LA TRANSFIGURATION (2)

Nous nous penchons aujourd’hui, pour la seconde fois, sur le récit de la Transfiguration que nous avons lu la dernière fois dans l’Évangile selon Matthieu, au chapitre 17. Nous voulons aujourd’hui bien saisir la signification de cet événement très important dans le ministère terrestre de Jésus: signification aussi bien pour les disciples qui y ont assisté, que pour les croyants de tous les temps.

Mais relisons d’abord ce récit, cette fois-ci dans l’Évangile selon Marc, au chapitre 9, sans oublier qu’il est aussi rapporté par l’évangéliste Luc, au chapitre neuvième: “Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les conduisit seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux: ses vêtements devinrent resplendissants et d’une telle blancheur qu’il n’est pas de blanchisseur sur terre qui puisse blanchir ainsi. Élie et Moïse leur apparurent; ils s’entretenaient avec Jésus. Pierre prit la parole et dit: Rabbi, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. Il ne savait que dire, car l’effroi les avait saisis. Une nuée vint les envelopper, et de la nuée sortit une voix: Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le. Aussitôt les disciples regardèrent à l’entour, mais ils ne virent plus personne que Jésus seul avec eux. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Ils retinrent cette parole, tout en discutant entre eux: Qu’est-ce que ressusciter d’entre les morts? Les disciples lui posèrent cette question: Pourquoi les scribes disent-ils: il faut qu’Élie vienne d’abord? Il leur répondit: Élie vient d’abord et rétablit toutes choses. Comment est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé? Mais je vous dis qu’Élie est venu et qu’ils l’ont traité comme ils l’ont voulu, selon ce qu’il est écrit de lui.”

Amis auditeurs, tâchons maintenant de saisir ensemble la portée et la signification de la Transfiguration: nous le ferons en six points successifs:
-le premier point, c’est que la Transfiguration intervient, comme nous l’avons vu la dernière fois, peu après la confession de Pierre qui reconnaît –et avec lui les autres disciples- que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. La Transfiguration offre une confirmation divine de ce que le Saint Esprit avait mis dans le coeur et dans la bouche de Pierre. Lui et les deux autres disciples le voient de manière indubitable dans le rayonnement qui provient de la personne de Jésus, tandis que la voix divine entendue dans la nuée l’exprime aussi sans la moindre équivoque.
-le second point est que Jésus aussi se voit confirmé dans sa divinité, et de cette manière fortifié avant son départ pour Jérusalem, qui est le prélude de sa souffrance et de sa crucifixion.
-le troisième point est qu’en voyant la gloire de Dieu en la personne de Jésus, les disciples sont aussi préparés pour les épisodes à venir de sa Passion et sa Crucifixion: ils l’auront auparavant vu dans sa gloire et seront plus tard mieux à même de comprendre son ministère, son humiliation volontaire et le chemin du Salut qu’Il ouvre pour ceux qui croiront en lui.
-le quatrième point concerne la relation entre le prophète Élie et Jean-Baptiste: nous avons lu que les disciples demandent à Jésus: “Pourquoi les scribes disent-ils: il faut qu’Élie vienne d’abord?” Jésus leur répond: “Élie vient d’abord et rétablit toutes choses. Comment est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé? Mais je vous dis qu’Élie est venu et qu’ils l’ont traité comme ils l’ont voulu, selon ce qu’il est écrit de lui.” Pour bien comprendre l’identification faite entre Élie et Jean-Baptiste, il faut nous tourner vers le dernier prophète de l’Ancien Testament, Malachie, et vers les toutes dernières paroles contenue dans le livre qui porte son nom, chapitre 3 versets 23 et 24. Là, nous lisons: “Voici: moi-même je vous enverrai le prophète Élie avant la venue du jour de l’Éternel, jour grand et redoutable. Il ramènera le coeur des pères à leurs fils et le coeur des fils à leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d’interdit.” Jean-Baptiste a prêché le baptême de la repentance, appelant la nation toute entière à se repentir de ses péchés, et il a aussi ravivé en Israël l’espérance de la venue du Messie, qu’il désigne comme étant Jésus, et qu’il salue directement. En ce sens, il est bien Élie qui doit venir, celui dont parle le prophète Malachie. Mais la relation entre les souffrances de Jean-Baptiste et celles de Jésus est aussi mentionnée dans les paroles de celui-ci à ses disciples. Tout comme le prophète Élie avait été persécuté par le roi Achab et sa femme Jézabel dans l’Ancien Testament, Jean-Baptiste sera aussi persécuté par le roi Hérode et sa femme, qui le feront mettre en prison puis le feront décapiter. Si ce qui concerne les souffrances de Jean-Baptiste se réalise comme ce fut le cas pour Élie, à bien plus forte raison les souffrances prophétisées sur le Fils de l’homme se réaliseront-elles. De cette manière, Jésus insiste de nouveau sur l’aspect de ses souffrances à venir, alors que les disciples viennent de le voir dans sa gloire.
-le cinquième point a trait au témoignage des disciples plus tard: alors que ceux-ci ne comprennent pas encore le sens de l’expression “résurrection des morts” et ne peuvent par conséquent pas y croire, ils voient non seulement Jésus glorifié, mais aussi Moïse et Élie leur apparaissant dans un corps glorifié, alors que ce sont des personnages du passé. Leur prédication, les exhortations et encouragements prodigués aux jeunes églises bien plus tard seront nourris de ce souvenir vivace, car la proclamation de la résurrection des morts reste centrale dans l’annonce de l’Évangile. Ceux qui doutaient encore de la possibilité de la résurrection des morts, se souviendront de ce moment unique durant lequel ils purent voir Moïse et Élie revenus des morts et s’entretenant avec Jésus. Dans la deuxième lettre de Pierre, au chapitre premier, versets 16 à 18, nous lisons les paroles suivantes: “Ce n’est pas en effet, en suivant des fables habilement conçues que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais parce que nous avons vu sa majesté de nos propres yeux; car il a reçu honneur et gloire de Dieu le Père, quand la gloire pleine de majesté lui fit entendre cette voix: Celui-ci est mon fils bien-aimé, objet de mon affection. Nous avons entendu cette voix venant du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne.” Pour Pierre, ce souvenir n’est pas une fabrication, une invention destinée à détourner des esprits naïfs et crédules, il s’agit d’un témoignage véridique, digne d’être cru. Et ce témoignage doit être perpétué et retransmis par chaque génération de croyants. Dans l’Évangile selon Jean, au premier chapitre, verset 14, nous retrouvons un écho similaire: “La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du fils unique venu du Père.” Ici aussi, la relation entre le Père et le Fils est fortement soulignée.
-En sixième lieu enfin, les croyants ne doivent pas considérer la Transfiguration comme un événement concernant Jésus en tant que Fils unique du Père mais qui n’a pas de rapport avec l’Église, laquelle est le corps même du Seigneur. Bien au contraire, le corps du Christ connaît lui aussi une glorification, que l’Esprit du Christ rend de plus en plus manifeste, à mesure que ce corps grandit en stature spirituelle. L’apôtre Paul, dans la deuxième lettre aux Corinthiens, l’exprime on ne peut plus clairement au chapitre troisième, verset 18: “Nous tous, qui le visage dévoilé, reflétons comme un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit.” L’espérance des Chrétiens repose bien là: à savoir qu’en dépit des apparences, en dépit de ce que les hommes considèrent comme important et digne d’admiration, l’Église, corps du Seigneur ressuscité, reflète comme en un miroir la gloire de son Chef qu’elle contemple directement, et dont la vie forme la trame de sa vie à elle. Ainsi, le récit de la Transfiguration demeure pour l’Église un puissant motif d’encouragement, de réconfort, et ce à chaque génération. Cela est très particulièrement vrai pour l’Église persécutée, qui s’apprête à marcher sur les traces de son Sauveur, c’est à dire sur le chemin de la souffrance et de la Croix. Si elle reste fidèle et continue à contempler son chef comme l’épouse contemple l’époux, alors, quelles que soient ses tribulations présentes, elle reflètera toujours le visage éclatant de Celui qui s’est donné pour elle.