LE FRANCAIS PAR LA BIBLE (8)

 

Je reprends avec vous l’étude du mode subjonctif en français, à la lumière d’exemples pris dans la Bible.  Le mode subjonctif exprime l’objet de sentiments subjectifs de celui qui écrit ou qui parle. Il est en général introduit par un verbe à l’indicatif qui exprime le doute, la crainte, le souhait etc. Un exemple : je veux que tu viennes demain manger chez nous.  « Je veux » c’est le verbe vouloir à la première personne du singulier du présent de l’indicatif.   Que tu viennes c’est le verbe venir à la deuxième personne du singulier du subjonctif tu verbe venir.  Dans la prière que Jésus a enseignée à ses disciples, les trois premières demandes sont au présent du subjonctif, car elles expriment justement une prière, un souhait intense : Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.  Soit c’est le verbe être à la troisième personne du singulier du subjonctif présent ; vienne c’est le verbe venir à la troisième personne du singulier du subjonctif présent.  Ils ont une conjugaison différente de celle du mode indicatif.  A l’indicatif présent, on dit : ton nom est sanctifié, ton règne vient.

Mais, comme je vous l’ai expliqué la dernière fois, la conjugaison des verbes du premier groupe au subjonctif diffère très peu de celle de l’indicatif.  En fait, seules la première et la deuxième personne du pluriel sont différentes, puisqu’elles prennent la lettre « i » dans la terminaison du verbe.  Par exemple : il faut que nous mangions ce soir, il faut que vous sortiez demain. Pour les autres personnes, les formes sont les mêmes : Il faut que je sorte - e; il faut que tu sortes, e-s ; il faut qu’il sorte, - e ; et au pluriel : il faut que ces gens sortent e-n-t.  Un exemple pris d’un récit bien connu dans l’évangile selon Jean : lorsque Jésus est placé devant un piège par les docteurs de la Loi de son époque, parce qu’on lui demande s’il faut lapider une femme prise en flagrant délit d’adultère, il leur répond : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre.  Ici, le verbe jeter est conjugué au présent du subjonctif, car il s’agit d’une injonction, d’une invitation, introduite par la particule que.  Même si la conjugaison du verbe jeter n’est pas différente à la troisième personne du singulier de celle du mode indicatif jette, j-e-t-t-e, on est bien au mode subjonctif.

Les verbes qui ont une forme différente de l’indicatif au mode subjonctif sont ceux du troisième groupe, c’est-à-dire ceux qui sont assez irréguliers.  Il n’est pas possible ici de tous les passer en revue, je vais seulement vous donner la conjugaison de quelques uns d’entre eux, qu’on utilise couramment : aller, vouloir, pouvoir, faire.  Commençons par le verbe aller, ou s’en aller:   il faut que j’aille, ou que je m’en aille. On en a un exemple dans la parabole des invités que Jésus raconte, et qui nous est rapportée au chapitre 14 de l’évangile selon Luc. Un des invités s’excuse de ne pas pouvoir venir au festin.  Il dit au serviteur du maître qui l’a invité: J’ai acheté un champ et il faut que j’aille le voir. Que j’aille a-i-l-l-e ;  que tu ailles, a-i-l-l-e-s ; qu’il aille a-i-l-l-e ; que nous allions, a-l-l-i-o-n-s ; que vous alliez, a-l-l-i-e-z ; qu’ils aillent, a-i-l-l-e-n-t.  Comme vous le voyez, les trois personnes du singulier et la troisième personne du pluriel commencent avec les lettres a-i-l-l, tandis que le verbe à la première et la deuxième personne du pluriel (nous et vous) commence par les lettres a-l-l-i : que nous allions; que vous alliez.  La prononciation est différente.

Verbe vouloir maintenant : prenons un exemple tiré de la première lettre de Paul aux Corinthiens, au chapitre sept.  Paul donne des instructions sur le mariage. Au verset 12, il écrit : Aux autres, ce n’est pas le Seigneur, c’est moi qui dis : Si un frère a une femme non croyante, et qu’elle veuille habiter avec lui, qu’il ne la répudie pas ; et si une femme  a un mari non croyant, et qu’il veuille habiter avec elle, qu’elle ne répudie pas son mari.  Dans les deux phrases, veuille est le verbe vouloir à la troisième personne du singulier du subjonctif.  La conjugaison de ce verbe est la suivante : que je veuille, v-e-u-i-l-l-e ; que tu veuilles, v-e-u-i-l-l-e-s ; qu’il ou elle veuille, v-e-u-i-l-l-e ;  que nous voulions, v-o-u-l-i-o-n-s ; que vous vouliez, v-o-u-l-i-e-z ; qu’ils ou qu’elles veuillent, v-e-u-i-l-l-e-n-t.  Comme pour le verbe aller, la première et la deuxième personne du pluriel (nous et vous) sont différentes des autres personnes : voulions, vouliez.

Verbe pouvoir maintenant.  Dans la lettre aux Hébreux, au chapitre 4, l’auteur fait une très belle déclaration concernant Jésus-Christ, qui est le souverain sacrificateur définitif, celui qui a offert sa propre personne en sacrifice parfait de réconciliation avec Dieu : car nous n ’avons pas un souverain sacrifice qui ne puisse compatir à nos faiblesses ; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans toutefois commettre de péché.  Puisse est le subjonctif présent du verbe pouvoir à la troisième personne du singulier. Un autre exemple, tiré de la lettre de Paul aux Éphésiens (6 :13) introduit le subjonctif du verbe pouvoir avec la conjonction afin que, qui est toujours suivie d’un verbe au mode subjonctif : C’est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin que vous puissiez résister dans le mauvais jour et tenir ferme après avoir tout surmonté.  Conjuguons maintenant le verbe pouvoir à toutes les personnes du présent du mode subjonctif : que je puisse, p-u-i-s-s-e ; que tu puisses, p-u-i-s-s-e-s ; qu’il ou elle puisse : p-u-i-s-s-e ; que nous puissions, p-u-i-s-s-i-o-n-s ; que vous puissiez, p-u-i-s-s-i-e-z ; qu’ils ou qu’elles puissent, p-u-i-s-s-e-n-t.

Regardons maintenant le verbe savoir : Dans le récit de la rencontre de Jésus avec les disciples d’Emmaüs, qui nous est rapporté au chapitre vingt-quatre de l’évangile selon Luc, un des disciples, nommé Cléopas, répond à Jésus qui s’était mis à marcher avec eux et suivait leur conversation.  Il venait de leur demander : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ?  Cléopas répond donc à Jésus : Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem et ne sache pas ce qui s’y est passé ces jours-ci ?  Sache est le verbe savoir au temps présent du subjonctif, à la troisième personne du singulier.  La conjugaison du verbe savoir est assez facile : que je sache, e ; que tu saches, e-s ; qu’il ou elle sache,  e ; que nous sachions,  i-o-n-s ; que vous sachiez, i-e-z ; qu’ils ou elles sachent, e-n-t.

Après savoir, prenons le verbe faire.  Voici un autre exemple tiré de l’évangile selon Luc, au chapitre trois.  Au moment où les foules sont venues trouver Jean-Baptiste pour lui demander ce qu’elles devaient faire, il leur a répondu : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même.  Fasse est le verbe faire au subjonctif présent, à la troisième personne du singulier.  Tout à fait à la fin du chapitre 14 de la première lettre de Paul aux Corinthiens, Paul, après avoir donné des instructions pour la bonne tenue des assemblées de l’Eglise, conclut avec cette recommandation: Mais que toutes choses se fassent avec bienséance et avec ordre.  Se fassent est le subjonctif présent du verbe faire à la troisième personne du pluriel.  Je vous donne maintenant la conjugaison entière de ce verbe: que je fasse,e. Que tu fasses, s-s-e-s ; qu’il ou elle fasse, s-s-e.  Que nous fassions, s-s-i-o-n-s ; que vous fassiez, s-s-i-e-z ; qu’ils ou elles fassent, s-s-e-n-t.

Après avoir parcouru le présent du subjonctif, parlons un peu du passé du subjonctif.  Il est en effet possible d’employer les verbes au passé de ce mode.  Pour cela, il suffit de conjuguer l’auxiliaire être ou avoir au présent du subjonctif, et de le faire suivre par le participe passé du verbe qu’on veut employer.  Je vous donne un exemple : il fallait que je sois arrivé avant neuf heures.  Il fallait, c’est il faut à l’imparfait.  La nuance du verbe au subjonctif reste la même, mais elle se situe dans le passé.  J’avais l’obligation d’arriver avant neuf heures, ce n’est pas quelque chose qui s’est passé, parce qu’on dirait alors, en employant le passé composé de l’indicatif : je suis arrivé avant neuf heures, pour indiquer ce qui s’est passé.  Mais avec le subjonctif, on exprime qu’il y avait une nécessité : il était nécessaire, ou souhaitable, que quelque chose se passe.  Alors, reprenons maintenant les conjugaisons des verbes être et avoir au subjonctif présent, puisqu’ils servent d’auxiliaire au verbe qui exprime l’idée du subjonctif.  Si on ne les maîtrise pas, on ne pourra jamais se servir du subjonctif passé. Au présent du subjonctif, le verbe être se conjugue comme suit : que je sois, que tu sois, qu’il ou elle soit ; que nous soyons, que vous soyez, qu’ils ou qu’elles soient.  On trouve un bon exemple à la fin de l’évangile selon Luc, lorsqu’après sa résurrection, Jésus apparaît à ses disciples et leur dit (au chapitre 24, verset 44) : C’est là ce que je vous disais encore lorsque j’étais avec vous ; il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes, soit accompli.  Le verbe accomplir est au passé du subjonctif, avec l’auxiliaire être au présent du subjonctif (soit) et le participe passé du verbe accomplir (accompli).

Le verbe auxiliaire avoir, se conjugue de la manière suivante au subjonctif présent: que j’aie, a-i-e ; que tu aies, a-i-e-s ; qu’il ou qu’elle ait, a-i-t ; que nous ayons, a-y-o-n-s, que vous ayez, a-y-e-z, qu’ils ou qu’elles aient, a-i-e-n-t.  On trouve le verbe « nier » au subjonctif passé au moment où, peu avant son arrestation, Jésus dit à Pierre, toujours dans l’évangile selon Luc, cette fois au chapitre 22, verset 34 :  Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd’hui, avant que tu n’aies nié trois fois de me connaître.  Le verbe « nier » est précédé de la particule ne, ou n’, qui n’indique pas ici une forme négative, mais qui suit généralement la conjonction avant que.  Par exemple, on dit toujours: avant qu’il ne soit trop tard, et pas : avant qu’il soit trop tard.  Alors, pourquoi la parole de Jésus comprend-elle le subjonctif passé ?  C’est parce que le reniement de Pierre est un événement qui ne s’est pas encore produit, mais qui se sera produit avant le chant du coq, donc dans une dimension passée.

Je vais vous laisser là-dessus, car cette leçon sur le subjonctif est assez lourde à digérer.  Pour bien maîtriser le mode subjonctif, il faut non seulement connaître les différentes conjugaisons, mais aussi comprendre les nuances à la fois complexes et très variées de ce mode.  On n’y arrive en fait qu’en lisant de la bonne littérature et en faisant attention à la manière dont les auteurs qui manient bien la langue française utilisent ce mode dans tous ses aspects.