LE VASE ET LE POTIER (1)

“Le vase et le potier” ; c’est le titre de l’émission que “Foi et Vie Réformées” vous propose aujourd’hui, amis auditeurs. Nous allons lire ensemble quelques passages de l’Ancien Testament, mais aussi du Nouveau Testament, afin de mieux cerner notre thème, qui a trait à la question tant de fois posée de la liberté de l’homme vis-à-vis de Dieu. On pourrait poser cette question de la façon suivante: si Dieu est tout-puissant et qu'il détermine le cours des événements et des destinées individuelles et collectives, peut-on parler de liberté humaine véritable? Si Dieu décide, puis-je encore décider? La volonté de Dieu n’exclut-elle pas celle de l’homme? Comment imaginer que Dieu et l’homme puissent agir ensemble? Leurs actions se contrediront toujours mutuellement. Ou bien nous faut-il imaginer un Dieu passif, éloigné, impuissant ou indifférent, et dans ce cas seulement, l’homme peut encore avoir sa place dans le monde comme créature libre, déterminant le cours de sa destinée? Mais dans un tel cas, il nous faudra envisager un dieu déchu de ses prérogatives divines, amputé de tout ce qui fait qu’on l’appelle Dieu. Comme beaucoup le pensent ou le disent haut et fort, un tel dieu n’a sa place dans leur vie que pour combler les vides de leur théories sur l’origine et l’organisation de l’univers. C’est le dieu des philosophes déistes, de tous ceux qui ont du mal à concevoir le monde sans un être suprême: son but est de leur permettre de trouver une explication à tout ce qu’ils ne parviennent pas à expliquer autrement. Mais il n’est pas question d’avoir une relation personnelle avec ce dieu-là, on ne peut ni le prier ni s’attendre à être exaucé. Il n’y a rien à craindre ou à espérer de sa part.

Si au contraire on veut parler de Dieu comme étant souverain et tout puissant, on peut tomber dans l’autre excès: celui de penser que l’homme n’est qu’un robot, une simple machine obéissant mécaniquement aux ordres divins, sans exercer aucune responsabilité véritable. Une telle créature ne peut donc être tenue pour responsable de ses agissements. On entend parfois certains criminels dire devant la cour de justice qui les juge: “ce n’est pas moi qui suis responsable, c’est Dieu qui m’a poussé à agir de la sorte.” A partir de là, naturellement, tout devient possible, les crimes les plus abominables peuvent être justifiés sous prétexte que Dieu l’a voulu.

La Bible, amis auditeurs, ne parle de Dieu ni de cette manière, ni de la précédente. D’une part le Dieu de la Bible n’est pas la simple projection de l’imagination des hommes en quête d’un être suprême, sans pourtant que cela implique aucune responsabilité ou obéissance de notre part vis-à-vis de lui. D’autre part il n’est pas davantage ce tyran qu’on présente parfois, et qui ne laisse aucune liberté à ses créatures, ne faisant que les manipuler comme des machines.

La première indication de la relation entre Dieu et ses créatures, se trouve dans le livre de la Genèse, au tout début de la Bible. Au chapitre premier, verset 27, il est dit: “Dieu créa l’homme à son image: il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa.” Cette création de l’homme à l’image de Dieu exclut dès le début l’idée d’un robot impuissant ne disposant pas d’une volonté propre. De quelle image serions-nous les porteurs, si nous n’étions que des machines impuissantes? Il nous faudrait alors dire que Dieu lui-même n’est qu’un robot ou une machine, et que nous ne faisons que refléter ces caractéristiques en portant son image! Mais nous savons bien que la vie quotidienne de chacun de nous est marquée par des choix et des décisions de toutes sortes qui nous demandent de réfléchir, de nous informer, de mesurer les conséquences de nos décisions. Rien de mécanique dans tout cela.

Un second texte, toujours dans l’Ancien Testament, nous éclaire encore davantage sur la question de la liberté humaine et sur le plan de Dieu pour sa créature: Ce texte se trouve vers la fin du livre du Deutéronome, au chapitre 30. Le peuple d’Israël se trouve à l’orée de la terre promise, et Dieu lui enjoint de vivre en communion avec lui, en suivant ses prescriptions et commandements. Le fait que Dieu donne un commandement clair à son peuple et lui enjoint d’obéir à ce commandement, établit la responsabilité d’Israël. Notez bien, amis auditeurs, que ce mot de “responsabilité” contient en lui le mot “réponse”. Etre responsable devant Dieu, c’est lui répondre. C’est lui qui parle en premier lieu, et nous, qui sommes créés à son image, nous lui répondons ensuite, dans l’obéissance. Ce faisant nous exerçons notre responsabilité. Le passage que nous allons lire n’exclut pas que le peuple de Dieu désobéisse aux prescriptions et commandements et divins, mais il décrit clairement les conséquences d’une telle désobéissance. Écoutez plutôt: “En effet ce commandement que je te prescris aujourd’hui n’est certainement pas au-dessus de tes forces ni hors de ta portée. Il n’est pas dans le ciel pour que tu dises: Qui montera pour nous au ciel, nous l’apportera et nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique? Il n’est pas de l’autre côté de la mer, pour que tu dises: Qui passera pour nous de l’autre côté de la mer, nous l’apportera et nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique? Cette parole, au contraire, est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur, afin que tu la mettes en pratique. Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. Car je te commande aujourd’hui d’aimer l’Éternel, ton Dieu, de marcher dans ses voies et d’observer ses commandements, ses prescriptions et ses ordonnances, afin que tu vives et que tu multiplies, et que l’Éternel, ton Dieu, te bénisse dans le pays où tu vas entrer pour en prendre possession. Mais si ton coeur se détourne, si tu n’obéis pas et si tu es poussé à te prosterner devant d’autres dieux et à leur rendre un culte, je vous annonce aujourd’hui que vous périrez, que vous ne prolongerez pas vos jours dans le territoire où tu vas entrer pour en prendre possession, après avoir passé le Jourdain. J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre; j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer l’Éternel ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui; c’est lui qui est ta vie et qui prolongera tes jours, pour que tu habites le territoire que l’Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.”

Le début du passage que nous avons lu nous montre bien la proximité de Dieu avec son peuple, puisqu’il lui donne sa parole et la rend tout à fait accessible. Nul ne pourra dire qu’il ne sait pas ce que Dieu veut de lui. Cette proximité illustre le fait que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Porteur de cette image, il reçoit et comprend la parole de son créateur. Sa désobéissance n’est pas due au fait qu’il n’a pas bien saisi ce que lui enjoignait Dieu, ou qu’il a été tenu dans l’ignorance, mais seulement à sa propre rébellion. Ensuite, il est clair d’après notre texte que Dieu place l’homme devant un choix: celui de l’obéissance ou de la désobéissance. Dieu, le Créateur qui initie un dialogue de père à enfants avec ses créatures, exige l’obéissance à sa volonté. Il décrit les conséquences de la désobéissance: c’est, tout simplement, la mort. Le même avertissement se trouve au début de la création de l’homme, tel qu’elle nous est décrite au chapitre deux du livre de la Genèse (versets 15 à 17): “L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. L’Éternel Dieu donna ce commandement à l’homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.”

Dieu, donc, place son peuple en face d’un choix, celui du bien et du mal, de la vie et de la mort, mais il n’en reste pas là: il indique très clairement le bon choix! “Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, pour aimer l’Éternel ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui; c’est lui qui est ta vie et qui prolongeras tes jours, pour que tu habites le territoire que l’Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob.” La liberté de l’homme, aux yeux de Dieu, ne se trouve jamais dans la désobéissance au commandement divin, mais dans une vie de communion avec lui, marquée par la confiance et l’obéissance. Ce rapport de Père à enfants qui portent son image ne sera brisé par l’homme qu’à son propre détriment. Pour revenir sur l’idée de liberté telle qu’elle est généralement conçue par les hommes en rébellion contre Dieu, on peut dire qu’elle consiste bien en un choix opéré par l’homme, mais un tel choix n’amène avec lui que misère et aliénation, qui sont déjà la marque du jugement de Dieu sur sa créature rebelle. Car il est impossible d’échapper à son jugement. Celui-ci se manifeste de plusieurs manières; on peut aussi dire qu’il est provisoirement tempéré, car la patience de Dieu est encore à l’oeuvre. Le jugement final sur toute créature doit encore être prononcé et exécuté. Pour ceux qui connaissent la volonté de Dieu, il n’y a pas de doute sur la sentence qui attend son exécution, mais c’est maintenant le temps de l’appel à la repentance, à la conversion, au retour au bercail des enfants aliénés de l’amour paternel par leur propre volonté.

Nous voyons de cette manière comment la Bible envisage la liberté des hommes face à Dieu: il n’est question ni d’un dieu éloigné et impersonnel, qui ne mettrait pas sa créature face à sa parole et à sa loi, ni d’un dieu qui présenterait sa parole et sa loi à son peuple mais en rendrait l’obéissance facile et automatique, sans aucun exercice de la responsabilité de ce peuple. Au contraire, ce que nous voyons, c’est que l’homme créé à l’image de Dieu est appelé à lui répondre en recherchant une vie de communion avec son créateur: c’est en effet ce qu’exige de lui l’image de Dieu dont il est le porteur. Se priver de cette communion en désobéissant, c’est tout simplement travailler à effacer l’image de Dieu que nous portons, et cela ne peut avoir pour conséquence que notre mort. C’est comme si, en détruisant l’image de Dieu en nous, nous nous détruisions nous-mêmes.

Amis auditeurs, nous continuerons la prochaine fois notre méditation sur le thème “vase ou potier”, en lisant notamment des textes qui font spécifiquement appel à cette illustration, et nous tâcherons ensemble d’en mesurer la portée.