GARDIENS DU JARDIN (5)

 

Notre série d’émissions “Gardiens du Jardin” qui s’occupe de questions d’environnement à la lumière d’une perspective chrétienne,  est fondée sur le mandat originel que Dieu a confié au premier couple humain: celui de cultiver et garder le jardin de la Création.  Certes, ce jardin est aujourd’hui bien abîmé, et l’exploitation abusive ou mal gérée des ressources  naturelles par l’homme en est la cause principale.  Le mandat divin confié à l’homme n’a pas disparu, loin de là, mais il se définit dans un cadre différent de celui du jardin d’Eden: l’homme et la nature sont souvent en conflit, d’une côté la terre produit des ronces et des épines, de l’autre l’homme tente de l’asservir pour ses propres fins sans lui accorder le repos dont elle a besoin.  La dernière fois j’ai insisté sur la responsabilité individuelle que nous avons tous par rapport à nos habitudes, nos pratiques quotidiennes, en particulier pour ce qui concerne la manière dont nous gérons les déchets que nos produisons tous les jours, ou encore la consommation de matériaux inutiles que nous pouvons fortement réduire.  Mais il est évident que la question de la garde du jardin, dans la mesure où il s’agit d’une préoccupation communautaire et pas seulement individuelle, appelle des réponses politiques, c’est à dire au niveau de l’organisation publique.  Les questions d’environnement sont aussi d’ordre politique dans la mesure où la régulation des activités économiques a une influence certaine sur ces questions.  Par exemple: l’attribution de permis d’exploitation aux industries minières est d’ordre à la fois économique et politique. Cette attribution se fera-t-elle en prenant seulement en compte le développment de l’économie locale, la création d’emplois, certes bien nécessaire, mais au détriment de la préservation à long terme de l’environnement?  Ou bien se fera-t-elle tout simplement en échange d’un pot-de-vin versé par un puissant groupe industriel à des autorités corrompues?  On a souvent tendance à penser que l’environnement n’est qu’une question d’eau et d’air, de sol, de plantes et d’animaux.  Or, si on cherche des solutions à long terme, il nous faut inclure dans notre réflexion l’aspect économique et politique.  Le but étant de suppléer aux besoins de la génération présente en matière de ressources naturelles, sans pour autant spolier les générations futures.  Car si notre génération exploite ces ressources en les faisant disparaître, alors nous nous serons rendus collectivement coupables d’une transgression du huitième commandement de la loi divine: tu ne déroberas pas.  S’approprier et faire disparaître les ressources naturelles, c’est voler, dérober notre prochain, oui, même si celui-ci n’est pas encore né!  Notre environnement a été créé par Dieu pour de nombreuses générations, pas pour la nôtre seulement.  Qu’en faisons-nous?  Un fermier l’a exprimé de manière très convaincante en disant qu’il n’a pas hérité de ses parents sa ferme avec tout le terrain qui l’entoure, mais qu’en fait il l’emprunte à ses enfants et à ses petits-enfants.  Voilà une vision des choses propre à nous faire réfléchir, n’est-ce pas?

Les problèmes économiques, comme la pauvreté, ont certainement une influence sur la question de l’environnement.  Une réserve naturelle sera maintenue en bon état si la gestion interne des fonds qui lui sont attribués est faite correctement, et si les pouvoirs publics s’assurent qu’il n’y a ni fraude ni négligence.  Mais même avec une bonne gestion interne, si cette réserve est entourée de poches de grande pauvreté, on pourra s’attendre à ce que ses ressources soient pillées, et très vite on verra apparaître le braconnage.  Vous voyez que les aspects économiques, sociaux et politiques sont étroitement imbriqués dans la question de la protection de l’environnement.  Un autre exemple devrait suffire à clarifier ce point: les troubles politico-militaires qui sévissent dans bien des régions du monde, occasionnent très souvent des déplacements forcés de population, créant d’immenses poches de réfugiés dans des zones étroites qui ne disposent pas des ressources naturelles ni même de l’infrastructure la plus élémentaire (sanitaire par exemple) pour accommoder tous ces gens.  On peut donc s’attendre à des crises aigües d’accès à l’eau potable, et à la pollution rapide de rivières avoisinantes où les déchets de toutes sortes (comme des excréments humains) seront déversés en quantité, causant bientôt des épidémies telles que le choléra.  Ce genre de désastre à la fois humain et écologique est bien lié à l’instabilité politique et aux guerres de clans qui foisonnent un peu partout, notamment sur le continent africain.

Mais je reviens sur un point que j’ai soulevé tout à l’heure, celui de l’activité minière.  Prenons le cas des mines de charbon, et comment gérer leur activité, notamment en ce qui concerne les retombées sur l’agriculture.  Le charbon apparaît en couches dans le sous-sol et si ces couches ne sont pas très profondes, on peut extraire le charbon dans des puits à ciel ouvert, à l’aide d’énormes machines. Le rebut de ces mines est cependant très problématique car s’il est mis en contact avec des substances acides il se met spontanément à brûler, rejetant dans l’atmosphère des tonnes de gaz de dyoxide sulphurique.  De la pyrite (c’est-à-dire du sulfure naturel de fer) est aussi dégagée, produisant des alliages sulphuriques.  L’eau mise en contact avec cette substance devient très acide en raison de l’acide sulphurique qui s’est formé.  Après que les gisements de charbon aient été exploités, le terrain est en général réhabilité, pour être de nouveau utilisé à des fins agricoles.  Mais très souvent, cette réhabilitation consiste simplement  à niveler le sol en ajoutant une couche d’humus au-dessus.  Il existe suffisamment de témoignages pour démontrer que la production agricole effectuée par la suite sur ces sols réhabilités est largement inférieure à celle des sols qui n’ont pas servi à une exploitation minière du type que je vous ai décrit.  Une étude a montré que la production de maïs sur un sol réhabilité était de deux tonnes à l’hectare, tandis que sur un sol naturel elle était de 8 tonnes à l’hectare.  Maintenant si les couches de charbon sont trop profondes pour permettre une exploitation à ciel ouvert, on a recours à une autre méthode par laquelle on laisse à l’intérieur des colonnes de minerai comme piliers pour soutenir le plafond des chambres.  En survolant ces zones minières, on s’aperçoit cependant qu’en de nombreux endroits, les couches supérieures se sont effondrées, ce qui rend ensuite la surface du sol totalement inapte à être de nouveau utilisée pour l’agriculture. De plus, dans certains cas, les puits des mines de charbon ainsi que le rebut rejeté à la surface continuent à exfiltrer de l’eau acide durant  des décennies après la fin de l’exploitation, ce qui peut devenir un facteur généralisé de pollution des sources d’eau souterraines aussi bien qu’en surface.  Or il, est possible d’extraire le charbon de manière à réduire au maximum l’impact négatif sur l’environnement, si on veut bien faire l’effort d’investir dans les méthodes et les techniques appropriées.  Ici encore la responsabilité politique des pouvoirs publics doit être soulignée, puisque c’est à elle que revient la prérogative d’assurer le bien public, la protection de la communauté nationale.  Les groupes miniers qui font l’effort indiqué doivent être encouragés, ceux qui rechignent doivent être strictement traités.  Certes il faudra effectuer encore beaucoup de recherches pour améliorer la qualité des terrains réhabilités et permettre à l’agriculture de reprendre son cours de manière optimale.  Ceci est extrêmement important car si la surface des sols arables diminue, c’est la quantité de nourriture que nous pouvons avoir sur notre table tous les jours qui diminuera d’autant.  Quand nous prions Donne-nous notre pain de ce jour,  nous l’attendons de la main du Seigneur, bien sûr, mais nous avons auparavant prié Que ton règne vienne et Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, ce qui implique de notre part la soumission de notre propre volonté, de toutes nos actions, individuelles mais également communautaires, à la volonté du Seigneur.  C’est à lui seul qu’appartient la terre entière et tous ses habitants, comme le proclame le psaume 24.

Et je conclus cette émission en vous relisant les paroles de l’apôtre Paul au chapitre 13 de sa lettre aux chrétiens de Rome, lorsqu’il parle du rôle donné par Dieu aux autorités publiques, rôle qu’Il a lui-même institué.  Vous verrez par vous-même quelle application on peut tirer de ce passage pour toutes les questions qui ont été traitées dans notre émission d’aujourd’hui: Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu.  C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes.  Les gouvernants ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal.  Veux-tu ne pas craindre l’autorité?  Fais le bien, et tu auras son approbation, car elle est au service de Dieu pour ton bien.  Mais si tu fais le mal, sois dans la crainte; car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée, étant au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal.