LA VIE ENTIERE EST RELIGION (2)

La vie entière est religion, ou, si vous préférez, sacrée, car elle se déroule entièrement sous le regard de Celui qui l’a non seulement créée, mais aussi la recrée dans la vie de ceux qui, par la foi, sont greffés dans la nouvelle vie du Christ ressuscité.  C’est ce dont nous avons parlé lors de notre dernière émission consacrée à ce thème, en nous fondant particulièrement sur un passage de la lettre de Paul aux chrétiens de Rome.  Pour vous le remémorer je vous relis ce passage, à partir du verset 33 du chapitre 11, jusqu’au verset 2 du chapitre 12 : Combien profondes sont les richesses de Dieu, sa sagesse et sa science !  Nul ne peut sonder ses jugements.  Nul ne peut découvrir ses plans.  Car, « Qui a connu la pensée du Seigneur ?  Qui a été son conseiller ?  Qui lui a fait des dons pour devoir être payé de retour ? »  En effet, tout vient de lui, tout subsiste par lui et pour lui.  A lui soit la gloire à jamais !  Amen.  Je vous invite donc, frères, à cause de cette immense bonté de Dieu, à lui offrir votre corps comme un sacrifice vivant, saint et qui plaise à Dieu.  Ce sera là de votre part un culte raisonnable.  Ne vous laissez pas modeler par le monde actuel, mais laissez-vous transformer par le renouvellement de votre pensée, pour pouvoir discerner la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait.

La religion qui découle de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ est la seule qui ait un sens véritable, qui ne nous abandonne pas à nos propres spéculations fumeuses ou à nos fantasmes, et qui soit de plus agréable à Dieu.  Ici Paul utilise dans la langue grecque un mot qui signifie : raisonnable, plein de sens : Ce sera là de votre part un culte raisonnable. On pourrait aussi traduire : un culte véritablement spirituel.  Car ne voyons-nous pas en effet autour de nous toutes sortes de cultes déraisonnables, déformés spirituellement, et mêmes complètement destructeurs ?  Or c’est justement le thème que Paul développe maintenant dans le passage que nous avons lu : le culte raisonnable et vrai qui est acceptable devant Dieu, se caractérise par une continuelle prise de distance vis-à-vis de toutes les tendances qui viennent du monde et ne reflètent pas l’Esprit du Christ tout en influençant notre propre esprit.  En prenant nos distances de cette manière, nous apportons notre corps, notre vie toute entière comme offrande à Dieu, une offrande qui lui est agréable.  Et c’est à n’en pas douter une des choses les difficiles à faire : comment donc puis-je échapper à l’influence du monde ?  Je vis dans le monde, je ne suis pas un moine qui s’isole hors du monde et d’une société mauvaise.  Tous les jours de ma vie j’entre en contact d’une manière ou d’une autre avec les nouvelles qui me viennent du monde, avec des articles de journaux, des livres, toutes sortes de films, de publicités, des chansons dont je n’approuve pas nécessairement les paroles, des images  qui me choquent ; je suis en contact avec des attitudes, des modes de vie qui apparaissent de plus en plus fréquemment dans la société et sont considérés comme acceptables alors qu’ils ne le sont pas au regard de ma foi.  Comment puis-je vivre libre de tout ceci ?  Il ne m’est pas possible de vivre avec une personnalité bipolaire dans ce monde.  Bien souvent nous soupirons aussi : O Seigneur, quand aurai-je atteint un état de perfection  à cet égard?  Paul nous signifie que cette rupture est quelque chose qui a commencé mais qui n’est pas achevé.  C’est un combat qui ne se conclut pas d’un seul coup car il a trait à la mise à mort de notre vieille nature, celle qui refuse encore d’être greffée en Jésus-Christ.  A propos de cette mise à mort le catéchisme de Heidelberg déclare: C’est être affligé du fond du cœur à cause de ses péchés, les haïr et les fuir de plus en plus.  Et la question-réponse qui suit immédiatement, dans ce beau catéchisme du temps de la Réforme, est la suivante : Qu’est-ce que la résurrection de l’homme nouveau ?  C’est se réjouir de tout cœur en Dieu par Jésus-Christ et mettre sa joie et son amour à vivre selon la volonté de Dieu, dans l’accomplissement de toutes œuvres bonnes.  Alors, quand exactement atteindrons-nous la perfection dans cette offrande de notre vie entière à Dieu ?  Seulement lorsque le Seigneur viendra reprendre notre corps ici-bas, au moment décidé par lui seul.  Alors seulement ce corps sera totalement soumis à sa volonté.  La seule arme du chrétien durant ce combat est de savoir qu’il est greffé dans le corps du Christ, que son baptême est un sceau de cette greffe et que l’Esprit de Dieu a fait sa demeure en lui.    Et il doit se souvenir des paroles de Paul : En effet, tout vient de lui, tout subsiste par lui et pour lui.

Il n’est dit nulle part dans la Bible que les croyants doivent s’isoler du monde.   Au contraire, ils sont appelés à exercer un esprit de discernement spirituel sur tous les terrains de l’existence.  C’est le même apôtre Paul qui écrit dans sa première lettre aux chrétiens de Thessalonique : Examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon.  Cela a trait à l’enseignement correct sur les prophéties, au plan de Dieu pour l’humanité, mais l’on doit bien comprendre que cet enseignement s’étend sur toutes les dimensions de notre existence, toutes les sphères de la vie.  Aux chrétiens de Corinthe il écrit aussi dans la même veine (1 Cor. 2 :14-15): Mais l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge.  L’homme spirituel au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne.  A propos de cet esprit de discernement spirituel, Paul peut écrire, dans sa seconde lettre aux Corinthiens (10 :4-5) : Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes devant Dieu, pour renverser des forteresses.  Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensée captive à l’obéissance du Christ.  Ce combat dont parle Paul n’est rien d’autre qu’un combat pour la promotion et le maintien de normes chrétiennes dans la civilisation.  Ce qui est en effet un mandat gigantesque au milieu d’un monde qui ne veut pas en entendre parler.

La rupture progressive de nos pensées, de nos attitudes avec les modèles offerts par un monde incrédule qui refuse de se repentir, est opérée par une transformation, écrit l’apôtre Paul à ses lecteurs. Vous connaissez le mot « métamorphose » qu’on utilise par exemple en sciences naturelles pour indiquer le passage de l’état de chenille à celui de papillon.  Le mot grec employé par Paul est justement le verbe « metamorphousthe », qu’on pourrait traduire par : « soyez transformés, soyez métamorphosés ».  Paul parle d’une transformation que nous n’initions pas nous-même, mais que nous laissons se produire en nous.  Il faut que nous soyons réceptifs vis-à-vis de cette transformation, car elle fait pleinement partie de l’offrande totale de nos vies à Dieu.  L’agent de cette transformation ce n’est donc pas nous, mais le Saint Esprit de Dieu qui travaille en nous.  Et en quoi consiste cette transformation ?  Justement à rompre avec les modèles du monde en comprenant et en vivant de plus en plus profondément  la volonté de Dieu, sur tous les terrains de notre existence.  Au fur et à mesure que notre greffe sur le corps spirituel de Jésus-Christ se confirme, au fur et à mesure que nos yeux se fixent sur lui et lui seul en tant que Médiateur, Sauveur et Roi, alors cette transformation prend place en nous.  Elle renouvelle nos pensées : elle nous fait saisir la volonté parfaite de Dieu et la met en contraste aigu avec les modèles du monde qui nous sont journellement proposés comme étant les seuls viables et valables.  Nous n’apprenons pas seulement à les distinguer, mais nous donnons notre plein assentiment à la volonté de Dieu dans notre vie, nous l’approuvons car nous voyons bien qu’elle est ce qu’il y a de mieux pour nous.  Nous recevons aussi la force de dire « non » au monde et à ses voies tentantes.  « Non », car il y a quelque chose de bien meilleur, et c’est de vivre en accord avec la volonté divine, ce qui est saint, parfait et qui lui plaît, quoi qu’en pense le monde.

Chaque fois qu’un croyant saisit la volonté du Seigneur dans une situation donnée, et cherche à s’y soumettre quel que soit le prix à payer, et quoi que le monde en pense, ce croyant manifeste la vie nouvelle que Dieu lui a donnée en Jésus-Christ : le Saint Esprit fait pousser en lui des fruits  qui glorifient Dieu.  Si nous ouvrons le catéchisme de Heidelberg à la section du 32e dimanche de l’année, nous y trouvons la question suivante : Puisque nous sommes délivrés de notre misère par la grâce du Christ, sans aucun mérite de notre part, pourquoi devons-nous faire des œuvres bonnes ?  La réponse est la suivante : Parce que le Christ, après nous avoir rachetés par son sang, nous renouvelle aussi par son Saint Esprit à son image, afin que nous montrions à Dieu, par toute notre vie, notre reconnaissance pour ses bienfaits et qu’ainsi nous le glorifiions ; ensuite, afin que nous puissions aussi être nous-mêmes assurés de notre foi par les fruits qu’elle porte, et que par la sainteté de notre vie, nos prochains soient gagnés à Jésus-Christ.  Ce que nous dit la dernière phrase de cette section c’est qu’une vie qui témoigne d’une conformité croissante avec la personne de Jésus-Christ est utilisée avec puissance par Dieu comme moyen d’évangélisation, pour gagner notre prochain à Christ. A travers les œuvres bonnes que nous effectuons, d’autres personnes peuvent être attirées vers le  Dieu Sauveur.  Nous-mêmes n’en serons peut-être pas toujours conscients, mais l’esprit de Dieu se servira de notre exemple modelé sur celui du Christ,  pour accomplir le plan de Dieu.  Les voies de Dieu ne sont pas celles du monde. Or tout croyant est appelé à se soumettre à ses voies saintes, en se laissant transformer intérieurement  par son Esprit afin de vivre selon sa volonté parfaite dans tous les aspects de l’existence humaine.  Le tout en gardant toujours ces paroles de Paul à l’esprit : En effet, tout vient de lui, tout subsiste par lui et pour lui.  A lui soit la gloire à jamais !  Amen.