LE FRANCAIS
PAR LA BIBLE (7)
« Le
français par la Bible » : c’est le titre d’une série d’émissions
que Foi et Vie Réformées vous propose et que j’ai commencée il y a
plusieurs semaines de cela. De quoi
s’agit-il ? Tout simplement
d’étudier quelques règles de la langue française en lisant des passages de
la Bible et en les étudiant sous l’aspect de la grammaire ou de la syntaxe,
c’est-à-dire de l’agencement interne de chaque phrase.
Nous
avons passé en revue ensemble les temps du mode indicatif, puis l’impératif,
enfin le mode conditionnel, dans sa forme présente et passée.
Voyons maintenant le mode subjonctif, sans doute le plus difficile à
manier correctement en français. De
quoi s’agit-il ? Le mode
subjonctif exprime l’objet de sentiments subjectifs de celui qui écrit ou qui
parle. Il est en général introduit par un verbe à l’indicatif qui exprime
le doute, la crainte, le souhait etc. Quelques
exemples : je veux que tu viennes
demain manger chez nous. « Je veux » c’est le verbe vouloir à la première personne du
singulier du présent de l’indicatif.
Que tu viennes c’est le verbe
venir à la deuxième personne du singulier du subjonctif tu verbe venir.
Au mode indicatif, on dit : tu
viens mais au mode subjonctif, le verbe est conjugué différemment : je
veux que tu viennes, ou encore : il
faut que tu viennes, je souhaite que tu viennes.
L’action de venir n’est pas présentée comme quelque chose qui
est en train de se passer, mais comme l’objet d’un souhait, ou d’une nécessité.
En particulier, chaque fois qu’on dit ou écrit il
faut que, on doit faire suivre le verbe au subjonctif présent.
Si cela vous paraît trop difficile, alors utilisez le mode infinitif,
comme dans : il faut venir, il faut aller, il faut manger. Mais l’inconvénient
avec le verbe suivi de l’infinitif, est qu’on ne sait pas qui est la
personne qui doit venir, aller ou manger, parce que l’infinitif est un mode
qui ne se conjugue pas. Il peut s’appliquer à toutes les personnes
indistinctement : moi, toi, lui ou elle, nous, vous, ils ou elles au
pluriel. Quand je dis par exemple :
Il faut venir, de qui s’agit-il
exactement ? De moi, de toi, de
lui ou d’elle ? Bien
sûr le contexte de la conversation ou du texte nous aidera à déterminer de
qui il s’agit, mais il peut facilement y avoir une confusion ou une
incertitude. Tandis qu’avec le
mode subjonctif, qui se conjugue à toutes les personnes du singulier et du
pluriel, on saura tout de suite de qui ou de quoi vous parlez : Il
faut que je vienne, il faut que vous veniez etc.
Pour exprimer de près la même chose, on peut aussi employer le verbe devoir
conjugué à la personne dont il est question, puis suivi de l’infinitif. Au
présent cela donne par exemple: je
dois aller à l’école, tu dois venir chez moi, il doit faire son travail,
nous devons boire de l’eau, vous devez vous mettre en route, elles doivent se
rencontrer. Comme vous le
voyez, le verbe devoir est suivi
d’un verbe au mode infinitif :
aller, venir, faire, boire, se mettre en route, se rencontrer. Cela évite
d’avoir à conjuguer tous ces verbes, car le verbe devoir
s’en charge, c’est lui qui est conjugué.
Mais si j’emploie la forme invariable (c’est-à-dire qui ne change jamais) il
faut que, cela donnera les constructions suivantes, avec les verbes conjugués
au présent du subjonctif : il faut
que j’aille à l’école, il faut que tu viennes chez moi, il faut qu’il
fasse son travail, il faut que nous buvions de l’eau, il faut que vous vous
mettiez en route. Ou encore, à
la forme négative : il
ne faut pas qu’elles se rencontrent, il ne faut pas que vous alliez au
magasin.
Mais
prenons maintenant quelques exemples dans la Bible.
Un passage de la première lettre de Paul à Timothée, au chapitre
trois, utilise l’expression il faut que en l’appliquant à plusieurs aspects de la vie.
Paul donne des recommandations pour les dirigeants d’église, ceux qui
conduisent les fidèles. Il écrit :
Il faut que le dirigeant soit un homme irréprochable : mari fidèle
à sa femme, maître de lui-même, réfléchi et vivant de façon convenable.
Qu’il soit hospitalier et capable d’enseigner.
Il ne doit pas être buveur ni querelleur, mais au contraire aimable et
pacifique. Que l’amour de
l’argent n’ait sur lui aucune prise. Qu’il
dirige bien sa famille et maintienne ses enfants dans l’obéissance, en toute
dignité. Car, comment un homme qui
ne dirige pas bien sa famille serait-il qualifié pour prendre soin de
l’Eglise de Dieu ? Que
ce ne soit pas un converti de fraîche date, de peur qu’il ne se laisse
aveugler par l’orgueil et ne tombe sous la même condamnation que le diable.
Enfin, il doit aussi jouir d’une bonne réputation parmi ceux qui ne
font pas partie de la famille de
Dieu afin de ne pas s’exposer au mépris public et de ne pas tomber dans les
pièges du diable.
Il faut que le dirigeant
soit un homme irréprochable : le verbe être suivant il
faut que est conjugué au subjonctif : soit.
A l’indicatif, on aurait : le
dirigeant est un homme irréprochable. Mais
Paul exprime ici la nécessité pour un dirigeant d’église d’être un homme
irréprochable. Au présent du
subjonctif, le verbe être se conjugue comme suit : que
je sois, que tu sois, qu’il ou elle soit ; que nous soyons, que vous
soyez, qu’ils ou qu’elles soient. Dans
notre texte nous trouvons de nouveau le verbe être au subjonctif présent, avec
la phrase suivante : Qu’il soit
hospitalier et capable d’enseigner. Un
peu plus loin nous trouvons une forme négative du subjonctif présent du verbe
être : Que ce ne soit pas un
converti de fraîche date. Puis
nous trouvons deux autres verbes au subjonctif : le verbe diriger, et le verbe maintenir :
Qu’il dirige bien sa famille et
maintienne ses enfants dans l’obéissance, en toute dignité.
Nous avons aussi le verbe avoir
au subjonctif, à la forme négative, dans la phrase suivante : Que
l’amour de l’argent n’ait sur lui aucune prise.
Le verbe avoir au subjonctif, se conjugue de la manière suivante :
que j’aie, a-i-e ; que tu aies, a-i-e-s ; qu’il ou qu’elle ait,
a-i-t ; que nous ayons, a-y-o-n-s, que vous ayez, a-y-e-z, qu’ils ou
qu’elles aient, a-i-e-n-t. Pour
les verbes du premier groupe, comme diriger, la conjugaison
est assez simple et ressemble beaucoup à celle du présent de l’indicatif.
Il n’y a en fait que la première personne du pluriel (nous) et la
deuxième personne du pluriel (vous) qui changent un peu : elles prennent
la lettre « i » dans leur terminaison, comme à l’imparfait de
l’indicatif, si vous vous souvenez bien. Donc
on dit : il faut que nous dirigions bien notre famille, il faut que vous dirigiez
bien votre famille. Mais pour
les autres personnes, on a tout simplement : il faut que je dirige -e-, il
faut que tu diriges -es-, il faut qu’il ou elle dirige -e-.
Et à la troisième personne du pluriel : il faut qu’ils ou elles
dirigent e-n-t.
Pour
les verbes du second groupe, comme obéir,
la conjugaison est la suivante : que j’obéisse -e- ; que tu obéisses
-es- ; qu’il ou elle obéisse -e- ; que nous obéissions
-i-s-s-i-o-n-s ; que vous obéissiez i-s-s-i-e-z ; qu’ils obéissent
i-s-s-e-n-t. Dans la lettre de Paul aux Galates, dans le Nouveau Testament,
Paul demande à ses correspondants : Vous
couriez bien, qu’est-ce qui vous a arrêtés pour que vous n’obéissiez pas
à la vérité ? La forme obéissiez
est le verbe obéir au subjonctif présent à la deuxième personne du pluriel
(vous). De même dans la lettre de
Paul aux Romains, au chapitre 6 verset 12, Paul donne des injonctions à ses
lecteurs : Que le péché ne règne
donc pas dans votre corps mortel, et que vous n’obéissiez pas à ses
convoitises. Dans cette
phrase, le verbe régner, du premier
groupe, est lui aussi au subjonctif présent, même si la forme verbale est la même
qu’à l’indicatif présent : Que
le péché ne règne donc pas. La
forme est la même que dans l’affirmation,
au présent de l’indicatif : Le péché ne règne pas dans votre corps mortel.
A l’indicatif, on indique
un état des choses, une réalité. Au
subjonctif, il s’agit d’une exhortation de l’apôtre Paul, d’une
injonction, d’un appel en quelque sorte : Que
le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel, et que vous n’obéissiez
pas à ses convoitises. Que vont
faire les lecteurs de Paul ? Vont-ils obéir à cette injonction, à cet
appel ? La question reste
ouverte, le texte ne dit pas qu’ils vont le faire, il dit que Paul veut
qu’ils le fassent, et il leur demande de le faire.
Le
mode subjonctif est un mode très particulier et son emploi est souvent assez
subtil. Disons-le, il est parfois difficile à saisir et à manier.
Mais comme dans d’autres langues comme l’espagnol ou l’allemand, il
apporte une grande richesse d’expression et de nuances à la langue française.
Il introduit tantôt une nuance de volonté, tantôt d’exhortation, tantôt de
crainte, parfois de projection incertaine dans le futur.
Certains verbes conduisent toujours à l’emploi du subjonctif dans le
reste d’une phrase. Par exemple
les verbes souhaiter, ou craindre. On
dira par exemple : je souhaite que
vous fassiez ce que je vous demande. Fassiez,
c’est le verbe faire à la deuxième
personne du pluriel du subjonctif présent. Le verbe
craindre, lui, a une
construction particulière, avec la particule ne mais sans que cela ait
une valeur négative. Exemple :
je crains qu’il ne vienne, nous
craignons qu’il ne fasse une bêtise. L’expression
verbale avoir peur que se construit
aussi avec le subjonctif.
Exemple ; elle a peur que nous lui
demandions quelque chose de difficile. Les verbes qui se construisent avec pour
que, afin que, indiquant la recherche d’un but, amènent aussi le
subjonctif. Quelques exemples pris de la Bible. A la fin du troisième
chapitre de la seconde lettre de Paul à Timothée, Paul écrit : Toute
Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour
redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté
et préparé à toute bonne œuvre. Le
même Paul, au début de sa lettre à son compagnon de travail Tite, lui écrit :
Je t’ai laissé en Crète, afin que tu
mettes en ordre ce qui reste à régler, et que, selon mes instructions, tu établisses
des anciens dans chaque ville. Les
verbes mettes et établisses sont
tous deux conjugués au subjonctif présent, parce qu’ils suivent
afin que.
Ils expriment au mode subjonctif le but pour lequel Paul a laissé Tite
sur l’île de Crète : c’est pour que l’Eglise soit bien dirigée par
des anciens, avec des diacres qui les soutiennent et s’occupent des plus
pauvres dans la communauté chrétienne.
Voilà
pour aujourd’hui ce que je voulais vous dire sur le mode subjonctif.
Je vous retrouverai lors d’une prochaine émission de Foi et Vie Réformées
pour un autre programme de cette série « Le français par la Bible ».