COMMENT RÉSOUDRE LES CONFLITS DANS L’ÉGLISE (10)

Comment opérer la réconciliation avec un membre d’une église qui en a été retranché après avoir d’abord été averti fraternellement en privé de ne pas poursuivre sur la voie mauvaise où il s’est engagé, puis a reçu des admonitions de la part du conseil des anciens de l’Église, a été privé de l’accès à la table du Seigneur pour ne pas être revenu de ses mauvaises voies, puis a été finalement retranché du corps de l’Église après que la situation ait été portée à la connaissance de la communauté dans son ensemble ?  Et d’ailleurs, une telle réconciliation est-elle encore possible après que toutes ces mesures aient été prises et que le pécheur ne se soit pas amendé?   Ce qui paraît impossible aux hommes est toujours possible à Dieu, dont l’Esprit Saint travaille de manière secrète dans le cœur des uns et des autres et peut changer du tout au tout la vie d’un homme ou d’une femme enfoncé dans l’obstination.  Etre convaincu de ses propres péchés et croire en Jésus-Christ ne sont en effet pas des choses qui proviennent de la volonté humaine, mais sont exclusivement les fruits de la nouvelle naissance que Dieu opère dans le for intérieur du pécheur par son Saint Esprit.  Aussi bien le Catéchisme de Heidelberg, au dimanche 31, que l’ordre ecclésial adopté durant le Synode de Dordrecht aux Pays-Bas, évoquent cette éventualité.  Le catéchisme, à la fin de la question-réponse  85, déclare: Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ.  Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Eglise s’ils promettent et manifestent un réel amendement.  On doit toujours garder à l’esprit que Dieu se manifeste à la fois comme un Dieu juste qui punira toujours l’iniquité des pécheurs, et qui ne tiendra jamais le pécheur pour innocent, mais aussi comme le Dieu de miséricorde qui est patient et invite constamment le pécheur à se repentir et à revenir à lui.  Le don de la personne de Jésus-Christ, qui a pris sur lui, lors de sa crucifixion, de payer pour les iniquités de tous ceux qui se repentiraient et croiraient en son sacrifice unique et parfait,  assure tous les vrais croyants que la Grâce de Dieu est plus forte que tous leurs péchés, et qu’ils n’ont donc pas à vivre dans la peur du jugement.  Du reste déjà dans l’Ancien Testament Dieu se révèle comme miséricordieux et patient envers ses créatures : pensez au livre du prophète Jonas dans lequel Dieu envoie son serviteur (bien malgré celui-ci d’ailleurs) pour prêcher la repentance à la ville païenne de Ninive enfoncée dans ses mauvaises pratiques.  En fin de compte, elle se repent et le jugement dont Jonas l’avait menacée au nom de Dieu n’est pas exercé, ce qui rend d’ailleurs Jonas assez furieux : car il ne dispose pas du trésor de patience dont l’Eternel dispose.  C’est du reste souvent ce qui se passe dans l’Eglise : d’un point de vue humain, beaucoup souhaiteraient qu’un pécheur qui a fait preuve d’une très grande obstination, soit exclu de l’Eglise sans aucune possibilité d’y être réintégré, même s’il fait preuve d’une repentance sincère.  On veut imposer des normes humaines à la vie de l’Eglise, et non celles de son seul Chef, Jésus-Christ.  On fait alors preuve de moralisme, d’intransigeance, et peut-être aussi de beaucoup d’hypocrisie.  Comme si le pardon des péchés des uns et des autres dans l’Eglise n’avait pas été assuré par le seul sacrifice librement consenti de Jésus sur la Croix, comme si les autres membres pouvaient se targuer d’une pureté et d’une obéissance envers Dieu qui ne mériteraient aucun pardon de la part du Père céleste.

Déjà au livre de l’Exode chapitre 34, lorsque l’Eternel est apparu à Moïse, il lui a déclaré : L’Eternel, l’Eternel, Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité, qui conserve sa bienveillance jusqu’à mille générations, qui pardonne la faute, le crime et le péché, mais qui ne tient pas le coupable pour innocent, et qui punit la faute des pères sur les fils et sur les petits-fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération !  

Comment l’article 78 de l’ordre ecclésial formule-t-il la notion de réconciliation dans l’Eglise, après qu’un membre en ait été retranché ?  Si quelqu’un qui a été retranché veut se réconcilier avec la communauté après avoir fait preuve de repentance, cela doit être signifié à la communauté avant la célébration de la Sainte Cène ou au moment jugé le plus convenable. Ainsi lors de la prochaine Sainte Cène – et si personne n’a fait montre d’objection – cette personne peut être réintégrée après avoir publiquement montré sa conversion, le tout en suivant le formulaire dressé pour cette occasion.  Il est clair d’après cet article que c’est le devoir des serviteurs du Christ d’administrer la réconciliation à toute personne qui a été retranchée de l’Eglise mais s’est ensuite sincèrement repentie.  Le pouvoir des clés du Royaume confié par Jésus à ses disciples, ne leur a pas été donné seulement pour exclure les pécheurs qui ne se repentiraient pas, mais tout autant pour ouvrir les portes du Royaume à ceux qui manifesteraient une véritable repentance.

Le formulaire dont il est question dans l’article 78 comprend deux parties qui seront lues durant deux dimanches consécutifs.  Car ce n’est qu’avec l’approbation de la communauté tout entière que la réintégration pourra avoir lieu.  Il est donc nécessaire qu’une première annonce soit faite qui laisse la possibilité à un membre de remettre en question cette réintégration, sur la base d’arguments légitimes.  Un argument légitime ne consiste pas à rappeler les péchés passés de la personne, aussi graves qu’ils aient pu être, mais  à mettre en doute avec de sérieux arguments la réalité de la repentance du pécheur.  Dans ce cas, la réintégration du membre devra être différée à la célébration suivante de la Sainte Cène, afin que le Conseil des anciens ait suffisamment de temps pour examiner l’objection qui lui a été soumise.

Si personne n’a amené d’objection légitime devant le conseil des anciens, alors le dimanche suivant,  la seconde partie du formulaire sera lue, en présence de la personne ayant demandé à être réintégrée.  Ce formulaire donne en résumé l’enseignement apostolique sur l’exclusion et la réintégration d’un membre.  Il exprime aussi l’assurance que la réintégration n’est pas feinte, n’est pas consentie à moitié, mais au contraire pleinement et entièrement sur la base des promesses du Christ et de la sincère repentance du pécheur.  Celui-ci ou celle-ci répondra succinctement aux questions posées, et reconnaîtra entre autres que la discipline spirituelle qui lui a été imposée était nécessaire et légitime au vu de son comportement passé.  Il répondra aussi positivement à la question de savoir s’il croit qu’en Jésus-Christ ses péchés lui sont véritablement et pleinement pardonnés.  Il ou elle promettra de se convertir journellement et de vivre fidèlement selon la Parole de Dieu.  De son côté, la communauté sera invitée à recevoir le pécheur pardonné en son sein et lui témoigner d’une véritable affection fraternelle.  Sa réintégration ne signifie pas qu’il est mis sous quarantaine, ou observé avec méfiance, mais qu’il est à nouveau membre à part entière du corps du Christ.  La communauté est invitée à se réjouir de cette réintégration, sur la base de la parabole de  la brebis dite par Jésus et rapportée dans l’évangile selon Luc,  chapitre 15, versets 4 à 7 :  Quel homme d’entre vous, s’il a cent brebis et qu’il en perd une, ne laisse les 99 autres dans le désert pour aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?  Lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sus ses épaules, et, de retour à la maison, il appelle chez lui ses amis et ses voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis qui était perdue.  De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de repentance.

Mais comment procéder si le membre excommunié puis retranché de l’Eglise est un membre baptisé qui n’avait pas fait de profession publique de sa foi au moment de son exclusion ?  Il devra suivre à nouveau une catéchèse, et sera admis à faire cette profession de foi publique.  Le formulaire qui sera lu à cette occasion devra être modifié en fonction de cette circonstance particulière.  La profession publique de foi servira de signe qu’il est admis au sein de l’Eglise.

Dans tout ceci, il est important de bien se souvenir qu’il ne s’agit pas pour un membre qui a été exclu de la vie de l’Eglise, de retrouver une position au sein de l’Eglise, d’être à nouveau considéré comme inscrit sur les registres de l’Eglise dont il faisait partie, mais bien de vivre à nouveau dans la communion spirituelle avec le Christ et la communauté tout entière.  S’il faut parler d’évangélisation vis-à-vis des brebis égarées à la recherche desquelles on s’en va, cette évangélisation a pour but d’amener le pécheur à une vraie repentance, et pas d’essayer de trouver un compromis acceptable pour que le pécheur puisse se sentir chez lui et jouir à nouveau d’une réputation restaurée à laquelle il aspire.  Opérer de cette manière, chercher à emprunter des raccourcis commodes serait trahir l’esprit des paroles du Christ et des apôtres.  L’Eglise ne s’édifie jamais sur des faux-semblants, des compromis, des lâchetés.  Bien au contraire, elle s’affaiblit toujours lorsqu’elle a recours à de tels procédés indignes du peuple de l’Alliance avec le Dieu saint, juste et miséricordieux.