LE VASE ET LE POTIER (2)

“Le vase et le potier”, c’est, amis auditeurs, le titre de notre émission d’aujourd’hui, laquelle fait suite à une première émission sur le même thème. La question de la liberté de l’homme vis-à-vis de Dieu occupe notre réflexion. L’homme peut-il être libre si Dieu est Tout Puissant? Lors de notre précédent programme, nous avons vu que la Bible ne présente pas Dieu comme un être lointain, indifférent au sort des hommes et qui les abandonne à leur propre sort. Nous ne sommes pas davantage de simples robots exécutant mécaniquement les ordres divins, sans aucun sens de notre responsabilité. Mais, souligne la Bible, être responsable ne peut survenir que dans une réponse positive au commandement divin. Dieu met devant nous le choix du bien et du mal, de la vie et de la mort, mais nous ordonne de choisir la vie, afin que nous vivions.

Pourtant, il nous faut encore pénétrer plus loin le sens de la révélation biblique sur la nature de nos rapports avec ce Dieu Tout Puissant qui nous appelle à devenir ses enfants. Il est tout puissant, et le fait que ses créatures puissent volontairement lui désobéir, et choisir la mort plutôt que la vie, n’enlève rien à ses prérogatives divines. Nous avons vu la dernière fois que le jugement divin sur la méchanceté humaine n’est pas annulé, quoiqu’en pensent ceux qui croient pouvoir agir impunément en transgressant les commandements divins. Les versets 15 et 16 du chapitre 29 du livre du prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament, l’affirment on ne peut plus clairement: “Malheur à ceux qui se cachent de l’Éternel pour cacher leur projet, leurs oeuvres se font dans les ténèbres, et ils disent: Qui nous voit et qui nous connaît? Quelle perversité est la vôtre! Le potier doit-il être considéré comme de l’argile, pour que l’ouvrage dise de l’ouvrier: Il ne m’a pas fait? Pour que le pot dise au potier: il n’a pas d’intelligence?”

C’est clair, le potier, c’est Dieu, et l’argile, ou l’ouvrage du potier, ce sont les humains. Le potier sait parfaitement ce que vaut l’argile. La souveraineté de Dieu est encore affirmée dans le passage suivant, toujours tiré du livre du prophète Ésaïe, chapitre 45, versets 9 à 12: “Malheur à qui conteste avec celui qui l’a façonné! Vase parmi les vases de terre! L’argile dit-elle à celui qui la façonne: Que fais-tu? Et ton oeuvre ne vaut rien? Malheur à qui dit à un père: Pourquoi engendres-tu? Et à une femme: Pourquoi enfantes-tu? Ainsi parle l’Éternel, le Saint d’Israël, celui qui l’a façonné: veut-on me questionner sur l’avenir, me donner des ordres sur mes fils et sur l’oeuvre de mes mains? C’est moi qui ai fait la terre et qui sur elle ai créé l’homme; c’est moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux, et c’est moi qui commande toute leur armée.” Ici, le prophète nous affirme que Dieu revendique son statut de potier, de créateur, tandis que le vase ne le reconnaît pas comme tel. Mais il y a en même temps dans ce passage un appel pressant à la conversion, à la repentance. Ce n’est pas comme si le potier renversait la situation sans en appeler à la créature en qui il a mis sa propre image. Au contraire il s’adresse à elle avec passion. Un tel passage est en fait un cri divin pour la reconnaissance de la souveraineté de Dieu. Un peu plus loin au cours du même chapitre, ce cri éclate dans toute sa force, adressé non seulement au peuple rebelle, qui se tourne si volontiers vers des idoles faites de bois ou de pierre, mais bien à toutes les nations: “Tournez-vous vers moi, et soyez sauvés, vous, tous les confins de la terre! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je le jure par moi-même, de ma bouche sort ce qui est juste, une parole qui ne sera pas révoquée: tout genou fléchira devant moi, toute langue prêtera serment par moi. En l’Éternel seul, dira-t-on, résident pour moi les actes de justice et la force; à lui viendront, honteux, tous ceux qui étaient en rage contre lui. Par l’Éternel seront justifiés et se glorifieront tous les descendants d’Israël.” Comment lire un tel texte, amis auditeurs, et prétendre que le Dieu de la Bible abdique sa souveraineté? Il l’affirme au contraire sans équivoque, mais il le fait dans un appel qui prend au sérieux ceux auxquels il est adressé. Comment prétendre que le Dieu de la Bible ne parle pas un langage accessible aux humains, qu’il ne cherche pas à se faire comprendre mais nous manipule comme des cailloux sans vie? Non, ni l’un ni l’autre n’est vrai. Ce qui est vrai c’est que la voix du prophète nous fait entendre celle de Dieu dans un langage destiné à pénétrer le coeur de son peuple et à y apporter un changement radical, une conversion et un retour à Dieu dans une communion restaurée entre le potier et le vase d’argile.

Mais dans le passage suivant du livre d’Ésaïe, au chapitre 64, c’est au tour du vase d’argile d’invoquer le potier, et de le supplier d’avoir pitié de son ouvrage. L’obstination d’Israël, sa désobéissance continuelle aux commandements divins a eu pour conséquence l’accomplissement des menaces proférées à son encontre par l’intermédiaire du prophète: voici Israël en exil, soumise à de puissantes nations étrangères, en proie à l’humiliation. L’heure du retour à Dieu a sonné pour le vase d’argile qui se croyait autonome et prétendait maintenir une relation vivante avec Dieu tout en violant sa loi sainte: “Cependant, Éternel, tu es notre Père; nous sommes l’argile et c’est toi notre potier, nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. Ne te mets pas dans une indignation extrême, ô Éternel, et ne te souviens pas à toujours de la faute; regarde donc, nous sommes tous ton peuple, tes villes saintes sont devenues un désert, Jérusalem une désolation. Notre temple saint et splendide, où nos pères célébraient tes louanges, est devenu la proie des flammes; tout ce que nous avions de précieux a été ruiné. Devant tout cela, Éternel, te contiendras-tu? Est-ce que tu te tairas et nous humilieras à l’excès?”

La parole de Dieu s’est réalisée, et au-delà de la mise à exécution de la menace proférée tant de fois par le Dieu souverain, nous sommes frappés par la faculté de Dieu d’atteindre le coeur de son peuple rebelle. Voilà ce dernier retourné vers lui, soumis, enfin prêt à répondre positivement à l’appel divin. Il a d’abord choisi le mal et la mort, contre l’ordre de son Créateur, et a subi les conséquences mortelles inévitables de son propre choix. Mais la souveraineté de Dieu se manifeste par un acte de Grâce inexprimable, par le fait que Dieu le rappelle à la vie en le rappelant d’exil. Le retour de Juda sur sa terre ancestrale, après soixante-dix ans d’exil, ne pouvait être compris par la communauté juive que comme l’acte gracieux et souverain du Dieu qui accomplit sa parole.

Deux autres passages de l’Ancien Testament, tirés des livres du prophète Jérémie et du prophète Ézéchiel, nous éclairent encore davantage sur la manière d’agir de Dieu vis-à-vis de son peuple. Au chapitre 31 du livre de Jérémie, versets 33 et 34, Dieu lui-même dit mettre sa loi dans le coeur de ses enfants: “Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, -Oracle de l’Éternel-: je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai sur leur coeur; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Celui-ci n’enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère en disant: Connaissez l’Éternel! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand, -oracle de l’Éternel-; car je pardonnerai leur faute et je ne me souviendrai plus de leur péché.” Le mot “alliance”, ici prononcé, établit la nature de la relation restaurée entre Dieu et Israël: c’est dans le pardon de Dieu qu’une vraie connaissance de sa personne devient possible. Il prend l’initiative de pardonner, d’écrire sa loi dans le coeur de son peuple, et une vraie connaissance de son nom s’ensuit. Cela signifie-t-il que le vase d’argile est manipulé mécaniquement de manière à répondre désormais à la voix de son potier? Non, bien sûr. Car les fruits portés par le peuple de la nouvelle alliance telle qu’elle nous est ici décrite sont des fruits de justice, de paix, d’amour qui n’ont rien à voir avec une réponse mécanique. Au contraire, l’humanité retrouve le sens plein et entier de son existence dans cette relation restaurée. Dieu fait de nous des créatures nouvelles, dans lesquelles son image reluit comme jamais auparavant. Le passage parallèle qu’on trouve au chapitre 36 du livre d’Ézéchiel ne dit pas autre chose: “Je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et je vous ramènerai sur votre territoire. Je ferai sur vous l’aspersion d’une eau pure, et vous serez purifiés; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau; j’ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous suiviez mes prescriptions et pratiquiez mes ordonnances.” Notez en particulier, amis auditeurs, le contraste entre le coeur de pierre et le coeur de chair. Dieu transforme en véritable humanité la déshumanisation intervenue dans la vie de son peuple qui désobéit à sa loi: cette déshumanisation est exprimée au moyen de l’image du coeur de pierre. Voilà bien, pour la Bible, le fruit de la fausse liberté qui se moque de la parole de Dieu: l’homme devient dur, mécanique, insensible, tout sauf une créature porteuse de l’image de Dieu. En contraste, le coeur de chair symbolise l’humanité restaurée par son Esprit. La vie nouvelle est caractérisée par l’obéissance aux prescriptions de Dieu, elle est restaurée moralement, elle est porteuse de paix, elle exprime dans la joie toutes les facultés dont le Créateur l’a douée.

Ainsi s’exprime la souveraineté de Dieu, amis auditeurs: dans une alliance de Grâce qui initie et suscite une humanité nouvelle. Les hommes ne sauraient être transformés par eux-mêmes, ils ne sauraient revenir de leurs mauvaises voies par leurs propres forces, car sans l’initiative du potier divin, l’argile ne peut de lui-même trouver la forme du vase idéal. Nous verrons la prochaine fois en quels termes le Nouveau Testament nous parle du vase et du potier, et souligne la souveraineté de Dieu qui fait Grâce à qui il veut.