nitrates ou phosphates.  On y trouve des métaux comme le plomb, le fer, le manganèse ou le magnésium.  On y trouve aussi des micro organismes, comme des bactéries ou des animaux ou plantes microscopiques. L’eau devient polluée lorsque la teneur d’un de ces éléments est en surnombre, si je puis dire, et menace le fonctionnement d’un éco-système ou porte atteinte à la santé des gens.  Bien sûr là où la quantité d’eau disponible est moindre, à cause d’un système hydrographique réduit, le rejet de déchets dans les rivières a des conséquences bien plus graves que lorsque la capacité d’assimilation est plus importante, en raison d’un réseau beaucoup plus large où les déchets sont plus facilement absorbés.

Je vous parlerai la prochaine fois de dangers spécifiques concernant la qualité de l’eau que nous consommons, et qui peut durablement affecter notre santé.  Mais, tout comme la dernière fois, concluons en lisant  ces paroles du livre de l’Apocalypse, le dernier livre de la Bible, dans lequel l’auteur a une vision des nouveaux cieux et de la nouvelle terre que Dieu fait venir pour que son peuple y habite: Finalement l’ange me montra le fleuve de la vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l’Agneau.  Au milieu de l’avenue de la ville, entre deux bras du fleuve, se trouve l’arbre de vie.  Il produit douze récoltes, chaque mois il porte son fruit.  Ses feuilles servent à guérir les nations.